Fabien Dunand vient d'être nommé «administrateur délégué» du journal nord vaudois «La Région» Hebdo SA, a appris Blick. Cet ex-journaliste de 77 ans fut à la tête de «24 heures» jusqu'en 1992, avant de se reconvertir dans la communication.
Ces dernières années, il a surtout fait parler de lui pour avoir été le «lanceur d'alerte», ou plutôt le «corbeau» — comme l'a surnommé la presse — dans l'«affaire Orllati». Un épisode politico-judiciaire très médiatisé, qui lui a valu une condamnation pour calomnie par le Tribunal cantonal vaudois en 2022.
Cette peine a été récemment confirmée par le Tribunal fédéral, qui a rejeté l'ultime recours de Fabien Dunand en août 2023. Pourquoi placer une personne condamnée pour avoir propagé des accusations mensongères à la tête d'un média? La démarche peut sembler surprenante.
«C'est lui qui a les rênes»
Contacté, le principal intéressé confirme simplement sa nomination à «La Région»: «Je suis effectivement administrateur délégué depuis le 1ᵉʳ décembre 2023», affirme-t-il à l'autre bout du fil. Pourquoi et comment a-t-il été approché par le conseil d'administration du journal régional, composé des actionnaires principaux Philippe Dubath, Steve Magnenat et Olivier Blanc?
Fabien Dunand ne souhaite pas répondre à cette question. Quoi qu'il en soit, l'ancien journaliste hérite de bien plus que d'un rôle dans la gestion administrative de «La Région».
D'après l'actionnaire Philippe Dubath, en réalité, «avec ce poste, c'est désormais lui qui a les rênes du journal». C'est en effet un fonctionnement plutôt inhabituel dans le paysage médiatique qui a été privilégié, c'est-à-dire sans rédactrice ou rédacteur en chef attitré.
Pas de rédaction en chef
Le président du conseil d'administration Olivier Blanc explique à Blick: «Nous n'avons plus de rédacteur en chef depuis le 1ᵉʳ septembre de cette année. À long terme, nous allons évidemment remettre quelqu'un à ce poste.»
Et l'actionnaire d'ajouter: «En attendant, par mesures d'économie, nous avons choisi une alternative hybride: à savoir le poste de M. Dunand, qui fera le pont entre le Conseil d'administration et la rédaction. Cela à taux partiel: il sera sur place une fois par semaine environ, pendant quelques mois, voire une année.»
Car la situation économique du journal inquiète. Olivier Blanc précise: «Le but de ce nouveau poste est aussi de réaliser un audit interne, afin de voir où nous pourrions faire des économies. Mais, au niveau du personnel, je peux déjà affirmer que personne ne sera licencié.»
Un homme condamné par la justice
Pour rappel, Fabien Dunand a en effet été condamné par le Tribunal cantonal vaudois, en 2022, à 150 jours-amende à 60 francs, avec un sursis de quatre ans. Cela pour avoir «faussement alerté la population entre 2016 et 2017, en affirmant que le groupe Orllati avait souillé des sources dans sa gravière à Bioley-Orjulaz (VD). Or, contrairement à ces allégations, l'eau n'a jamais été impropre à la consommation», comme le rapportait la RTS.
Il s'est également rendu coupable de «calomnie à l'encontre de la conseillère d'État vaudoise de l'époque, Jacqueline de Quattro. Celle-ci avait été accusée d'avoir cherché à enterrer l'affaire et à protéger le groupe Orllati», précise le service public.
Même pas peur pour la réputation
On insiste: pourquoi choisir un homme qui a joué avec la vérité pour diriger une publication? Le conseil d'administration ne craint-il pas d'ajouter cet ingrédient sulfureux à un média qui, d'après les dires de ses propres actionnaires, se porte déjà mal au niveau économique?
Philippe Dubath défend le choix des actionnaires: «C'est un excellent journaliste, qui a dirigé «24 heures» d'une main de maître. Il a une excellente réputation dans la profession.»
Pour lui, l'«affaire Orllati» n'est qu'une «histoire de journalistes! Je n'ai pas la moindre crainte. En plus, c'est une vieille affaire, et il ne faut pas tout mélanger! Le professionnalisme de Fabien Dunand est reconnu de toutes parts.»
Olivier Blanc abonde également en ce sens: «Ça ne nous fait pas craindre pour la réputation du journal, non. Autrement, nous n'aurions pas nommé M. Dunand! Nous avions besoin de quelqu'un qui a une grande expérience dans le métier, et c'est son cas.»