Des objets nazis en vente libre en Suisse font (à nouveau) polémique. Cette fois, c’est à la Bourse aux armes de Lausanne, qui s’est tenue ce premier week-end de décembre, que toutes sortes de vieilleries du IIIe Reich ont été exposées et mises en vente à la vue de toutes et tous. Et cela n’a pas laissé la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) indifférente — entre autres.
Sur l’étendard d’un stand, figuraient notamment «un médaillon de la Feldgendarmerie, une édition de Mein Kampf, un brassard, des ceinturons, des aigles de la Luftwaffe…», énumère notre confrère de «24 heures».
Dans un communiqué envoyé aux médias le mardi 3 décembre, l’association s’étrangle: «Ces objets, illustration d’un commerce de nostalgiques du nazisme, ne devraient plus trouver leurs places dans une manifestation publique. […] Malheureusement, […] la Bourse aux armes de Lausanne permet année après année à ce commerce ignoble de se poursuivre.»
Pourquoi c’est légal, et jusqu’à quand?
Que dit la loi? Il n’y a pas de réponse simple, au pays du fédéralisme. En bref, à l’échelle fédérale, il y a des dispositions légales prévues pour réprimer la discrimination raciale et les discours de haine, notamment. L’article 261 bis du Code pénal suisse interdit l’appel public à la discrimination raciale, le dénigrement et les propos portant atteinte à la dignité humaine en raison de la «race», de l’ethnie ou de la religion. Mais la vente d’objets et les symboles nazis n’entrent pas dans cette réglementation.
En janvier 2023, une initiative parlementaire a été déposée au Conseil national, notamment par l’élu vaudois Vert Raphaël Mahaim, pour une «interdiction par une loi spéciale de l’utilisation en public de symboles nazis». Le texte est toujours en commission du Conseil des États, à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Donc, pour l’heure, pour ce qui est de l’interdiction des symboles nazis et la vente d’objets de ce type, précisément, ce sont les cantons qui décident. Genève a récemment adopté (mais pas encore mis en application) une loi interdisant l’utilisation de symboles liés au nazisme.
Dans le canton de Vaud, là où cette Bourse aux armes a eu lieu ce week-end, une motion portée par le député Vert Yannick Maury en 2022 déjà fait son petit chemin. Le texte demande une réglementation similaire à celle en place à Genève. Il a reçu un soutien unanime du Grand Conseil, mais «son aboutissement dépend encore de la publication du projet de loi par le Conseil d’État», déplore la CICAD dans un communiqué.
La Suisse, paradis de ces collectionneurs?
Est-il trop facile de cultiver ouvertement sa passion pour le IIIe Reich, sans risquer de répercussions, en Suisse? Contacté, Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de l’organisation, ne mâche pas ses mots: «Oui, on peut dire que la Suisse est un Eldorado pour les collectionneurs d'objets nazis! Nous sommes l'un des rares pays d'Europe qui n’a pas encore légiféré sur cette question», au niveau fédéral du moins.
Il embraie: «Et cela permet à toutes sortes de 'nostalgiques' de pouvoir, en toute impunité, à la fois venir exposer et acheter ce genre d’objets. Comme cela ne tombe pas sous le coup de la loi, pourquoi se gêneraient-ils?»
Mais, au fait, qui est-ce qui les vend, ces objets? Des «passionnés»? Plutôt des opportunistes? D’après Johanne Gurfinkiel, ils sont quelques-uns en Suisse à tenir ce genre de commerces. «Les objets que nous avons pu photographier à la Bourse de Lausanne étaient sur deux stands différents. L’un était celui d’un vendeur spécialisé de Soleure, l'autre, une autre boîte. Nous savons aussi qu’il y a un 'spécialiste' de ce genre d’objets dans le canton de Vaud.»
Un épisode parmi d’autres…
Ce n’est pas une première, loin de là. Des ventes d’objets du IIIe Reich font régulièrement polémique en Suisse. Exemples? Un cas similaire à celui de ce week-end avait fait les gros titres en mai 2023: un grand drapeau nazi était affiché éhontément lors d'une bourse militaire, dans le canton de Fribourg. «La croix gammée était sur un mur lors de la Bourse Militaria, suscitant interrogations et indignations», écrivaient à l'époque nos confrères du «Matin».
Alertée, la police avait alors estimé «qu’elle ne devait pas intervenir. Et elle avait parfaitement raison, tranche aujourd’hui le Conseil d’État fribourgeois». Mais encore? Une brocante de St-Margrethen (SG), qui regorgeait d’objets nazis, avait été perquisitionnée à la demande du Ministère public de la Confédération en mai 2024. Plusieurs personnes avaient alors été interrogées, mais personne n’avait été arrêté, écrivaient nos confrères de «20 minutes».
En 2017, un chineur valaisan confiait, sur les ondes de la radio locale Rhône FM, avoir «vendu un drapeau avec croix gammée à plus de mille francs à un collectionneur allemand».