Une majorité des élus de législatifs de Suisse se déclarent victimes d'actes ou de discours hostiles. Au niveau communal, les femmes en sont particulièrement victimes, au point d'engendrer un stress qui les conduit à se montrer plus discrètes, selon une étude.
Sur mandat du Département fédéral de justice et police, l’Université de Zurich a interrogé plus de 3500 membres de législatifs au niveau fédéral, cantonal et communal. Ceux-ci se disent victimes d'insultes, de discours haineux, menaces, voire atteintes physiques dans l'exercice dans leurs fonctions, indique mardi l’Institut de sociologie de l’Université de Zurich.
Les médias sociaux participent pour beaucoup à ce flux hostile, selon l'étude qui montre pour la première fois de manière approfondie l’ampleur et les conséquences des hostilités envers des élus du peuple. Pour la période 2023/24, la quasi-totalité (98%) des parlementaires fédéraux se disent concernés, ceux de l'UDC et des Vert-e-s en tête. C'est le cas pour trois quarts des députés cantonaux et un peu moins de la moitié (45%) au niveau communal.
Sur le plan communal, les femmes, les personnes orientées à gauche ainsi que les minorités sociales (religieuses, ethniques ou sexuelles) sont plus souvent la cible d’hostilités que la moyenne. «Les actes d’hostilité visent encore plus fréquemment les personnes qui jouissent d’une grande visibilité médiatique ou qui prennent position sur des sujets controversés tels que l’immigration, l’égalité des sexes ou la politique des transports», souligne Lea Stahel, responsable de projet et co-autrice de l’étude à l’Institut de sociologie de l’Université de Zurich.
Conséquences démocratiques
Les femmes, les minorités et les personnes victimes de diffamation font état de niveaux de stress particulièrement élevés à la suite des hostilités subies. Par rapport aux hommes et aux membres de la majorité, elles évitent beaucoup plus souvent les apparitions publiques pour échapper aux attaques.
«Cela peut réduire les interventions politiques et la visibilité de certains groupes avec des répercussions possibles sur leur représentation et la participation démocratique dans son ensemble», explique, elle aussi citée dans le communiqué, Sarah Bütikofer, co-autrice de l’étude à l’Institut de sociologie de l’Université de Zurich.
Les hostilités ne touchent pas uniquement à des besoins de protection individuels, mais aussi à des questions fondamentales de la représentation démocratique. «Si les personnes concernées se retirent de la sphère publique et du débat, cela risque d’entraîner des distorsions et une perte de perspectives politiques», ajoute Sarah Bütikofer.
Réseaux sociaux
Aux niveaux cantonal et communal, ces actes hostiles sont souvent commis dans le cadre de contacts personnels. Dans les parlements communaux, les membres d’autres partis sont même cités comme les principaux auteurs de telles attaques.
Les femmes et les membres de minorités se déclarent particulièrement souvent victimes de discours haineux, tandis que les personnes situées à droite sont plus fréquemment en butte aux menaces, à la violence ou au vandalisme. Au niveau fédéral, les hostilités contre des parlementaires sont majoritairement lancées en ligne par des tiers inconnus.
Une majorité de parlementaires se prononcent ainsi en faveur de mesures contre les hostilités, notamment les élus nationaux, les membres orientés à gauche et les femmes. Une régulation plus stricte des médias sociaux et des poursuites pénales conséquentes recueillent le plus large consensus. De nombreuses voix s’élèvent également pour un monitoring systématique des hostilités ou des offres de soutien et de conseil au sein du système politique notamment.
Une analyse complémentaire des mesures mises en place à l’étranger et en Suisse montre que même si la Suisse compte quelques approches individuelles pour lutter contre les hostilités, celles-ci pourraient clairement être développées et professionnalisées. «Notre étude met en évidence qu’un paquet de mesures multidimensionnelles axées sur les besoins concrets des parlementaires serait approprié», conclut Lea Stahel.