De plus en plus de pays introduisent le «plain packaging» et ne vendent plus que des paquets de cigarettes aux couleurs uniformément sombres. Mais en Suisse, les paquets de cigarettes ont encore leur design coloré et esthétique. Pourtant, diverses études clament haut et fort que les paquets moches freinent la consommation de tabac.
Une étude de l'Université de Zurich a abouti à une tout autre conclusion en 2014. Selon cette étude, les emballages uniformes n'auraient aucune influence sur la fréquence de la consommation de tabac. Étrange? Pas tant que ça.
Le commanditaire de l'étude en question n'était autre que la multinationale du tabac Philip Morris (PMI). Un nouveau document, dont la «Schweiz am Wochenende» a eu connaissance, montre désormais que l'influence du lobby du tabac sur l'étude était plus importante qu'on ne le pensait.
Le design de l'étude a été influencé
L'Université de Zurich a, selon le document, garanti à PMI un droit de regard sur les résultats intermédiaires de l'étude. Mais ce n'est pas tout: PMI avait également la liberté de décider si elle devait être publiée ou non. Par ailleurs, l'Université de Zurich a accordé à l'entreprise de tabac une influence sur les objectifs de la recherche et lui a même demandé quelles «orientations de recherche futures» devaient être suivies.
Ben Jann, professeur à l'Institut de sociologie de l'Université de Berne, a examiné l'étude peu après sa publication. A l'époque, il avait estimé que les aspects techniques étaient en grande partie corrects. Tout au plus avait-il remarqué quelques particularités méthodologiques. L'annexe de la maison d'édition qui est apparue récemment les remet toutefois en question, explique-t-il à Blick.
«Les tests effectués ne sont pas faux, mais les chercheurs ont parfois pris des décisions inhabituelles. Au vu de l'annexe au contrat, il n'est pas absurde de supposer que l'on a voulu présenter les résultats sous un certain jour», estime le professeur.
Le service de presse de l'université zurichoise a en revanche souligné que l'étude était une recherche sous contrat. Il y aurait eu un accord sur le design de l'étude: autrement dit, la problématique et l'objectif de l'étude aurait été communément déterminé avec le mandataire.
PMI finance aussi la recherche à l'EPFZ
Le fait que la Suisse accorde une grande marge de manœuvre à l'industrie du tabac n'est pas nouveau: la Suisse est l'un des seuls pays au monde et le seul en Europe à ne pas avoir ratifié la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac. Celle-ci exige entre autres que le parrainage par le lobby du tabac soit limité là où il pourrait y avoir des conflits d'intérêts, notamment dans la recherche.
Récemment, les initiants de l'interdiction de la publicité pour le tabac en Suisse ont haussé la voix. Deux ans après son succès avec plus de 56% des voix auprès de la population, l'initiative n'est pas suffisamment respectée par le Parlement, estime le comité à l'origine du texte. Et cela ne risque pas de s'améliorer: la commission de la santé du Conseil national souhaite désormais faire des exceptions, notamment pour la presse écrite.
L'Association suisse pour la prévention du tabagisme a récemment découvert d'autres financements de recherche par PMI à l'EPFZ. La multinationale du tabac a investi respectivement un million de francs et 120'000 francs pour deux projets à l'EPF de Zurich, a expliqué le porte-parole de l'école, cité par la RTS. L'étude porte sur l'influence d'une substance cancérigène présente dans la fumée du tabac sur l'ADN. A la fin de l'étude, on peut lire que l'on reconnaît des «intérêts financiers concurrents», puisque trois des auteurs de l'étude sont... des collaborateurs de PMI.