Condamnée à deux ans avec sursis pour lésions corporelles graves
Elle rend son fils handicapé... mais récupère sa garde!

Une mère genevoise a infligé à son fils de 5 mois un handicap moteur à vie: elle a été condamnée à deux ans de prison avec sursis, en 2020. Les services de protection des mineurs et la justice lui rendent malgré tout la garde de l'enfant.
Publié: 15.12.2021 à 18:33 heures
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Dernière mise à jour: 16.12.2021 à 11:50 heures
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Photo: Shutterstock
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Imaginez la scène: une mère en panique arrive aux urgences pédiatriques des HUG, à Genève. Étrangement, elle n'indique pas explicitement la raison de sa venue, mais son enfant est grièvement blessé. Les médecins suspectent alors une méningite et procèdent à une ponction lombaire.... qui aggrave l’état neurologique du petit. L'enfant est condamné. Il souffrira d'un handicap moteur à vie.

Mais les pédiatres étaient loin d'imaginer que les maux dont souffre le nourrisson de 5 mois lui ont été infligés par sa propre mère. Que s'est-il réellement passé? Tout commence par une histoire de maltraitance infantile qui glace le sang.

Selon l'acte d'accusation, la procureure reproche à la mère d'avoir commis «un ou des actes violents» sur son fils, «soit en le frappant avec un objet plat sur la tête, soit en le projetant sur une surface dure (mur, sol, meuble), soit en le poussant d’une hauteur élevée d’au moins 1,50 mètre».

«Secoué ou jeté quelque part»

A la suite de ces accusations, le Tribunal correctionnel avait condamné la mère à deux ans de prison avec sursis pour lésions corporelles graves par négligence. Aujourd'hui, l'enfant a 4 ans et a été restitué... à celle qui a causé son malheur, comme l'a appris Blick.

Si la procureure ne pouvait que formuler des hypothèses sur la façon dont l'enfant a été blessé, c'est que sa génitrice n'a jamais lâché de morceau. L'avocat genevois Me Vincent Spira a représenté le garçon durant la procédure pénale. Il confirme qu'un flou entoure les faits.

Une source connue de la rédaction indique également qu'«on ne sait pas ce qu'il s'est vraiment passé. La mère a d'abord dit que son bébé était tombé du lit. Mais les médecins ont confirmé que ce n'était pas possible. Donc soit il a été secoué, soit il a effectivement été jeté quelque part... Mais elle n'a jamais voulu modifier sa version.»

Rendu à la femme qui l'a meurtri

Le jugement contre la mère ayant été prononcé en 2020, cette dernière devrait donc avoir purgé sa peine prochainement. Or, l'enfant serait déjà de retour auprès de la femme qui l'a rendu infirme.

«Dans le cadre de la procédure civile, la garde a en effet été restituée à la mère, certainement sous l'impulsion du Service de protection des mineurs... ou dans tous les cas avec leur accord, explique Me Spira. J'en ai été averti assez fortuitement, vu que je représentais l'enfant dans le cas de la procédure pénale, mais pas civile.»

Comment se fait-il qu'une mère dont le comportement a provoqué l'infirmité de son fils puisse récupérer ce dernier? Contacté par Blick, le Service de protection des mineurs genevois nous balade de collaborateur en collaborateur, avant de nous transmettre une réponse qu'il concède lui-même être «générique»: «Le service de protection des mineurs a pour vocation de soutenir les parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales (...). L'intérêt de l’enfant concerné prime sur toute autre considération, c’est notamment la raison pour laquelle il ne communique pas sur les situations individuelles afin de protéger l’image et la vie privée des enfants concernés.»

Des indemnités... réduites de moitié

Double peine: cette tragique histoire revêt également un volet financier. En effet, l'enfant devait quoi qu'il arrive bénéficier de la somme de 80'000 francs, de la part de l’instance d’indemnisation d’aide aux victimes (LAVI) - la mère étant insolvable. Or, ce montant a été revu à la baisse de moitié par l'institution censée le délivrer, comme le révélait la Tribune de Genève.

Selon la Chambre administrative, cela se justifie car les séquelles infligées au garçon «n’atteignent (...) pas le degré des atteintes gravissimes entraînant une incapacité de travail permanente et justifiant la fourchette la plus élevée des indemnisations».

Me Vincent Spira s'en indigne, à l'autre bout du fil: «A Genève, il est extrêmement rare, voire exceptionnel, que la LAVI verse les mêmes montants que ceux fixés par l'autorité judiciaire. Ils les réduisent toujours....»

Une situation pas si extraordinaire

Les faits qui ont condamné l'enfant à vivre avec des capacités motrices réduites à vie sont assez tétanisants. Et pourtant pas si rares. En effet, selon les statistiques de la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ), rien que dans le canton de Vaud voisin, les mauvais traitements physiques représentaient 11% des cas d'intervention du Département en 2020 (voir image ci-dessous).

À noter que les deux premiers motifs pour lesquels la DGEJ est généralement appelée à agir sont la violence domestique et les négligences.

Au niveau national, selon Pédiatrie Suisse, qui recense les statistiques de toutes les cliniques pédiatriques de grande et moyenne taille du pays, 1'590 cas de maltraitance d’enfants ont été signalés au total en 2020, soit 1,5% de plus que l'année précédente. Notons encore que ces chiffres ne sont pas exhaustifs et font uniquement état de cas référencés par les cliniques. Or, de nombreuses situations passent directement par les services cantonaux de protection de la jeunesse.

Le cas évoqué ci-dessus pose une question lancinante: quels sont les critères retenus par les services de protection de la jeunesse cantonaux pour restituer leur enfant à des parents reconnus coupables de maltraitance?

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