Le taux Saron plus avantageux
Comment la BNS influence les taux d'intérêt des épargnants et propriétaires

La Banque nationale suissse a une grande influence sur le porte-monnaie de tous les habitants du pays. Mais que signifient le taux directeur, le taux Saron, les taux d'intérêt à long terme et comment tout cela est-il lié ?
Publié: 06.05.2025 à 05:52 heures
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Dernière mise à jour: 06.05.2025 à 05:53 heures
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Le directeur de la Banque nationale, Martin Schlegel, doit maintenir la stabilité des prix en Suisse. Il le fait en premier lieu par le biais du taux directeur.
Photo: keystone-sda.ch
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Reto Zanettin

La Banque nationale suisse (BNS) a une mission centrale. Elle doit, selon la loi, maintenir le niveau des prix en Suisse. En d'autres termes, le taux d'inflation doit se situer entre 0 et 2%. Si l'on y parvient, le pouvoir d'achat des gens est en grande partie maintenu – on peut acheter à peu près la même quantité de biens qu'un an auparavant. Si l'inflation sort de la marge de fluctuation, la BNS doit alors prendre des contre-mesures.

Elle dispose pour cela de deux outils: les taux de change, qu'elle peut influencer en intervenant sur le marché des devises, et le taux directeur – taux clé de la politique monétaire. Par le biais de ces deux paramètres, la BNS contrôle les «conditions monétaires» qui, à leur tour, influencent les opérations financières et l'économie en Suisse.

Le taux directeur influence donc d'autres taux d'intérêt. Un exemple sans doute familier aux propriétaires immobiliers est le taux Saron. C'est le taux auquel les banques se prêtent mutuellement de l'argent au jour le jour. Il joue donc un rôle important dans la gestion des liquidités des établissements financiers. Mais ce n'est pas tout: les hypothèques basées sur le taux Saron permettent également de financer des biens immobiliers. Les propriétaires sont donc particulièrement attentifs lorsque la BNS tourne la vis des taux d'intérêt – le financement d'une maison peut devenir plus avantageux ou plus cher.

Les hypothèques du marché monétaire sont devenues plus avantageuses

Ce regard sur les traits de la politique monétaire de la BNS est justifié. En effet, le taux Saron suit de près et immédiatement le taux directeur. Par exemple, si le taux directeur baisse de 0,25 point de pourcentage, le Saron le suit presque mécaniquement. Des écarts minimes n'ont pas d'importance dans l'ensemble. La marge que les banques fixent pour les hypothèques Saron est plus pertinente. C'est l'ensemble de l'opération – marge comprise – qui détermine le caractère avantageux ou non d'une hypothèque indexée sur le marché monétaire et son attractivité par rapport à une hypothèque à taux fixe.

Après la baisse du taux directeur de la BNS en mars, les hypothèques indexées sur le marché monétaire sont devenues encore plus avantageuses. «Une grande partie des hypothèques du marché monétaire nouvellement conclues devraient coûter actuellement entre 0,9 et 1,3%», écrit Claudio Saputelli, spécialiste de l'immobilier chez UBS, dans une analyse récente. Selon lui, les hypothèques à taux fixe sur dix ans se situent pour la plupart entre 1,2 et 1,7%.

Par conséquent, les hypothèques Saron sont actuellement plus avantageuses que les hypothèques fixes à long terme. L'évolution des coûts de financement dépendra toutefois de l'évolution des taux d'intérêt. Un point de repère sera fixé le 19 juin. La prochaine décision de politique monétaire de la BNS est prévue pour cette date.

Un couplage étroit est important pour la BNS

Pour la BNS, il est important que les taux d'intérêt comme le Saron suivent de près le taux directeur. «Lors de la mise en œuvre de la politique monétaire, la BNS évalue en permanence l'impact des modifications de son taux directeur sur les taux d'intérêt», peut-on lire dans la dernière note de recherche de la BNS.

Selon ce document, la politique monétaire des dernières années peut être considérée comme «efficace». Les adaptations du taux directeur se sont donc bien répercutées sur d'autres taux d'intérêt – pas seulement sur le Saron, mais aussi sur le taux implicite du dollar en francs et celui de l'euro en francs. C'est ainsi que la BNS appelle les taux qui résultent des échanges de devises – ils reflètent le rendement de la monnaie nationale, qui est échangée contre une monnaie étrangère pendant une période limitée et investie aux taux d'intérêt en vigueur.

Le taux de la paire euro-franc suisse suit presque à 100% le taux directeur de la BNS. L'influence de la BNS est donc très importante mais elle n'est pas aussi forte pour la paire dollar-franc suisse. Son taux suit le taux directeur de la BNS à un peu plus de 80%. L'écart plus important s'explique par des frictions sur le marché et une dynamique sur le marché des swaps de devises qui coïncide avec les décisions de la BNS, expliquent les économistes de la Banque nationale qui ont rédigé la note de recherche.

La courbe des taux inversée, un signal de récession?

Les taux d'intérêt à court terme ont un impact sur les taux d'intérêt à plus long terme, constatent les économistes. Mais les taux d'intérêt à long terme – c'est-à-dire les rendements des emprunts d'Etat à dix ans ou plus – sont aussi fortement déterminés par les attentes des acteurs du marché et par des considérations de risque.

Par exemple, les taux d'intérêt: des primes de risque plus élevées sont exigées des débiteurs faibles. Et si les investisseurs s'attendent à une hausse de l'inflation, ils veulent des rendements plus élevés afin d'éviter des pertes réelles. Les investisseurs sont rémunérés par une prime d'échéance pour privilégier les obligations à long terme par rapport aux obligations à court terme et pour immobiliser leur capital sur une plus longue période.

Normalement, les taux d'intérêt à long terme sont supérieurs aux taux d'intérêt à court terme. C'est ce qui s'est passé en mars de cette année, où, selon les données de la BNS, les rendements des obligations en francs étaient les suivants:

DuréeRendement (%)
1 an0,079
2 ans0,103
3 ans0,157
4 ans0,218
5 ans0,279
6 ans0,336
7 ans0,388
8 ans0,435
9 ans0,477
10 ans0,514

Tableau: Rendements des obligations en francs à fin mars. Source: Banque nationale suisse.

Le monde a continué de tourner et les rendements des obligations de la Confédération à 2 ans sont actuellement passés en dessous de zéro, tandis que les échéances plus courtes se situent encore tout juste en zone positive. L'image selon laquelle les taux d'intérêt à long terme sont plus élevés que les taux d'intérêt à court terme n'est donc pas constante. Au cours des dernières années et décennies, il y a toujours eu des phases où la situation s'est inversée: les échéances courtes étaient supérieures aux échéances longues – ce qui indiquait souvent une récession.

Les Etats-Unis en fournissent plusieurs exemples. Selon les données de la Federal Reserve Bank de St. Louis, une récession s'est produite six fois depuis 1980, lorsque les rendements des obligations d'Etat à dix ans étaient inférieurs aux rendements des obligations d'Etat américaines à deux ans. La situation s'est inversée à partir de juin 2022, lorsque les obligations d'Etat à dix ans ont rapporté jusqu'à 1,06% de moins que les obligations à deux ans. Mais l'économie américaine a continué de croître.

De nouvelles baisses de taux en vue

Le signal apparemment sûr de la récession s'est estompé. Les économistes ont trouvé une explication dans la politique des taux d'intérêt de la banque centrale américaine, la Fed. Celle-ci avait fortement augmenté les taux directeurs. Mais les taux d'intérêt à long terme avaient également augmenté. Selon la banque américaine Goldman Sachs, ce ne sont pas les rendements des emprunts d'État à dix ans qui sont bas, mais les taux directeurs américains qui sont élevés. Les investisseurs s'attendaient à des baisses des taux directeurs en cas de ralentissement de l'inflation et de retour à une situation plus normale. 

Pour l'instant, il faut s'attendre à un risque accru de récession en raison du conflit douanier. Un affaiblissement de la conjoncture plaide en faveur de nouvelles baisses des taux d'intérêt. De telles baisses sont tout à fait possibles compte tenu de la force du franc, ce qui permettrait à la Banque nationale suisse de s'orienter à nouveau vers des taux d'intérêt négatifs. Le président de la BNS, Martin Schlegel, ne les a pas explicitement exclues. Les économistes partent même du principe que des taux directeurs inférieurs à 0% seront appliqués cette année encore.

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