S’ils n’avaient pas pris la peine de mettre une cagoule, je ne serais pas en train d’écrire ce qui suit. Mais que deux personnes fassent irruption dans un lieu de débat – dans un accoutrement qui sent la violence et trahit la conscience d’un geste grave – pour entarter une personne exprimant son opinion est inacceptable. Qu’on puisse défendre le contraire est profondément inquiétant.
De quoi parlons-nous? D’une poignée de décérébrés qui ont forcé les portes de l’Université de Genève (dans un lieu et un pays qui assurent pourtant à toutes et à tous de pouvoir prendre la parole), alors que la conseillère nationale Céline Amaudruz y dissertait sur la neutralité suisse. Objectif: intimidation.
La tentative d’entartage s’est soldée par un échec, soit, mais la cible a eu très peur (les masques détendent rarement l'atmosphère), et une partie du public a été arrosée d’une substance qui serait – aux dires du syndicat étudiant soutenant l'action des encagoulés – du purin d’ortie, un engrais certes naturel, mais épouvantablement nauséabond. Précisons que le liquide n’était pas identifié au moment des faits. Effroi garanti.
La nature (humaine) faisant (parfois) bien les choses, un front solidaire s’est constitué pour condamner cette attaque. Même l’ancienne députée et figure de la gauche radicale genevoise Maria Lou Perez s’est fendue d’un post Facebook pour dénoncer l’acte et exprimer son empathie à l’endroit de l’élue UDC. C’est dire.
Mais toutes les vagues d’intelligence – c'est d'ailleurs aussi leur mérite – mettent forcément en lumière la bêtise. Sans grande surprise, celle-ci s’est manifestée par le biais du Syndicat des services Publics (SSP).
Le 12 janvier, ce dernier s’est fendu d’un communiqué de presse mal écrit et pseudo-humoristique pour minimiser les faits, et voler au secours du fameux syndicat étudiant qui cautionne cet épisode imbécile. On y parle de «farce», on y présente l’entartage comme un acte quasi institutionnel.
Pourquoi ne devons-nous pas nous étonner que le soutien des encagoulés émane du SSP? Parce que si les entarteurs distribuent des claques à la crème, c'est toujours faute de verbe et d’arguments. Et que le SSP, lui aussi, n’a généralement ni l’un ni l’autre.