Une alternative aux frais de carte
Les banques suisses continuent de bouder le paiement instantané

Malgré la concurrence de Twint et des paiements instantanés, les activités des multinationales du paiement, qui se chiffrent en milliards, sont en plein essor. Voici comment elles se préparent à la suite.
Publié: 15.04.2025 à 13:04 heures
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Malgré la concurrence de Twint et des paiements instantanés, les multinationales du paiement sont en plein essor.
Photo: KEYSTONE
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Michael Heim

Le business des transactions rapporte gros. La preuve: les chiffres des grandes sociétés de cartes bancaires n'arrêtent pas de monter. Depuis 2014, le nombre de transactions annuelles traitées par les leaders du marché, comme Visa (Etats-Unis), Mastercard (Etats-Unis) et Union Pay (Chine), a plus que triplé. En 2023, ces transactions sont passés de tout juste 200 à plus de 650 milliards. Visa est en tête et enregistre à lui seul 266 milliards de transactions.

Les bénéfices annuels dans ce secteur se chiffrent souvent en milliards. En 2024, Visa a enregistré un bénéfice net de 20 milliards de dollars, 13 milliards pour Mastercard et 10 milliards pour American Express, une entreprise peu plus petite mais très rentable. En parallèle, les intermédiaires de paiement, qui organisent les flux de paiement mondiaux, enregistrent de belles marges. Par exemple, pour 100 dollars de chiffre d'affaires, Visa réalise 55 dollars de bénéfice net et 45 dollars pour Mastercard.

Tirer son épingle du jeu

La valeur en bourse de Visa et Mastercard ensemble dépasse les 1000 milliards de francs. Pourtant, les grands exploitants de réseaux ne reçoivent qu'une petite partie des recettes des frais de cartes. Ce sont les banques nationales et les entreprises technologiques qui reçoivent la majorité des recettes, car ils traitent les paiements ou émettent les cartes. En Suisse, on peut citer Worldline, Viseca, UBS ou la Cornèrbank.

Face à ces recettes alléchantes, de nombreuses entreprises espèrent tirer leur épingle du jeu. C'est pourquoi des méthodes de paiements parallèle sont en plein essor. Par exemple, il y a les virements directs mondiaux comme Paypal, les systèmes de paiement régionaux comme Twint (Suisse) ou Swish (Suède), ou encore les cryptomonnaies, pour ceux qui se méfient des banques. 

Les banques centrales ont réagi et lancé une attaque contre les systèmes de paiement coûteux de l'industrie des cartes. Plusieurs banques centrales ont lancé des monnaies numériques censées être plus faciles à utiliser que la monnaie bancaire. Mais surtout, elles ont transformé et accéléré le trafic des paiements classique pour qu'il puisse servir d'alternative aux paiements par carte plus coûteux. Un phénomène qui se produit aussi en Suisse.

Le paiement instantané contre les frais de carte

SIC 5 a été lancé fin 2023, avec le soutien de la Banque nationale suisse. Grâce à ce système de paiement, désormais les virements en Suisse peuvent être effectués en temps réel, 24 heures sur 24, dans un délai maximal de 10 secondes entre l'ordre envoyé et le crédit reçu. En théorie, ce système devrait ouvrir la voie à de nouvelles possibilités. 

Il suffirait au client de scanner un code QR avec son application bancaire. Quelques secondes plus tard, le vendeur recevrait l'argent sur son compte et le paiement serait finalisé. Et ce, sans frais de carte onéreux pour le vendeur. SIC 5 fonctionne, les banques sont connectées, les transactions sont conclues, mais cette révolution n'arrive pas.

L'UE oblige les banques à s'ouvrir

Il suffit de regarder chez notre voisin européen pour comprendre pourquoi cette révolution financière ne se produit pas chez nous. Dans l'UE, les prescriptions en matière d'open banking permettent à des entreprises de connecter directement des applications de paiement aux interfaces des banques et déclencher des paiements. En Suisse, cette obligation n'existe pas. 

Par ailleurs, les banques dans l'UE n'ont pas le droit de facturer de frais plus élevés pour le système de paiement instantané par rapport aux virements bancaires traditionnels. En Suisse, cette prescription n'existe pas, les banques ne sont pas tenues de proposer des sorties de paiement instantanées, seul le crédit immédiat est interdit. Cette situation en Suisse refroidit donc l'enthousiasme de nombreuses banques vis-à-vis du paiement instantané. Postfinance ne propose pas du tout de paiements instantanés sortants et UBS demande une taxe de cinq francs par paiement. 

Pour le moment, le paiement instantané n'est donc pas très avantageux. D'après les initiés, ce système pourra fonctionner seulement quand les banques y gagneront autant que lorsque leurs clients paient avec les cartes de crédit et de débit. En d'autres termes, il faudrait que les commerçants acceptent des frais qui seront en partie reversés aux banques.

Visa n'abandonne pas la Suisse

Visa et les autres groupes se sont déjà adaptés et ont transformé leurs modèles commerciaux. Alors qu'ils n'étaient que de simples intermédiaires de paiement, ils sont devenus des entreprises technologiques globales. Santosh Ritter, chef de Visa en Suisse, explique que l'entreprise a ouvert son propre réseau depuis des années et qu'elle est prête pour de nouveaux partenariats.

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Personne ne connaît mieux le trafic des paiements et ses risques que nous
Santosh Ritter, chef de Visa en Suisse
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Santosh Ritter aimerait que son entreprise conseille les banques et autres exploitants de réseaux en matière de sécurité. «Personne ne connaît mieux le trafic des paiements et ses risques que nous», explique-t-il. Chaque paiement est contrôlé grâce à 500 caractéristiques pour détecter les risques de fraude. Un paramètre important pour les paiements instantanés, terminés en quelques secondes et qui ne peuvent pas être annulés, contrairement aux paiements par carte de crédit.

Aujourd'hui, Visa est déjà en contact avec des exploitants de systèmes de paiement et des banques, et a mis en œuvre un projet pilote avec le réseau national de paiement de Grande-Bretagne. L'entreprise s'efforce aussi de décrocher de nouveaux contrats en Suisse. Santosh Ritter a déjà agrandi les bureaux à Zurich et fait de la place pour plus de personnel. Les acteurs de ce secteur sont convaincus qu'il y aura de plus en plus d'argent à gagner avec les paiements instantanés.

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