Les casinos ont trouvé le bon filon. A Berne, la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) leur délivre des licences pour faire tourner la roulette et empocher plusieurs millions de francs. Actuellement, 15 casinos et 10 plateformes en ligne possèdent ces autorisations. En contrepartie, les casinos doivent veiller à protéger les joueurs contre les jeux d'argent «excessifs». Du moins c'est ce que prévoit la loi, car les casinos appliquent cette règle comme bon leur semble.
Le «Beobachter» a pu consulter pour la première fois les règles de protection internes de Jackpots.ch, le portail en ligne du Grand Casino de Baden. En effet, ces règles ont laissé une aide-soignante dilapider son salaire annuel et un autre joueur perdre 24'000 francs en une journée. Comment cela a-t-il pu arriver?
«Laisser des accros au jeu parier leur salaire annuel est évidemment regrettable», réagit Thomas Fritschi, principal surveillant des casinos et responsable la CFMJ depuis 2022. «Cette situation est autant problématique que permettre à des alcooliques d'acheter du vin.» Mais selon lui, il n'existe aucune base légale qui impose aux casinos des limites d'argent pour arrêter la partie.
Une amende pour le casino de Baden
Serait-il nécessaire d'instaurer de telles limites? Thomas Fritschi n'en ressent pas la nécessité. En principe, il est juste que chaque casino définisse de manière autonome des limites adaptées à ses besoins. En fonction des réalités locales, des seuils nationaux n'auraient pas de sens. Par exemple, la clientèle des casinos à Crans-Montana n'a pas les mêmes moyens que celle de Bad Ragaz.
Thomas Fritschi ajoute que la somme limite de 24'000 francs par jour du Grand Casino de Baden n'est pas mauvaise en soi. «J'imagine que certains joueurs peuvent supporter une telle perte.» Ce qui est discutable en revanche, c'est la manière dont le casino traite les gros parieurs.
Le système de protection du casino envers ces joueurs à risque a été approuvé par la CFMJ en 2021, mais sans inspecter chaque cas particulier, explique Thomas Fritschi. En effet, sa mise en œuvre est cruciale. «Nous contrôlons par sondage si la protection des joueurs est efficace.» L'autorité dit prendre son rôle très au sérieux en inspectant presque tous les casinos et leurs portails en ligne au moins une fois par an suite aux signalements de tiers, des joueurs eux-mêmes ou selon sa propre «évaluation basée sur les risques».
Cinq procédures en cinq ans
Les inspecteurs de la CFMJ reçoivent les dossiers complets des joueurs. Les casinos en ligne enregistrent chacun de leurs clics et peuvent détailler leur comportement de jeu ainsi que combien, quand et comment leur argent a été déposé.
Au cours des cinq dernières années, la CFMJ a mené sept procédures pénales administratives contre des exploitants de casinos en Suisse. Quatre d'entre eux ont déjà été sanctionnés, notamment par des amendes, car la protection des joueurs était insuffisante. C'est le cas du Grand Casino de Baden, où trois procédures sont encore en cours.
«Malgré tout, certains cas problématiques peuvent passer sous nos radars», reconnait Thomas Fritschi, comme celui d'Elmira Deniz. «Nous n'avions pas connaissance de cette affaire, nous y avons prêté attention seulement après avoir lu votre article.»
La CFMJ enquête sur son cas et a demandé au Grand Casino de Baden de lui fournir les documents internes. Une procédure pénale administrative pourrait même être engagée. «En tant qu'autorité de surveillance, nous ne sommes pas responsables de chaque joueur et de chaque joueuse», rappelle Thomas Fritschi. Une telle responsabilité serait irréaliste face aux ressources disponibles.
Une évaluation de la loi sur les jeux d'argent est en cours, notamment suite à une intervention de la conseillère nationale des Vert-e-s Sophie Michaud Gigon, présidente de la Fédération romande des consommateurs (FRC). «Dès que l'évaluation sera terminée, nous aurons plus de données pour examiner à la loupe les limites et, le cas échéant, les réprimer par la loi», dit-elle. «Il n'est pas acceptable qu'un système de protection permette de jouer 24'000 francs par jour sans aucun autre contrôle.»
Cet article a été publié initialement dans le «Beobachter», un magazine appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.
Cet article a été publié initialement dans le «Beobachter», un magazine appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.