La Suisse est un petit pays. À ce titre, la République de Genève, pourtant deuxième plus grande ville de la Confédération, reste un espace assez étriqué. «Un village», comme l'appellent affectueusement les politiques qui se rencontrent sur la «place» centrale – celle du Bourg-de-Four, qui trône au centre des bâtiments gouvernementaux.
Tout le monde semble se connaître, parmi les décideurs, dans cette ville-canton de quelque 500'000 habitants. Mais la petitesse du territoire est-elle une raison suffisante pour un ministre d'engager son propre gendre comme chef de cabinet – ou «collaborateur personnel», selon le jargon officiel?
Le gendre de Dal Busco
C'est la question que pose une information parvenue à Blick. En effet, selon trois sources très bien informées, Serge Dal Busco (Le Centre), ministre genevois des Infrastructures, aurait engagé son gendre comme collaborateur personnel. Cela peu avant la fin de son mandat politique, qui se termine en 2023.
En effet, le gendre de l'élu du Centre aurait ainsi repris le poste de Nicolas Fournier qui, lui, avait été nommé chef de cabinet en pleine période de Covid, comme le relayait alors «Le Temps». Aujourd'hui, Nicolas Fournier a de toute évidence quitté le rôle pour devenir secrétaire général adjoint à l'État de Genève. Contacté via le service de communication du Conseil d'État pour commenter les raisons de ce changement de poste, l'intéressé n'a pas répondu à nos sollicitations.
«Un faux problème»?
Cette nomination fait jaser au sein de la classe politique, dont une partie dénonce ce qu'elle estime être un cas de népotisme. La préoccupation a même pris une tournure institutionnelle, puisqu'elle a fait l'objet d'une question urgente écrite, posée par le député MCG Patrick Dimier au Grand Conseil il y a deux semaines.
La question est aujourd'hui toujours en suspens, et devrait trouver réponse lors des prochaines sessions parlementaires, selon nos informations.
Interpellé par écrit, le secrétaire général adjoint du ministre Serge Dal Busco, Roland Godel, ne réfute pas les faits. Tout en stipulant que le département serait dans son bon droit. «Il n'y a aucun mystère et aucune situation ambiguë dans ce sujet, la loi a été scrupuleusement respectée», nous répond-il.
Il refuse cependant de fournir davantage d'explications, nous renvoyant à la réponse qu'il compte adresser directement au parlementaire à l'origine de la question urgente. Affirmant: «Nous avons pour règle à l'État de garder la priorité de nos explications aux députés. La réponse détaillée a été rédigée et sera transmise tout prochainement au Grand Conseil.» Et d'ajouter: «Vous pourrez alors constater que ceci est un faux problème et que vos informations sont inexactes.» Pourquoi ne pas les avoir réfutées, alors?
Zone grise?
Malgré les froncements de sourcils qu'il suscite, cet engagement serait en réalité dans les règles, comme l'explique l'une de nos sources: «La loi prévoit en effet que le magistrat peut choisir librement son collaborateur. Il n'y a pas d'obligation de mise au concours de ce poste.»
Et de préciser: «Cela s'explique entre autres par le fait que le poste de collaborateur personnel est étroitement lié à celui de magistrat. Le collaborateur personnel doit par exemple quitter ses fonctions en même temps que son ministre. C'est-à-dire dans environ quatre mois, dans le présent cas.»
Il n'y aurait pas non plus de loi explicite interdisant à un ministre d'engager son gendre. Serge Dal Busco n'aurait donc rien fait d'illégal. «En revanche, au niveau politique et moral, c'est un autre débat...», déplore la même source.