Une Suissesse a décidé d'accueillir une réfugiée ukrainienne à son domicile. Elle décrit à Blick ce qui lui est passé par la tête, lors d'une nuit agitée: «Si elle meurt, c'est de ma faute!» La réfugiée en question, âgée de plus de 70 ans, se débattait alors avec des problèmes de santé. Mais à cause de la barrière de la langue, elle ne pouvait pas expliquer de quels médicaments elle avait besoin.
La Suissesse fait partie des quelque 30'000 familles et personnes qui ont accueilli à titre privé des réfugiés ayant fui l'Ukraine au printemps 2022, peu après le début de la guerre. Pendant six mois, elle s'est occupée de l'Ukrainienne. Mais elle s'est surtout sentie abandonnée par les autorités suisses. Elle indique qu'il lui manquait une personne de contact dans sa commune et qu'elle n'a pu obtenir des informations importantes qu'en discutant avec d'autres familles d'accueil.
Sondage auprès de plus de 1000 hôtes
Dans un sondage mené par la Haute école spécialisée de Berne, la Haute école de Lucerne et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés auprès de plus de 1000 hôtes, un quart des participants critiquaient fin 2022 le manque de soutien de l'Etat. L'équipe de recherche a en outre mené jusqu'en mars dernier 24 entretiens avec des personnes en fuite et des familles d'accueil.
Les personnes interrogées ont indiqué qu'elles n'avaient guère reçu d'aide pour faire face aux nombreuses difficultés barrant leur route et celle des réfugiés. Elles évoquent notamment la scolarisation des enfants, la recherche de cours de langue ou des questions juridiques. Beaucoup ne se sentaient pas non plus suffisamment préparées à gérer l'accueil de personnes traumatisées et parfois très jeunes. «Nous avons fait trois mois de travail social, sans aucune aide des autorités», affirment certains sondés.
Les familles d'accueil favorisent l'intégration
De leur côté, les réfugiés concernés décrivent qu'après avoir vécu la guerre et la fuite, ils avaient besoin de calme, ce que les familles d'accueil ne comprenaient pas toujours. «Tu veux juste t'allonger sous une couverture, te reposer en quelque sorte. Et au final, tu refuses les offres et tu blesses les sentiments de la personne», explique l'un d'eux.
Eveline Ammann Dula, du Département de travail social de la Haute école spécialisée de Berne et codirectrice de l'étude, explique: «Le repos est un besoin important après une fuite. Les familles d'accueil devraient être formées de manière adéquate pour savoir comment gérer le stress.»
Mais l'étude conclut également que les familles d'accueil favorisent l'intégration. Plus de la moitié d'entre elles restent en contact avec les réfugiés après leur départ et des amitiés solides émergent.
«Vous allez nous manquer»
Une mère qui a fui l'Ukraine avec son enfant et qui a vécu six mois chez un couple raconte ce qu'elle a ressenti lorsqu'elle a reçu la promesse d'avoir son propre appartement: «Nous avons dit: 'Ouf, enfin! Il faut fêter ça.' Mais aussi: 'Vous allez nous manquer.'» La mère de famille a cherché un logement dans la même ville afin de maintenir les relations avec sa famille d'accueil et ses voisins.
De nombreux hôtes font état de soirées de jeux de société régulières, d'excursions et de «relations fraternelles» entre les enfants suisses et réfugiés. Les familles d'accueil auraient en outre soutenu les exilés dans leur recherche de logement ou leur auraient permis de trouver un emploi.
La directrice de l'étude dresse le bilan suivant: «Si l'hébergement privé devient un axe à part entière de la politique d'asile, il doit être accompagné de manière continue et professionnelle.» Il est également essentiel que toutes les personnes concernées disposent de suffisamment d'intimité et de possibilités de se retirer.