Le droit de timbre va-t-il s'éteindre à 95 ans? Créé lors de la Première Guerre mondiale en 1917 pour trouver de nouvelles sources de financement pour la Confédération, cet impôt indirect accepté à l'époque par 53% des votants joue son destin devant le peuple le 13 février. La gauche combat son abolition par référendum.
Chaque année, ce sont environ 200 millions de francs qui tombent dans les caisses fédérales par la perception du droit de timbre. Les trois faîtières de l'économie que sont l'Union suisse des arts et métiers, economiesuisse et l'Union patronale suisse font front commun pour ce qu'ils qualifient de «taxe spéciale aux PME, aux start-ups et aux entreprises touchées par la crise».
Plus du quart de l'impôt à Zoug!
D'où viennent exactement ces 200 millions de francs? Pour le savoir, le parti socialiste a demandé à la Confédération de disséquer la provenance de cet impôt, canton par canton. «On pensait que cela pouvait être illustratif, mais jamais nous n'aurions imaginé recevoir quelque chose d'aussi caricatural», sourit le conseiller national vaudois Samuel Bendahan.
Premier enseignement: alors qu'ils concentrent à peu près un quart des habitants du pays, les cantons romands ne représentent que 12,5% des rentrées du droit de timbre, soit 35 millions de francs. Plus éloquent encore: le canton de Zoug et ses 130'000 habitants est à lui tout seul à l'origine de 27% des rentrées fédérales au titre du droit de timbre.
Aux yeux du Parti socialiste (PS), le fait que le canton de Zoug, avec 17'000 PME, paie davantage que celui de Zurich (24% des 200 millions) et ses 107'000 PME tord le cou au «narratif» des milieux économiques, en particulier de l'Union suisse des arts et métiers qui évoque un «impôt contre les PME». «C'est la preuve absolue que ce sont des sociétés financières et immobilières qui paient en première ligne le droit de timbre», estime Samuel Bendahan.
Les Romands à la caisse?
Le chargé de cours en économie à l'EPFL relève par ailleurs que ces entreprises sont celles qui ont tiré leur épingle du jeu durant la crise. «Leurs bénéfices croissent et leur business est florissant. Il est donc absurde de leur faire des cadeaux fiscaux.» Le coprésident du PS Cédric Wermuth abonde dans le sens de son camarade, s'inquiétant des effets pour la Suisse romande. «La seule chose que la suppression du droit de timbre apportera aux Romands, c'est une diminution du service public et des investissements fédéraux.»
Les PME pas touchées? Le constat ne trouve pas d'écho à droite. Le libéral-radical Christian Lüscher, en première ligne dans cette campagne, a lui aussi sorti sa machine à calculer. «Il y a 600’000 entreprises dans ce pays, dont 540’000 ne sont pas concernées par le droit de timbre. Cet impôt n'en touche que 2300 par année, rappelle le conseiller national genevois. Même si l'on admettait que les 1700 grandes sociétés en Suisse s'en acquittent, cela laisse 600 PME et start-ups affectées!»
Au-delà de l'arithmétique, c'est la philosophie même du droit de timbre qui est combattue par la droite. «Taxer les investissements, c'est incompréhensible, s'étrangle Christian Lüscher. Un impôt est censé frapper la création de richesses: la plus-value, la fortune, les bénéfices, les dividendes!» Une société qui fait faillite peu après sa création a quand même payé le droit de timbre. De l'argent payé à l'État pour rien, dénonce l'ancien président de la commission de l'économie.
Christian Lüscher enrage contre la rhétorique de «cadeaux aux riches» brandie par la gauche. «Cela donne l'impression qu'on donne de l'argent à quelqu'un, alors que l'on ne fait en réalité que de biffer une taxe absurde. De plus, la suppression du droit de timbre pourrait stimuler les investissements et ainsi remplir à court terme les caisses fédérales.»