Les extraterrestres prônent l'égalité
Des partisans raëliens soutiennent le topless à la plage

Une manifestation aura lieu ce samedi à la piscine de Bellerive à Lausanne – les tétons des femmes seront de sortie. Organisé par gotopless.org, l’événement dénonce l’interdiction faites aux femmes d’être seins nus. Mais l’identité de l’organisateur questionne.
Publié: 16.08.2022 à 20:46 heures
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La Pride gotopless de 2019 à Manhattan était sponsorisée par le mouvement raël.
Photo: SOPA Images/LightRocket via Getty Images
Mathilde Jaccard

Soleil, été, piscine… Trois éléments qui depuis quelques années font ressurgir une même thématique: le topless, ou «sein nu».

Alors que les hommes peuvent se pavaner torse à l’air dans les rues et les piscines, les femmes sont contraintes de couvrir leur poitrine. La distinction de traitement entre les deux genres fâche et de plus en plus de manifestations ont lieu pour dénoncer cette inégalité.

Les partisans des extraterrestres pour le topless

Ce samedi, c’est à la piscine de Bellerive à Lausanne qu’un événement aura lieu, apprend-on dans le «20 minutes». Organisée par l’association internationale gotopless.org, la manifestation invite les femmes à faire tomber le haut de maillot - et les hommes à en porter un - en guise de soutien. Si l’initiative peut être considérée comme louable pour certaines et certains, l’organisation à l’origine du mouvement interpelle.

Surprise: gotopless.org a été fondée par le mouvement raëlien. La doctrine de ce groupuscule, qualifié de secte depuis 1995 en France, se base sur une rencontre entre le fondateur, nommé Raël, et les extraterrestres, qui serait à l'origine de la vie sur Terre.

Se faire une bonne pub

Mais quel est le lien entre les partisans des extraterrestres et la promotion du topless? Pour Jörg Stolz, sociologue à l’université de Lausanne, l’explication est simple. «Il est vrai que le lien entre les aliens et le port d’un haut de maillot de bain à la piscine ne saute pas forcément aux yeux. Mais les raëliens prônent aussi l’amour libre et l’absence de complexes face à la nudité.»

Le mouvement nomme cette libération sexuelle la «médiation sensuelle». Sur leur site internet, entre deux réflexions assez «lunaires», Raël promeut «la découverte de son propre corps pour faire l’expérience de l’orgasme cosmique».

Mais le sociologue n’hésite pas à apporter une nuance au «20 minutes». Selon lui, c’est surtout un moyen de se faire de la bonne pub et attirer l’attention des médias. «Les raëliens s’associent volontiers aux manifestations qui ont le vent en poupe, comme la Pride, leur but étant de recruter de nouveaux adeptes. C’est une stratégie marketing.»

Faudrait-il donc ne pas en parler? La questionne reste en suspens.

Lausanne veut changer les choses

Mais dans tous les cas, le sujet sur le topless à la plage est viral ces dernières années. Pour le sociologue, la Suisse a fait un bond en arrière en matière de liberté. Il confie au journal: «En Suisse, jusque dans les années 1950, les valeurs étaient très conservatrices. Puis, les années 1960 ont apporté beaucoup de libérations, que ce soit en matière de vêtements, de coupes de cheveux ou d’émancipation des femmes. À cette époque et jusque dans les années 1980, la nudité était davantage acceptée et il y avait bien plus de femmes topless sur les plages qu’aujourd’hui. On peut donc parler d’une forme de régression qui contraste avec d’autres valeurs devenues plus libérales, par exemple l’acceptation de l’homosexualité.»

La ville de Lausanne tient tout de même à préciser que ces interdictions sont valables uniquement lors de la baignade et le déplacement. Sur leur linge, les femmes peuvent bronzer seins nus.

A noter, les fesses doivent également être couvertes, au même titre que la poitrine, précise Patrice Iseli, chef du Service des sports. «Le règlement traduit une sensibilité au corps dénudé revenue au cours des années 2000. Cela évolue aujourd’hui, mais il ne faut pas perdre de vue que nous devons composer avec toutes les sensibilités.» Il affirme cependant que «la question va être abordée de manière pragmatique dans les révisions, qui est en cours, du règlement. Les éventuelles modifications seront ensuite présentées au Conseil communal.»

«Aussi important que le droit de vote»

Pour Lucie, la coordinatrice de gotopless.org en Suisse et membre du mouvement raëlien, le combat pour la liberté des tétons féminins n’est pas anodin. Il est «aussi important que celui pour le droit de votes des femmes. On invoque toujours l’indécence au moment de justifier cette emprise sur le corps des femmes. Mais ce qui est vraiment indécent, c’est ce non-respect au droit à l’égalité des sexes, pourtant protégé constitutionnellement.»

Certes, l’organisation a été créée par Raël, mais Lucie défend: «L’organisation regroupe aujourd’hui des milliers de membres, dont une partie n’a pas de liens avec le mouvement.» L’événement de samedi n’a pas été choisi au hasard. Pour la raëlienne, «cette thématique a été choisie au vu de l’actualité européenne. Que ce soit en France, en Allemagne ou en Suisse, la question du topless a fait beaucoup de bruit cet été.»

Pour l’instant, la Ville n’a reçu aucune demande d’autorisation pour la manifestation de la part du mouvement sectaire.


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