Les ménages galèrent, Swissgrid sourit
Ce baron suisse de l'électricité rafle le pactole grâce au monopole d'Etat

La société suisse Swissgrid détient le monopole d'Etat sur l'exploitation du réseau électrique national. Tandis que l'entreprise roule sur des millions, les consommateurs trinquent. Du côté de la direction, les salaires ont grimpé en flèche.
Publié: 05:23 heures
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Dernière mise à jour: 06:16 heures
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Le PDG de Swissgrid, Yves Zumwald, a fait un grand bond en avant en matière de salaire.
Photo: Keystone
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Lucien Fluri et Sven Altermatt

Personne ne peut échapper aux contributions de Swissgrid, l'exploitant national du réseau électrique. Cette société qui détient un monopole d'Etat perçoit des taxes pour l'utilisation de l'électricité dans toute la Suisse. En contrepartie, elle entretient ce vaste réseau de 6700 kilomètres, le développe et veille à sa stabilité.

Mais l'entreprise est régulièrement sous le feu des critiques. Swissgrid réalise chaque année des millions d'excédents, grâce aux taxes étatiques. Depuis 2014, ces excédents représentent plus de 890 millions de francs. Sur cette somme, 200 millions ont été distribués sous forme de dividendes aux géants de l'électricité Axpo et FB, comme l'avait récemment révélé Blick. Indignés, plusieurs politiciens avaient déposé des interventions dans différents cantons pour limiter les salaires des dirigeants. 

Le salaire du chef a fortement augmenté

Un coup de gueule politique qui n'a que peu d'échos. Pendant ce temps, Swissgrid continue de prospérer avec des caisses bien remplies. Une enquête de Blick montre que le salaire le plus élevé au sein de la direction en 2024 s'élevait à 900'000 francs. Une rémunération qui serait, selon toute vraisemblance, celle du PDG Yves Zumwald.

Le patron d'une entreprise qui compte «seulement» 784 employés touche un salaire similaire à des dirigeants d'autres entreprises fédérales beaucoup plus grandes. Pour se faire une idée: à La Poste (35'100 emplois à plein temps), le PDG Roberto Cirillo, qui a entre-temps quitté ses fonctions, a touché 1,04 million de francs. Son homologue Vincent Ducrot a gagné presque autant aux CFF (35'500 postes à plein temps). A noter que les cotisations de l'employeur pour la prévoyance sont toujours prises en compte dans les montants.

L'évolution du salaire du PDG de Swissgrid est particulièrement frappante: en 2017, la première année complète d'Yves Zumwald, il touchait 730'000 francs. Entre-temps, son salaire est passé à 920'000 francs en 2023. Soit quatre fois plus! Sans parler d'un bonus plus que généreux. Rien qu'en 2024, la rémunération variable a représenté 230'000 francs, soit plus de 40% de la partie fixe de 520'000 francs.

«Un salaire usuel dans la branche»

Comment justifier un salaire aussi élevé? Car l'exploitation du réseau électrique a déjà été qualifiée d' «activité monopolistique sans risques, avec des bénéfices garantis par l'Etat». Interrogé par Blick, Swissgrid répond: «En tant qu'entreprise du secteur électrique, Swissgrid s'aligne sur les standards de rémunérations usuelles de la branche. Et cela, à tous les niveaux.»

Swissgrid précise que les salaires des cadres sont fixés par le conseil d'administration, en concertation avec son comité du personnel et de rémunération. Une part variable est également prévue, liée à l’atteinte des objectifs fixés. Swissgrid souligne aussi qu'elle n'appartient pas à la Confédération, mais majoritairement aux fournisseurs d'énergie.

Les consommateurs paient, les groupes profitent

Sauf qu'un tel salaire passe mal auprès du grand public. Swissgrid a déjà été critiquée à plusieurs reprises pour avoir fait grimper les coûts supportés par les consommateurs. En cause notamment: l’introduction d’un nouveau système d’acquisition pour l’énergie de réglage – ce courant de secours indispensable pour stabiliser le réseau en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande.

En 2024, le nouveau système a généré près de 100 millions de francs de coûts supplémentaires par rapport à l'ancien. Une hausse directement répercutée sur les consommateurs… et qui a, dans la foulée, permis aux entreprises d’électricité de réaliser des profits supplémentaires.

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