Pour de nombreux futurs rentiers, l’arrivée du nouveau certificat d’assurance de leur prévoyance professionnelle (LPP) dans la boîte aux lettres, ces dernières années, était synonyme de crispation. Et pour cause: alors que le taux de conversion des caisses dites enveloppantes (qui mélangent régime obligatoire et surobligatoire) était en moyenne de 6,74% en 2010. Il ne sera plus que de 5,52% d’ici 2021.
Concrètement, cela signifie que 100’000 francs d’avoir vieillesse épargnés donnent droit à une rente d’environ 5500 francs par an. D’ici 2025, le taux moyen devrait même tomber à 5,3%... C’est du moins ce que prédit une nouvelle étude sur les caisses de pension de Swisscanto.
L'on a également lésiné sur les intérêts. Au cours des dix dernières années, les avoirs de vieillesse ont été rémunérés en moyenne à 2,1%, contre environ 2,6% au cours des deux dernières décennies. Et ce malgré la bonne performance des caisses.
200 francs de moins par mois
En conséquence, alors qu’une personne fraîchement retraitée touchait encore 2372 francs par mois en 2015, ce chiffre est tombé à 2156 francs cinq ans plus tard, selon la statistique des caisses de pension de la Confédération.
Mais ce n’est pas tout. Alors que les nouveaux retraités se morfondent, les caisses de pension se portent en fait mieux que jamais. Ces dernières années, la somme de leur bilan a en effet massivement augmenté. Fin 2020, elles avaient 1063 milliards de francs de côté. L’année dernière, les caisses ont aussi enregistré des rendements particulièrement élevés: le bilan ayant augmenté de 1100 à 1200 milliards de francs.
Reste à savoir quand les assurés et les retraités profiteront de cette manne. L’an dernier, la rémunération des avoirs de vieillesse s’est élevée en moyenne à environ 3,5%. Pendant ce temps, des initiatives privées redressent parfois l'injustice: la caisse de pension d’UBS, notamment, augmente les rentes de certains nouveaux retraités. Un cas isolé, qui pourrait faire figure d'exemple.
Un mélange toxique pour les retraités
«Il faut un renversement de tendance sur un large front», déclare à Blick le ténor de l'Union syndicale et conseiller national socialiste Pierre-Yves Maillard. D’autant plus que la hausse du renchérissement — en avril, il était de 2,5% — crée un cocktail retraite toxique.
«Au cours des dix dernières années, les avoirs de vieillesse du deuxième pilier ont été rémunérés à un niveau historiquement bas, analyse le Vaudois. Les taux de conversion ont été drastiquement réduits, et désormais, l’inflation croissante dévore la valeur des rentes des caisses de pension, déjà trop basses. On risque de voir arriver une génération perdue!»
«La réduction des prestations n’était pas justifiée»
Pierre-Yves Maillard fait ainsi référence aux personnes aujourd’hui âgées de 55 à 70 ans. «Ils reçoivent une rente beaucoup plus basse que celle à laquelle ils s’attendaient en entrant dans la vie active, dénonce-t-il. Pour eux, la perte de rente s’élève au moins à 20%. Les mesures de démantèlement des caisses de pension ont entraîné des rentes chancelantes, et une réelle insécurité sociale. Cette réduction des prestations n’est pas justifiée.»
D’autant plus que la redistribution des actifs vers les retraités a été en grande partie éradiquée. Alors que les plus jeunes profitent du tournant des taux d’intérêt et des réserves élevées des caisses de pension, il faudrait également des mesures ciblées pour la «génération perdue».
«Il faut stopper le démantèlement des prestations»
«Le démantèlement des prestations doit être stoppé immédiatement, exige le socialiste. Les baisses des taux de conversion et des taux d’intérêt techniques, décidées à titre préventif, devraient être annulées. Les caisses de pension ont suffisamment d’argent de côté pour que les rentes de cette génération puissent être augmentées.»
«Il faut en outre une solution légale pour compenser le renchérissement, ajoute Pierre-Yves Maillard. Si l’on ne corrige pas rapidement cette situation, les rentes perdront de leur valeur, et les retraités devront se serrer encore plus la ceinture...»
(Adaptation par Alexandre Cudré)