La crise du Covid a révélé certaines personnalités. Il y a eu Daniel Koch au début de la pandémie, le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi et, bien sûr, l'inévitable Alain Berset. Mais le ministre de la Santé n'est pas le seul Fribourgeois à se trouver en première ligne: le brigadier Raynald Droz est, lui aussi, l'une des stars de la crise.
De la première vague, pour être tout à fait précis. Le grand public avait découvert le militaire au printemps 2020, lorsqu'il était venu rendre compte de l'état de la situation aux côtés d'autres experts de la Confédération. Très à l'aise dans les trois langues nationales, Raynald Droz était devenu le visage de l'armée, le porte-parole de la «mobilisation Corona».
Alors que l'on a souvent cru la pandémie en voie de résorption, voilà que la situation repasse au rouge. Et que l'armée est de retour au premier plan, un peu à la surprise générale. Qui trouve-t-on à la baguette? Bingo: le brigadier Droz. Droz facile. Cela ne l'enchante guère, assure le Broyard dans les coursives du Palais fédéral et du centre des médias. Ce sont pourtant les moments de crise qui le révèlent. «Je m'épanouis dans ces situations», nous confiait Raynald Droz en mars 2020.
Quatre heures de sommeil par nuit
Qui est ce quinquagénaire pour lequel les médias ne tarissent pas d'éloges? Le premier indice pour cerner le personnage se trouve dans l'angle de son bureau: un lit de camp, au cas où le militaire de carrière doit y dormir. Peu — le brigadier Droz ne ferme que rarement l'oeil plus que trois ou quatre heures par nuit, avant de travailler parfois jusqu'à 20 heures par jour. «Le virus s'épuisera avant lui», commentait «Le Temps» l'an dernier.
«Je ne fais que mon travail», glisse modestement le militaire de carrière depuis 31 ans. Il est aujourd'hui chef d’état-major du commandement des Opérations et coordonne l'engagement contre le Covid. «Le brigadier Droz pense 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à travers un prisme militaire», relève un de ses camarades sous les drapeaux.
Et un militaire n'est jamais aussi appliqué et impliqué qu'en temps de crise. «Pour l'armée, c'est un moment de vérité. Nous nous sommes entraînés depuis des années pour cela», explique le brigadier Droz. L'urgence motive à donner le meilleur de soi-même «comme les grandes compétitions pour les sportifs», ajoute le natif d'Estavayer-le-Lac (FR). La comparaison n'est pas anodine: c'est le sport qui a révélé Raynald Droz.
Un athlète de niveau international
Le brigadier n'a pas toujours été aussi discipliné. Le déclic s'est produit il y a une quinzaine d'années. «J'avais 41 ou 42 ans mais surtout dix kilos de trop. J'ai fait une crise de la quarantaine», confesse Raynald Droz. Sa réaction: se réfugier dans le sport, avec un objectif à la hauteur de ses ambitions — participer au ironman d'Hawaï et ses 3,8 km de natation, 180 km de vélo et 42 km de course à pied.
De l'inconscience? Pas pour le Fribourgeois. Lorsque ses compères militaires se rendent à la salle de sport à 6h le matin, le chef d'état-major a déjà achevé sa première session d'entraînement. Une deuxième séance suit à midi. En temps normal, Raynald Droz fait du sport jusqu'à 20 heures par semaine. Son niveau de performances en fait un athlète d'envergure presque internationale, lorsque le Covid ne vient pas contre-carrer ses programmes d'entraînement.
S'engager pour la collectivité est la «destinée» de ce fils d'un Fribourgeois et d'une Italienne. C'est d'ailleurs dans la Botte, à Camogli sur la côte ligurienne, que le jeune Raynald a d'abord entrepris une formation civile sur les traces de son grand-père maternel officier de marine, avant de se tourner vers l'armée à 22 ans.
«Ma femme surveille le courrier!»
L'officier a gravi tous les échelons de la hiérarchie militaire. Capitaine en 1995, major EMG (état-major général) en 1998, puis lieutenant-colonel EMG en 1999 et colonel EMG en 2008. Il obtient le grade prestigieux de brigadier en 2018, devenant chef de l'état-major du chef de l'Armée, puis du commandement des opérations l'année suivante. Pile avant le début de la crise du Covid.
L'an dernier, lorsque Raynald Droz a fait ses premières apparitions médiatiques, un fan-club s'est constitué. «J'ai reçu énormément de courrier. Je n'aurais jamais cru», confiait-il alors à Blick. Un septuagénaire lui a par exemple raconté que sa femme s'asseyait presque religieusement devant sa télévision à 14h pour ne pas rater les conférences de presse où apparaissait le brigadier Droz. «Depuis, c'est ma femme qui surveille le courrier», rigole le Fribourgeois. Parce qu'il y a aussi eu quelques lettres d'amour. «Cela nous a fait beaucoup rire, mais c'est bien sûr flatteur.»
Pas de quoi, pour autant, détourner l'attention du brigadier Droz. Parce que son travail est trop important et qu'il s'agit de son rêve. «Diriger et décider, c'est important pour moi», confesse le Broyard. Le respect mutuel et l'esprit d'équipe sont capitaux car ils unissent, selon lui. «Ce n'est de loin pas le cas de tous les emplois.»
Une opportunité pour l'armée
Le maître-mot du brigadier? La discipline. Elle commence sur l'homme, toujours très propret avec un bouc bien taillé. «Je fais toujours attention d’avoir une tenue correcte», dit-il. Mais cela concerne aussi son travail. Pas question d'éteindre son ordinateur sans avoir répondu à tous les mails reçus, jusqu'au dernier. Sans travail, le talent ne sert à rien. «Mes enfants ne peuvent plus entendre cette phrase, tellement je le leur ai répétée», sourit le brigadier.
En temps d'engagement, papa Droz ne voit pas beaucoup ses enfants. Il préfère dormir à Berne... dans son bureau. «Ma femme n'aime pas lorsque je rentre trop tard à la maison.» Au fil des années, elle a appris ce qu'était une vie d'officier de carrière, explique-t-il. Et elle sait ce qu'implique le Covid, puisqu'elle travaille au Secrétariat d'État aux migrations (SEM).
Pour Raynald Droz, la pandémie n'a pas eu que des mauvais côtés: elle a montré à la population l'utilité de l'armée, critiquée ces dernières années. «Nous avons l'occasion de montrer que nous sommes prêts et ce que nous pouvons apporter. Nous allons contribuer à la sortie de crise.»
Note: ce portrait a initialement été publié dans sa version originale en allemand au printemps 2020. Il a été adapté.
(Adaptation par Adrien Schnarrenberger)