Il arrive dans ce restaurant près de la gare de Lausanne en blouson de cuir et pantalon large, détendu et souriant. Le visage de Kacey Mottet Klein a gagné en maturité, angles plus marqués, une lucidité dans les yeux qui frappe, peut-être parce qu’il a déjà 16 ans de carrière derrière lui malgré les 26 ans qu’il a eus le 20 octobre dernier.
Il sera à l’affiche de plusieurs films en 2025, avec ce biopic sur de Gaulle où il incarne son aide de camp et encore un rôle de soldat de la Première Guerre mondiale dans une série fantastique sur Canal+. Les projets réalisés ou en cours de réalisation ne manquent pas pour ce jeune homme qui, en pleine interview pour «L'illustré», se décide à révéler son besoin de reprendre sa vie en main en ayant suivi une cure de désintoxication.
Avec une sincérité courageuse, Kacey évoque son addiction à la cocaïne, un fléau qui touche beaucoup de jeunes de sa génération. S’il peut utiliser sa notoriété pour inciter la société à plus de bienveillance face aux personnes concernées, encourager d’autres à parler, alors lui le fait ici et maintenant. L’interview démarre. On parlera aussi de choses plus légères comme l’amour et les greffes capillaires.
Des associations sont là pour vous aider en cas d'addictions. Si vous vous sentez en danger, prenez contact avec des spécialistes.
L'association Addiction Suisse possède une ligne téléphonique gratuite au 0800 105 105.
Vous pouvez également retrouver le répertoire des ressources en Suisse sur le site de Rel'ier.
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Un acteur suisse dans la peau de l’aide de camp du général de Gaulle, c’est assez inédit, non?
J’ai bien interprété enfant le rôle de Gainsbourg, c’est dans la même lignée! (Sourire.) C’était un honneur de participer à un film biographique sur un personnage aussi connu. Lors du casting, avec le réalisateur Antonin Baudry, c’était la première fois que je me trouvais en tenue militaire dans un décor impressionnant. C’est une des plus grosses productions historiques au cinéma. Je suis Geoffroy Chodron de Courcel, qui a été l’aide de camp du général de Gaulle avant de partir faire la guerre au Liban (ndlr: apparenté à Bernadette Chirac, née Chodron de Courcel).
Vous interprétez encore un soldat dans Les sentinelles, la série événement de Canal+ qui sortira l’an prochain, c’est votre école de recrues cinématographique?
Exact! Elle remplace celle que je n’ai pas faite en Suisse! J’aurais pourtant bien aimé faire l’armée plutôt que payer la taxe militaire, mais avec mon métier, mes engagements, ce n’était pas possible.
On ne vous imagine pas féru d’ordre et de discipline…
Si, j’ai une petite attirance pour l’ordre, je ne suis pas quelqu’un de très chaotique malgré le fait que je suis un aventurier; mais le surpassement de soi, cela me plaît. A l’armée, j’aurais aimé intégrer un corps d’élite, genre commando, et pas une colonie de vacances, ce que l’armée donne parfois l’impression d’être. (Sourire.)
De quoi parle cette série?
C’est l’histoire de quatre soldats pendant la Première Guerre mondiale à qui on injecte un produit qui s’appelle le Dixenal et qui les rend beaucoup plus forts, un peu l’équivalent de l’amphétamine qu’on donnait aux soldats pendant la guerre du Vietnam. J’ai pour partenaires Thibaut Evrard, un autre acteur suisse que j’adore, Carl Malapa et Louis Peres, qui est un peu mon acolyte dans l’histoire. C’est un acteur extraordinaire dont on va entendre parler…
Vous avez dû vous préparer physiquement?
Non, mais nous sommes quatre grands sportifs, nous nous sommes préparés ensemble car il y a beaucoup de scènes de combat dans les tranchées. Je leur ai fait découvrir un bootcamp à Paris, une salle plongée dans le noir avec des exercices au sol, un coach qui te crie dessus un peu comme à l’entraînement des marines US. Nous avons aussi passé une semaine avec la Légion étrangère pour apprendre les codes de l’armée. Le sport est très important pour moi, c’est un cadre essentiel qui me permet de ne pas déconner. Dans mon quartier de l’est lausannois, je fais beaucoup de HIIT en salle, des exercices de haute intensité cardio mélangés à de l’explosivité musculaire. Je fais aussi du vélo, de la course, des randos en montagne.
Quels points communs avez-vous avec les deux soldats que vous incarnez?
Ils me ressemblent pas mal, dans une forme de tendresse, d’écoute, même si on n’imagine pas cela chez moi quand on me voit avec mes potes. Je reste toujours l’élément boute-en-train et perturbateur… mais je sais aussi être à leur écoute.
Pourquoi être revenu vivre en Suisse il y a quelques mois?
Je devais partir vivre à Los Angeles avec Tam, ma compagne marocaine, mais notre rupture a annulé ce projet. Et comme je suis déjà tout le temps à Paris pour le travail, j’ai eu envie de revenir vivre en Suisse. C’est un bon compromis. Je ne peux aimer Paris que si je n’y suis pas tout le temps. Et pareil pour la Suisse. Je vis d’ailleurs dans l’immeuble où j’ai grandi avant de déménager à Bussigny.
Comment sait-on qu’une relation amoureuse est finie?
Quand on se rend compte que l’amitié est plus forte que l’amour, ou en tout cas qu’on peut préserver plus de choses à travers elle qu’avec l’amour. Avec Tam, c’était une très belle relation qui m’a fait énormément grandir. Aujourd’hui, c’est ma meilleure amie.
Passer de rôles d’adolescents à ceux d’adultes a été difficile?
Je suis arrivé évidemment dans une catégorie d’acteurs où il y a plus de compétition. Mais ce qui est stressant – et cela l’a toujours été et le sera toujours pour tous les acteurs, ce sont ces moments d’attente entre deux films, attendre le désir d’un réalisateur sur moi, la déception des castings qui échouent... C’est un métier où on n’est absolument pas responsable de notre productivité, de notre carrière. Ce qui est ambigu et me pose un problème quand je me retrouve au chômage en Suisse comme intermittent. Dans ce métier, on doit attendre qu’on vienne te chercher et pas le contraire; si je fais des recherches d’emploi, je perds mon travail. C’est un signe de faiblesse, il faut se montrer désirable, se faire désirer, attendre un rôle mais ne pas le solliciter.
On va néanmoins beaucoup vous voir en 2025…
Oui, en dehors de ces deux rôles de soldats, je serai le cardinal Richelieu dans Toutes pour une, de la réalisatrice Houda Benyamina, une version des Trois mousquetaires au féminin. Il y a aussi le film de Maxime Caperan qui sortira, sur deux frères qui commettent un braquage, je vais jouer le fils de Benoît Poelvoorde dans une comédie de Patrice Leconte et je vais tourner, ce printemps, avec le réalisateur Louis-Julien Petit, qui m’a demandé d’incarner un homosexuel en couple avec Aliocha Schneider qui font appel à une mère porteuse.
Parlez-nous de cette greffe de cheveux médiatisée sur Instagram…
C’est un sujet encore tabou pour beaucoup d’hommes mais le fait d’en avoir parlé sur les réseaux sociaux m’a valu beaucoup de retours. J’ai pu échanger, donner des conseils. Ma calvitie a débuté à l’âge de 16 ans. A 22 ans, je n’avais plus de cheveux sur le crâne. Toute ma famille américaine du côté de mon père est chauve… J’ai souvent mis des perruques sur mes tournages.
Bruce Willis a pourtant fait une belle carrière la boule à zéro…
Oui, mais il avait un beau crâne, ce qui n’est pas mon cas (rires). J’avais une espèce de coupe à la Tintin avec trois cheveux sur le caillou devant. La greffe a été libératrice, je la recommande à tous ceux qui hésitent à le faire. D’ailleurs, je pourrais en faire encore une.
L’adage «Il faut souffrir pour être beau» est bien vrai?
Le plus douloureux, ce sont les 250 piqûres dans le crâne en vingt minutes pour l’anesthésie. J’ai fait l’opération au milieu du tournage du film sur de Gaulle, qui a duré un an. L’intervention devait être millimétrée au niveau de la date car il y a le temps de la repousse et il faut attendre trois mois avant de mettre quelque chose sur la tête.
Où étiez-vous le 20 octobre dernier pour fêter vos 26 ans?
(Silence.) J’hésite à vous en parler… Mais bon, je ne suis pas quelqu’un qui triche et je pense que c’est important de le dire: j’étais à la clinique Belmont, à Genève, en cure de désintoxication. J’ai toujours été conscient que j’avais un problème de consommation, notamment avec la cocaïne, mais comme j’en prenais surtout quand je faisais la fête, c’est plus difficile de se rendre compte du fait qu’on est devenu dépendant. Mais c’était quelque chose qui prenait trop de place dans ma vie et c’était une souffrance intérieure énorme. J’ai commencé à travailler très jeune et j’ai été initié tôt à toutes sortes de produits, mais ce problème concerne toutes les couches de la société, pas seulement le milieu artistique. Notre société a souvent un regard très culpabilisant sur les toxicomanes, on se sent parfois considérés comme des pestiférés alors que c’est une vraie maladie. C’est plus facile de parler de son cancer que de son addiction. Cela explique aussi peut-être le fait que beaucoup de personnes sont dans le déni. Comme je suis quelqu’un qui n’aime pas tricher, je réponds très sincèrement à votre question et je me dis que si je peux avoir une influence avec ma petite notoriété pour aider d’autres jeunes à se faire aider, c’est déjà ça!
Comment s’est déroulée la cure?
Trois semaines. Sevrage total. On apprend à devenir expert de nos propres symptômes et de notre maladie, on nous donne des outils pour repérer ce qui active la consommation, comment la désamorcer, on se retrouve avec d’autres malades… J’ai bénéficié d’une thérapie comportementale extrêmement complète, groupes de discussion, méditation de pleine conscience, yoga, exercices de cohérence cardiaque... des outils très utiles pour prévenir une rechute. J’ai beaucoup appris sur la théorie de l’attachement, en lien avec l’absence de mon père. Je n’avais pas une consommation assez importante pour souffrir du manque, mais face à d’autres malades avec une addiction beaucoup plus grande, je voyais le chemin que je ne voulais pas prendre. L’engrenage est vite arrivé, consommer comme je le faisais, c’est une mort à petit feu. Mais vouloir se confronter à son addiction, mettre tout en place pour en guérir demande un effort important et ne peut se faire que dans un cadre protecteur et bienveillant. Mais cela en vaut la peine; malgré la difficulté, cela reste toujours plus facile que de devoir affronter les conséquences de son addiction. Et c’est pour cette raison, encore une fois, que j’en parle, pour tous les jeunes touchés par le problème de la drogue, et ils sont nombreux.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui?
En pleine forme. Après la cure, je suis parti faire une retraite spirituelle de cinq jours. Rien de religieux mais l’envie de renforcer les bienfaits du séjour en clinique, me reconnecter aux choses essentielles, découvrir mon chemin intérieur. Bien sûr, je sais que je devrai rester à jamais vigilant, ne pas baisser ma garde... Mais aujourd’hui j’ai réussi à me protéger davantage de mes émotions, je peux dire que je suis apaisé, je commence à être de plus en plus heureux. Je suis sur le bon chemin. Je prends les choses au fur et à mesure, step by step, on retrouve ça en montagne quand on fait de l’alpinisme. Cela paraît tout simple mais c’est très compliqué. Ce conseil qui m’a été donné par un psy a été très important dans ma vie à un moment où j’étais vraiment en difficulté sur le plan émotionnel. Me rendre compte qu’on ne peut pas accomplir tout, tout de suite. J’utilise bien sûr toujours mes émotions pour mon travail d’acteur, mais elles viennent plus instinctivement, plus facilement; avant, j’avais besoin de passer par un chemin plus laborieux, ce qui créait beaucoup de bordel autour de moi. (Rires) Je pense que l’amour, la tristesse amoureuse, les joies et les déceptions que l’amour apporte m’ont beaucoup aidé à mieux comprendre mes émotions et à les gérer.
Vous parlez déjà comme un vieux sage…
(Rires.) Bon, rassurez-vous, je reste quelqu’un de très jeune…