L’accusation est grave: selon la Swiss Retail Federation (SRF), Twint abuse de sa position dominante sur le marché. Sa plainte auprès de la Commission de la concurrence (Comco) vise à faire la lumière sur les frais imposés aux commerçants – notamment les plus petits – qui n’ont pratiquement pas d’alternative pour suivre l’évolution vers le tout numérique.
Pour ces petits commerçants, il s'agit effectivement d'une question de survie. Prenons Yasin Rajabi, patron du Kiosk 15 à la Kreuzstrasse à Zurich depuis plus de 30 ans. Son constat est sans appel: 99% de ses clients paient aujourd'hui par voie numérique.
«L'argent liquide est mort», constate-t-il. Sur son kiosque, une note manuscrite indique toutefois «Les cigarettes se paient en liquide». Yasin Rajabi ajoute: «Pour les cigarettes, ma marge est si faible que je ne peux accepter Twint comme moyen de paiement qu'à partir d'un montant de 12 francs.»
Sur d’autres produits, il accepte l’application de paiement sans réserve, mais la pression sur les commerçants est de plus en plus forte.
Les frais de Twint grignotent les faibles marges
Même son de cloche chez Goran Aleksic qui tient un kiosque dans le quartier zurichois de Wipkingen. Selon lui, les cigarettes ne sont pas le seul point sensible: «Pour certains articles, je pourrais presque les donner plutôt que les vendre.»
Pendant notre visite, une cliente vient par hasard acheter un journal. Il coûte 3 francs. Goran Aleksic fait le calcul: il dégage une marge de 13 %, soit 39 centimes. Comme la cliente paie avec Twint, le commerçant doit payer une commission. Celle-ci s'élève chez lui à environ 1,5% du prix de la transaction. Cela représenterait 4,5 centimes. Mais selon lui, Twint déduit un montant minimum par transaction compris entre 15 et 20 centimes. Pour la vente du journal, il gagne donc moins de 20 centimes.
Ne pas accepter Twint? Il ne peut pas se le permettre: «De nombreux clients exigent le paiement par Twint, et menacent même de porter plainte si je ne l'accepte pas.» Plusieurs fois par mois, Goran Aleksic entend des clientes lui dire qu'elles lui font une faveur en payant avec Twint. «Elles n'ont aucune idée de ce que je perds», s'énerve le kiosquier.
Sur l'ensemble de l'année, cela représente plusieurs milliers de francs, soit environ deux mois de loyer pour les locaux du kiosque. Il n'ose pas appliquer un supplément pour les paiements par Twint ou, comme le fait Yasin Rajabi, exiger un prix d'achat minimum: «C'est contraire à la loi.»
Un représentant des fournisseurs, qui se trouve au même moment dans le kiosque de Goran Aleksic, confirme le problème: «Les petits commerçants doivent presque toujours demander des prix supérieurs à nos recommandations pour pouvoir survivre.» En raison de leur pouvoir d'achat, les grossistes pourraient obtenir de meilleures conditions auprès de Twint et donc demander des prix plus bas. «C'est en train de tuer les kiosques, déplore le représentant. En fait, ce sont les consommateurs qui devraient payer les frais d'utilisation de Twint, pas les commerçants!»
Twint se considère comme la solution la plus avantageuse
Interrogé par Blick, le porte-parole de Twint, Ettore Trento, rappelle que Twint déclare les frais de manière transparente pour les contrats de paiement direct et qu'il est l'une des solutions les plus avantageuses pour les commerçants. «Lorsque les commerçants acceptent des paiements via un prestataire de services de paiement tiers, ce n'est pas Twint qui fixe les prix, mais le prestataire de services de paiement correspondant.»
Twint est ouvert à des discussions constructives sur les frais et prend acte de la dénonciation de la SRF: «Nous attendons avec sérénité les résultats d'une éventuelle enquête de la Comco.»