Le Parlement suisse approuve un assouplissement des règles d'exportation d'armes. Le projet autorise la réexportation vers des pays tiers et facilite les ventes à certains Etats, malgré l'opposition de la gauche qui annonce un référendum.
Le projet visant à faciliter non seulement l'exportation de matériel de guerre mais aussi sa réexportation est sous toit. Le Conseil des Etats a rejoint jeudi le National sur les derniers points. La gauche a déjà annoncé un référendum.
Le projet fait suite à une demande du Parlement, alors qu'actuellement, toute vente est interdite si un pays est impliqué dans un conflit ou s'il viole gravement les droits humains. Cela conformément au contre-projet à l'initiative populaire «contre les exportations d'armes dans des pays en proie à la guerre civile», dite «initiative correctrice», entré en vigueur en 2022.
Plusieurs pays concernés
Le Conseil fédéral a proposé une réforme lui permettant d'avoir une compétence dérogatoire à durée limitée pour pouvoir s'écarter exceptionnellement des critères d'autorisation. Le Parlement a non seulement accepté cette compétence dérogatoire, mais il est même allé plus loin, sur impulsion du Conseil des Etats.
Il a décidé d'autoriser a priori les demandes émanant d'Etats dont le régime d'exportation est similaire à celui de la Suisse, même si ces pays sont impliqués dans un conflit armé. Concrètement, il s'agit de 17 pays européens sur les 27 de l'UE, ainsi que des Etats-Unis, du Canada, de l'Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de l'Argentine, entre autres.
Le Conseil fédéral pourra refuser ces demandes en cas de circonstances exceptionnelles et si les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure, de politique de sécurité ou de politique de neutralité l'exigent.
La réexportation concernée
Les Chambres ont validé un autre assouplissement, sur la question des réexportations d'armes vers un pays tiers, dans le contexte de la guerre en Ukraine notamment. Actuellement, des pays comme l'Allemagne ou l'Espagne, qui ont acheté des munitions à la Suisse il y a des années, doivent demander la permission au Conseil fédéral avant de les réexporter vers un autre Etat.
Le gouvernement a jusqu'ici toujours refusé. Contre l'avis de ce dernier, les sénateurs ont estimé que les Etats se trouvant sur la liste précitée, appelée «annexe 2», devaient pouvoir, sans accord de la Suisse, transmettre à un autre pays le matériel de guerre reçu. Le National a préféré une autre proposition, qui va dans la même direction. Les sénateurs se sont ralliés jeudi à cette version.
Il est renoncé en principe aux déclarations de non-réexportation. Le Conseil fédéral pourra cependant exiger de telles déclarations de la part des destinataires étatiques lorsque des raisons relevant de la politique extérieure, de la politique de neutralité ou de la politique de sécurité l'exigent.
Il sera aussi en principe possible de renoncer aux déclarations de non-réexportation pour des pièces détachées et des éléments d'assemblage lorsqu'il est établi que la livraison s'inscrit dans une chaîne de création de valeur internationale.
Respect de la neutralité
La gauche a de nouveau essayé de réduire la portée des assouplissements. Franziska Roth (PS/SO) a parlé de décisions en faveur de l'industrie d'armement helvétique et non en faveur des droits humains.
Les assouplissements décidés vont à l'encontre de la neutralité de la Suisse, a fustigé Daniel Jositsch (PS/ZH). En vertu du droit de la neutralité, la Suisse doit maintenir sa neutralité armée, et pour ce faire, elle a besoin d'une industrie d'armement forte, a au contraire avancé Werner Salzmann (UDC/BE).
Le ministre de l'économie Guy Parmelin a assuré que les amendements décidés par le centre-droit étaient restrictifs et ne remettaient pas en cause le droit de la neutralité. De plus, une pesée d'intérêts sera effectuée avant chaque autorisation.
La gauche a encore critiqué le fait que le projet, sans clause rétroactive, ne permettrait pas d'aider l'Ukraine. Elle a tenté d'ajouter une disposition permettant de mieux soutenir ce pays. Sans succès.