Les troupes russes occupent la centrale nucléaire de Zaporijjia dans le sud de l'Ukraine depuis mars 2022. Elle a été la cible de plusieurs tirs pendant les combats, ce qui a suscité l'inquiétude de la communauté internationale quant à un risque de catastrophe nucléaire. Pour des raisons de sécurité, une mission d'observation de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a été dépêchée sur place.
La crainte que le président russe Vladimir Poutine provoque une catastrophe nucléaire s'est récemment accrue chez les Occidentaux. Blick fait le point sur les conséquences en Suisse, si cette centrale venait à être attaquée.
Pourquoi tout le monde parle à nouveau de la centrale nucléaire de Zaporijjia ?
Moscou et Kiev s'accusent mutuellement de préparer une attaque contre la centrale nucléaire de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine. Dans la nuit de mardi à mercredi, les forces ukrainiennes auraient ainsi prévu d'attaquer la centrale avec des missiles et des drones, a affirmé Renat Karchaa, conseiller du chef de l'agence russe de l'énergie atomique, Rosenergoatom, à la télévision nationale.
De son côté, l'état-major ukrainien fait état, dans son rapport quotidien de situation, de prétendus engins explosifs placés sur le toit des troisième et quatrième réacteurs. Par le passé, les services secrets ukrainiens avaient déjà mis en garde contre des actes de sabotage.
Qu'est-ce qu'une arme nucléaire tactique?
Les armes nucléaires tactiques sont relativement petites et permettent de combattre les forces armées adverses sur un champ de bataille. Leur rayon d'action et, en règle générale, leur puissance explosive sont toutefois nettement inférieurs à ceux des armes nucléaires stratégiques.
Ces dernières sont beaucoup plus grandes. Elles ne sont pas conçues pour être utilisées, mais pour avoir un effet dissuasif sur l'adversaire et l'empêcher d'attaquer. C'est l'«équilibre de la terreur» évoqué notamment pendant la guerre froide entre l'Union soviétique et les Etats-Unis.
Quelles sont les probabilités d'une attaque nucléaire en Ukraine?
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine n'a cessé de brandir la menace d'une «catastrophe mondiale» si l'OTAN venait à attaquer ses troupes. Le président américain Joe Biden, l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg se sont montrés extrêmement préoccupés par la question. Toutefois, des experts ont assuré que les menaces du président russe avaient peu de chances d'être mises à exécution.
Le Département de la défense suisse estime lui aussi qu'une utilisation d'armes nucléaires tactiques est improbable. C'est ce que souligne Werner Salzmann, président de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats: «Vladimir Poutine n'a pas changé, il est et reste imprévisible. Néanmoins, selon nos informations, le risque d'utilisation d'armes nucléaires en Ukraine est actuellement faible.»
Quelles seraient les conséquences en Suisse si des armes nucléaires étaient utilisées en Ukraine?
Symboliquement, l'impact serait énorme. Mais à part cela, il n'y aurait pratiquement que des effets minimes en Suisse. Les radiations seraient faibles, comme l'a déclaré le scientifique nucléaire Walter Rüegg à la «NZZ»: «S'il n'y a pas de vent, les particules radioactives redescendent dans un rayon d'environ deux kilomètres.»
En fonction de la force du vent, la zone dite de retombées peut néanmoins atteindre 30 kilomètres et plus. Les restes d'uranium ou de plutonium sont ensuite désintégrés après quelques jours, selon Walter Rüegg: «Je doute que nous puissions détecter en Suisse la moindre trace de radioactivité avec nos instruments de mesure.»
Quelles seraient les conséquences en cas d'explosion d'une centrale nucléaire?
Là par contre, les répercussions seraient plus importantes que lors d'une attaque à l'arme nucléaire tactique. «Tchernobyl a libéré environ 400 fois plus de particules radioactives que la bombe d'Hiroshima», explique Walter Rüegg.
Mais même dans ce cas, la Suisse ne serait que faiblement touchée, selon Andreas Bucher, de l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP): «Même en cas d'accident d'une centrale nucléaire, les effets sur la santé seraient légers. La distance qui nous sépare de la centrale de Zaporijjia est tout beaucoup trop grande.»
Andreas Bucher prévient toutefois qu'en cas d'incident dans une centrale nucléaire, certaines récoltes pourraient être interdites.
Comment la Suisse est-elle préparée?
La Centrale nationale d'alarme et gestion d'événements, en collaboration avec d'autres pays et organisations internationales, surveille constamment le risque nucléaire. «Nous sommes préparés à cela», affirme le porte-parole de l'OFPP.
De son côté, Werner Salzmann assure que les autorités passent en revue différents scénarios: «Il s'agit avant tout de protéger la population. Mais il faut aussi prendre en compte les flux migratoires déclenchés par un tel accident.» L'utilisation d'armes nucléaires – et a fortiori un accident dans la centrale de Zaporijjia – provoquerait en effet un important exode de civils ukrainiens.
Faut-il se préparer soi-même, en achetant par exemple des comprimés d'iode?
«En aucun cas», répond Andreas Bucher: «Les comprimés d'iode sont prévus pour un incident nucléaire en Suisse et dans les environs». Il prévient: «Ne prenez pas de comprimés d'iode à titre préventif. Ceux-ci ne sont efficaces que si vous les prenez au bon moment.» Et même dans ce cas, c'est à la Centrale nationale d'alarme de dire à quel moment il convient d'en ingérer.