Une offre d'emploi LinkedIn délirante fait actuellement sensation en Suisse. La start-up tech Forgis, fraîchement créée et basée à Schlieren (ZH), est à la recherche de renforts. Elle a notamment besoin d'un responsable marketing et d'ingénieurs en intelligence artificielle. Au lieu d'attirer l'attention avec les avantages d'une start-up, l'annonce avance un salaire annuel de 70'000 francs pour une semaine de travail de 80 à 100 heures! Un maigre salaire horaire. «Quelques dimanches de congé» sont gentiment inclus.
Federico Martelli, CEO de Forgis, justifie les conditions auprès de Blick. «Nous recherchons actuellement des membres fondateurs, pas des collaborateurs, explique le CEO. Les fondateurs travaillent entre 80 et 100 heures par semaine, selon l'intensité du travail. Je pense qu'il est légal de passer mon temps comme je le souhaite.» On attend des nouveaux membres qu'ils travaillent plus que dans un emploi normal, mais pas autant que les fondateurs eux-mêmes.
Ou comme le dit Federico Martelli: «C'est la vie dans une start-up, style Silicon Valley. Si quelqu'un ne veut pas de ça, nous ne forçons personne à postuler.»
Des milliers de candidatures
Les horaires de travail ne semblent pas en décourager plus d'un. «Nous recevons entre des centaines et des milliers de candidatures pour un poste, en fonction de la durée pendant laquelle nous laissons les annonces en ligne», déclare le CEO à Blick. Après quatre jours, les offres d'emploi de LinkedIn se sont closes ce vendredi. Federico Martelli souhaite examiner toutes les candidatures. «C'est du temps que quelqu'un consacre à l'autre, et nous respectons cela.»
Les raisons du grand intérêt? Outre le salaire, la start-up prend en charge le loyer du logement à Schlieren (ZH). Il y a en outre des parts d'actions, «qui ont déjà une valeur de plusieurs centaines de milliers de francs et qui continuent à augmenter», affirme Federico Martelli.
Que dit le droit du travail?
Et pourtant, la loi suisse sur le travail prévoit, selon la branche et l'activité, un temps de travail hebdomadaire maximal de 45 à 50 heures. «Il est donc clair qu'un temps de travail de près de 100 heures constitue une violation flagrante de ces dispositions légales», explique Roger Rudolph, professeur de droit du travail à l'université de Zurich, à Blick.
Le montant du salaire ne joue aucun rôle. «Un taux d'occupation aussi élevé et le travail permanent le dimanche rappellent les méthodes du Far West en matière de droit du travail.» Des conséquences pénales seraient même envisageables, et ce, en cas de violation systématique des dispositions sur le temps de travail.
La justification des signalements ne surprend pas l'expert juridique. Car «s'il ne s'agit pas du tout de relations de travail, mais d'une participation en tant qu'associé, les dispositions de protection du droit du travail ne jouent souvent aucun rôle». Reste à déterminer s’il s’agit réellement de cela ou plutôt d’une manière d’échapper au droit du travail.
Vu de l’extérieur, il est difficile d’en juger avec certitude, d’autant que l’appel d’offres n’apporte que peu d’éléments sur ce point. «S'il ne devait effectivement s'agir que d'un poste de fondateur, j'aurais attendu que cela ressorte clairement et sans équivoque de la description du poste. Or, ce n'est pas le cas, estime Roger Rudolph. Lorsqu'une telle offre d'emploi est publiée sur LinkedIn, l'hypothèse qu'il s'agit d'une relation de travail est pour moi nettement plus proche que celle d'un prétendu poste de fondateur.»
Une start-up profite de millions
La question juridique ne peut donc pas être tranchée à ce stade. En revanche, une chose est sûre: la start-up progresse à vive allure. Le logiciel développé par ses trois fondateurs repose sur des agents d’IA capables d’analyser et d’optimiser les processus de production en temps réel. Pour son premier tour de financement, Forgis a réuni 4,5 millions de dollars en seulement 36 heures, l’un des tours de pré-amorçage les plus rapides d’Europe.