Martin Wickli, garagiste à Sargans, dans le canton de Saint-Gall, est loin d’être un inconnu pour les fonctionnaires de sa commune. Service des travaux publics, administration communale, Office cantonal de l’environnement, ou encore service d’enquête de la commune voisine: il semble tous les connaître.
Mais est-ce parce qu'ils ont tous fait réparer leur voiture chez lui? Absolument pas, rétorque Martin Wickli: «C'est parce que mon voisin leur a monté la tête contre moi depuis plus de dix ans!»
Des conditions sévères
En 2005, Martin Wickli a ouvert son garage automobile en zone industrielle. Depuis, l'emplacement n'a jamais changé. Seulement voilà, l'infrastructure est également située à quelque pas d'un quartier résidentiel: seule une haie sépare le garage des maisons d'en face. Or, c'est précisément là que vivent Erika et Ludwig H.*.
Ce couple est venu s'installer dans le quartier quelques années après l'ouverture du garage de Martin Wickli. Rapidement, les nouveaux voisins ont déposé une plainte pour nuisances auprès de la commune. Les raisons invoquées? Le garage serait trop bruyant, l'enseigne lumineuse trop claire, et les travaux sur l'esplanade du garage n'auraient pas été autorisés.
«Je ne voulais pas d'ennuis, alors j'ai accepté des conditions trop sévères», raconte Martin Wickli. Parmi elles: une diminution des heures d'ouverture et une interdiction d'ouvrir les portes de l'atelier pour le rafraîchir, sauf si la température dehors venait à dépasser les 25 degrés.
Dénonciations constantes
Des concessions insuffisantes pour les deux époux, qui n'ont eu de cesse de chercher à bloquer les projets de Martin Wickli. Installation d'une protection contre le bruit et contre les regards indiscrets: opposition! Journée portes ouvertes dans le garage: recours! Démantèlement d'un abri de voiture: plaite! L'entrepreneur est désemparé: «Peu importe ce que je veux faire, cela finit toujours par un combat.»
Sollicité par Blick, Ludwig H., l'un des deux voisins, se défend: «Monsieur Wickli ne dit pas la vérité, il ne respecte pas les accords.» Selon lui, le gérant du garage ne fait preuve d'aucune considération et se contente de chercher des «failles» dans les conditions imposées. Par exemple, le garagiste travaillerait de plus en plus souvent sur ses véhicules en dehors de son garage, ce qui provoquerait un bruit considérable.
En raison des plaintes récurrentes, la commune de Sargans effectue régulièrement des contrôles au garage de Martin Wickli. «Je dois être constamment sur mes gardes. A la moindre infraction, mon voisin appelle la commune», raconte-t-il.
700 francs pour une cigarette
Lorsque l'apprenti fume une cigarette, c'est 700 francs d'amende. Lorsqu'un employé entrouvre la porte pour laisser entrer de l'air frais, Martin Wickli part du principe qu'il devra payer une amende (sauf s'il fait plus de 25 degrés dehors.)
Certes, la commune précise dans une lettre que les contrôles effectués n'ont pas permis de constater des infractions. «Malgré cela, aucune issue ne peut être entrevue», soupire Martin Wickli.
Les «caprices» de ses voisins ne se limitent pas à sa vie professionnelle. En effet, Martin Wickli habite avec sa famille juste à côté de l'atelier. «Lorsque j'ai voulu construire une piscine pour mes trois enfants, le voisin a fait opposition», raconte-t-il. «Il a réclamé des règles sur les jours et les heures où les enfants pouvaient utiliser la piscine.»
La commune propose un nouveau terrain... puis se rétracte
Pour sa part, Ludwig H. souligne que «l'affaire de la piscine» remonte à plus de 12 ans. Il raconte que l'interdiction de baignade était limitée au dimanche après-midi: «Cette mesure devait permettre de souffler après une semaine de nuisances sonores trop importantes dues à l'exploitation du garage.» Il jure avoir cherché une solution avec le garagiste: «Mais nous nous sommes heurtés à un refus.»
Il y a quelques années, le président de la commune de Sargans, Jörg Tanner (Vert'libéraux), a proposé à Martin Wickli de déménager son garage sur un nouveau site. On lui a alors proposé un terrain à bâtir. La Commune et le Canton ont approuvé la nouvelle construction.
Mais alors que tout semblait en ordre, le président de la commune a soudainement retiré le permis de construire, expliquant que le terrain avait été attribué à quelqu'un d'autre. De quoi faire sortir Martin Wickli de ses gonds: «J'avais déjà investi plus de 100'000 francs dans le projet.»
«Ils veulent que je disparaisse»
Jörg Tanner lui a alors proposé un autre terrain. «J'ai donc fait modifier mon projet de construction», explique Martin Wickli. Mais cette fois encore, le président de la commune a fini par faire marche arrière. Aujourd'hui, le garagiste croule sour les factures. En cause: les 100'000 francs investis en vain pour le premier projet et les 70'000 francs dépensés dans le vide pour le second. A cela s'ajoutent des frais de permis de construire de plus de 10'000 francs.
Blick a contacté le président de la commune, qui n'a pas souhaité répondre aux questions sur le cas de Martin Wickli, invoquant la procédure en cours. Blick a également adressé une liste de questions à la Commune, qui n'a toujours pas répondu après 15 jours.
Cette dernière examine toutefois de nouvelles restrictions. Tout travail sur l'esplanade du garage devrait être désormais interdit. «Je n'aurais même pas le droit d'y changer une ampoule!», peste Martin Wickli. Quant aux portes, elles devraient rester fermées en permanence, même en pleine chaleur estivale. Martin Wickli n'en peut plus. «Mon voisin me terrorise (...) – et maintenant je vais devoir déménager !», conclut-il amèrement. «Mais après toutes ces années, je n'abandonnerai pas facilement.»
*Noms d'emprunt