Les Verts vaudois vont perdre leur tête
Alberto Mocchi: «J’ai décidé de quitter la présidence du parti»

Alberto Mocchi s'apprête à quitter la présidence des Vert·e·s du canton de Vaud, annonce-t-il en exclusivité à Blick. L'occasion rêvée de lui poser les questions qui fâchent, à quelques heures à peine des résultats du premier tour des élections cantonales. Interview.
Publié: 19.03.2022 à 06:42 heures
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Dernière mise à jour: 19.03.2022 à 07:13 heures
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Alberto Mocchi, président des Vert·e·s du canton de Vaud, s'est confié à Blick, la veille des élections cantonales.
Photo: Keystone
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Antoine HürlimannResponsable de l'actualité de L'illustré

Alberto Mocchi lâchera en juin la présidence des Vert·e·s du canton de Vaud, annonce-t-il en exclusivité dans nos colonnes, la veille du premier tour des élections cantonales. En poste depuis six ans, l'actuel syndic de Daillens veut passer la main. Et, si possible, à la relève féminine du mouvement écologiste.

Pour Blick, l’universitaire campagnard de 35 ans se penche humblement sur son bilan et répond à toutes les questions qui fâchent. Les Vert·e·s sont-ils condamnés à être le marchepied du Parti socialiste? L’alliance entre les deux forces de gauche survivra-t-elle à la probable montée en puissance des écolos? Ou encore: Alberto Mocchi arrivera-t-il cette fois-ci à peser sur la scène politique cantonale, après sa non-élection au Grand Conseil en 2017? Interview.

Pour vous, les élections cantonales marqueront six années passées à la tête des Vert·e·s du canton de Vaud. C’est la fin d’un cycle important?
Pour moi, oui. Pas vraiment pour mon parti, même si nous avons vécu six années intenses, durant lesquelles nous avons beaucoup progressé. Aujourd’hui, je pense qu’il est temps de laisser la place à la relève. J’ai donc décidé de quitter la présidence du parti. Le passage de témoin se fera lors de notre assemblée générale du 9 juin.

Pourquoi prendre cette décision maintenant?
Simplement parce que je trouve que j’ai fait mon temps et que la période post-électorale est propice aux changements. Ces dernières années, nous avons mené coup sur coup les campagnes pour les élections fédérales, communales et cantonales. Il faut maintenant qu’une nouvelle équipe se mette en place. Et puis, je pense qu’il est important — même si la candidature est ouverte à toutes et tous — qu’une femme prenne la tête du mouvement. Depuis 2007, cinq hommes se sont succédé à la présidence des Vert·e·s. C’est donc le moment, non?

Vous avez des noms en tête?
Oui, bien sûr, mais je les garde pour moi. Nous avons beaucoup de jolies personnalités, que ce soit au Grand Conseil ou ailleurs. Le processus est ouvert et c’est l’assemblée générale qui décidera.

Quel bilan tirez-vous de vos années de présidence?
Il serait bien présomptueux de ma part de m’attribuer les succès de mon parti et de ses différentes réformes. Ce n’est pas à moi de dire si j’ai fait du bon ou du mauvais travail. Mais il était bien évidemment agréable de présider les Vert·e·s, avec une équipe de direction très soudée, durant des années où les questions écologiques ont fait leur place dans le champ politique. Nous nous sommes renforcés à chaque élection et nous avons réussi à nous imposer sur des thématiques sur lesquelles on ne nous attendait pas. Comme la croissance économique ou encore la bientraitance animale.

N’avez-vous cependant pas manqué d’ambition et même de courage politique? Vous ne présentez aujourd’hui qu’un seul candidat pour remplacer votre ministre Béatrice Métraux. En 2020, vous n’aviez pas non plus disputé le siège de Christelle Luisier, lors de la complémentaire au Conseil d’État…
Il y a évidemment eu des discussions à l’interne. En tant que président, j’ai toujours essayé d’éviter de pécher par arrogance ou par excès de confiance. Ce n’est pas parce qu’il y a une élection qu’il faut à tout prix envoyer des candidates et des candidats. Il y a un temps pour tout. Nous avons déjà une majorité de gauche au Conseil d’État. Dans cette configuration, les idées que nous voulons défendre y sont défendues. Nous avons une alliance forte avec le Parti socialiste et il est essentiel de maintenir cette majorité en votant pour l’alliance rose-verte.

Mais quand on voit que la candidate — une parfaite inconnue — de la Grève du climat avait réuni plus de 23% des voix face à Christelle Luisier, n’avez-vous pas l’impression d’avoir manqué votre rendez-vous avec la population?
Si nous avions présenté quelqu’un, on nous aurait décrits comme des gens déconnectés de la réalité. Nous avions soutenu la candidature de la Grève du Climat, ce qui avait permis de thématiser encore davantage l’urgence climatique. Nous avions aussi repris le Département de l’environnement. C’est cela qui compte vraiment! Plus généralement, il faut être patient. D’autres occasions viendront. Nous verrons bien la force des Vert·e·s après ces élections cantonales. Nous voulons encore progresser. Mais présenter des candidatures au mauvais moment, c’est potentiellement griller des personnes. Il ne faut jamais oublier les humains derrière les idées.

La progression dont vous parlez se fera-t-elle au détriment du Parti socialiste?
Non! Le Parti socialiste est notre allié, cela ne serait absolument pas dans notre intérêt. C’est avec ce parti que nous gouvernons un peu partout. Quand nous sommes unis, cela fonctionne!

Allons… Derrière les alliances décrites comme vertueuses, on sait que chaque formation essaie de se tailler la part du lion. Formulons les choses différemment. Les Vert·e·s sont-ils condamnés à être le marchepied du Parti socialiste?
Mais je ne crois vraiment pas que les Vert·e·s sont le marchepied du Parti socialiste. Il faut revenir à la réalité historique. Le Parti socialiste est un parti ancien et bien établi sur la scène politique vaudoise. À côté, le mouvement écologiste est plus petit et plus récent. Il grandit et cela peut parfois créer des tensions, notamment à Berne. Mais ce qui unit les Vert·e·s et le Parti socialiste est bien plus fort que ce qui pourrait les séparer. Il est inutile d’alimenter ce fantasme, qui fait le jeu de la droite. Nous avançons ensemble, avec des objectifs communs.

Revenons-en à vous. En 2017, vous n’aviez pas réussi à accéder au Grand Conseil, malgré votre stature. Être président d’un parti important ne suffit pas pour passer l’épaule?
Eh bien pas en 2017, apparemment (rires). Nous verrons bien dans quelques jours. Lors des précédentes élections, il faut dire que j’étais président depuis assez peu de temps. À l’inverse, on m’avait dit, au moment de me présenter à la présidence, qu’il fallait absolument être député pour y accéder. Force est de constater que ce n’est pas une vérité non plus.

Vous avez depuis fait vos preuves en tant que syndic de Daillens. Une nouvelle veste aux élections cantonales serait plus difficile à avaler?
Je n’ai jamais vu la présidence des Vert·e·s comme un tremplin. Ceci dit, si je ne suis pas élu au Grand Conseil, cela signifierait effectivement pour moi la fin d’un cycle. Je suis très heureux dans mon rôle de syndic, où je peux faire des choses très intéressantes et concrètes au niveau local et je m’en contenterais facilement. Mais j’ai aussi appris à ne jamais dire jamais. Je ne ferme aucune porte.

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