Les enseignants demandent plus d'éducation politique
«L'avenir de la démocratie se décide aussi dans les écoles»

L'Association suisse des enseignants met en garde: la démocratie est en danger. Les jeunes perdent confiance en la politique et les courants autoritaires gagnent en influence. Un renforcement de l'éducation politique dans les écoles est réclamé.
Publié: 31.03.2025 à 16:48 heures
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L'association faîtière des enseignants suisses veut renforcer la formation politique.
Photo: Keystone
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Fabian Eberhard

Dans sa dernière déclaration, l'association faîtière des enseignantes et enseignants suisses (LCH) lance un avertissement sévère: «La démocratie n'est pas garantie pour l'éternité», alertent les pédagogues. De nombreux jeunes ont perdu confiance en la politique, tandis que les courants de pensée autoritaires gagnent en influence parmi eux. Il est donc «urgent d'agir». L'association exhorte ainsi à un renforcement de l'éducation politique à l'école – «afin de préserver la démocratie».

Dans un document de 18 pages rédigé en 2024, les enseignants formulent une série de recommandations. Ils estiment que l'éducation politique doit être davantage intégrée aux programmes scolaires et définie plus clairement, depuis l'école enfantine jusqu'aux gymnases et aux écoles professionnelles.

Les enseignants doivent faire valoir leur opinion

Par éducation politique, les auteurs entendent plus qu'une simple instruction civique. En temps de guerre et de crise, les élèves devraient être encouragés à se pencher de manière critique sur des thèmes politiques. Selon LCH, l'école doit certes rester neutre en termes de partis politiques et de religion, mais pas en termes de valeurs: «Les enseignants doivent transmettre des valeurs démocratiques et humanistes.»

L'association estime qu'ils peuvent aussi faire valoir leur propre opinion, mais en la déclarant toujours personnelle et sans en faire la promotion. Il est important que des positions alternatives soient également présentées afin que les élèves puissent se forger leur propre opinion.

Beat A. Schwendimann, chef de projet de cette prise de position et responsable de la pédagogie au LCH, déclare à Blick: «Bien que l'importance de l'éducation civique soit largement reconnue, sa mise en pratique reste insuffisante».

Selon lui, la culture démocratique en Suisse est menacée par des défis tels que le populisme, les fake news, les théories du complot et la faible participation électorale des jeunes. En effet, des études montrent que la confiance des jeunes dans les institutions démocratiques s'affaiblit, tandis que les courants de pensée autoritaires gagnent du terrain.

Interdiction des débats politiques

Dans quelle mesure l'école doit-elle être politique? En principe, tous les grands partis soutiennent l'intégration de l'éducation politique dans l'enseignement – comme le prévoit d'ailleurs le programme scolaire 21. Pourtant, ce sont principalement les milieux bourgeois conservateurs qui se distinguent par des votes critiques, dénonçant un prétendu «endoctrinement» dans les écoles suisses.

Le président du PLR, Thierry Burkart, a mis en garde dans une interview accordée au «Tages-Anzeiger»: «Aujourd'hui, des idéologies parfois douteuses et des visions du monde woke sont diffusées dans les écoles». Dans le canton de Vaud, le conseiller d'Etat en charge de l'éducation, Frédéric Borloz (PLR), a même interdit les débats politiques dans les établissements scolaires avant les élections.

Selon l'association des enseignants, les tentatives de discréditer l'éducation politique en la qualifiant de partisane se multiplient. «Les enseignants subissent justement des pressions sur des sujets socialement sensibles comme le changement climatique, la migration ou les droits de l'homme», explique Beat A. Schwendimann. «Ces pressions viennent aussi bien d'acteurs politiques que de parents ou de certains groupes d'intérêts.»

La présidente du LCH, Dagmar Rösler, craint que certaines écoles n'osent plus aborder des sujets délicats par peur d'être accusées d'endoctrinement. Pourtant, selon elle, les enfants sont curieux et ont soif de connaissances. «Mais il faut aussi faire confiance à l'école pour traiter ces thèmes avec les élèves de manière neutre et sans jugement de valeur.»

L'Argovie, un précurseur

Les enseignants sont soutenus par les directeurs d'école. Thomas Minder, président de l'association des directeurs d'école (VSLCH) explique: «C'est justement dans la période actuelle qu'il est important que les élèves connaissent les faits afin qu'ils puissent se faire une opinion par eux-mêmes». Thomas Minder met également en garde contre les tentatives de dénigrer l'éducation civique: «Un nombre non négligeable d'enseignants se laissent ainsi déstabiliser».

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L'avenir de la démocratie se décide aussi dans les écoles
L'association faîtière des enseignantes et enseignants suisses
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Le canton d'Argovie joue un rôle de pionnier. Alors que dans la plupart des endroits, l'éducation politique est intégrée dans des leçons existantes, comme l'histoire par exemple, l'Argovie en a fait une matière scolaire à part entière. Depuis 2022, une heure hebdomadaire est réservée à l'éducation civique en troisième année du secondaire. Les réactions seraient jusqu'à présent positives.

D'autres cantons suivront-ils? Si l'on en croit l'association des enseignants, l'école doit devenir davantage un lieu d'information à l'époque de Donald Trump, de l'AfD et d'Elon Musk. Ou, exprimé en termes tirés du document de LCH: «L'avenir de la démocratie se décide aussi dans les écoles».

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