Président fatigué, mais fier
Dietmar Faes: «On veut montrer qui on est»

En finale de la Coupe de Suisse pour la première fois depuis 1961, le FC Bienne rêve d’exploit face au FC Bâle. Entretien avec un président fier, lucide et débordé, qui vit l’un des moments les plus forts de l’histoire du club.
Publié: 31.05.2025 à 20:03 heures
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Dietmar Faes et le FC Bienne ont écrit une page d'histoire cette saison.
Photo: keystone-sda.ch
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Bastien FellerJournaliste Blick

Dietmar Faes est un président heureux. Débordé par le travail. Mais heureux. Et pour cause, après avoir repris le FC Bienne en 2016 en 2e ligue à la suite d'une faillite, le Seelandais se rendra ce dimanche à Berne, pour voir son équipe disputer la finale de la Coupe de Suisse face au FC Bâle. «Un grand honneur», confie l'homme fort de la Tissot Arena à quelques heures du début de la rencontre. Interview.

Rêvez-vous de cette finale toutes les nuits?
Non, pas vraiment. Quand je rentre chez moi, je suis complètement crevé. (rires) Mais bien sûr, c’est là, dans un coin de la tête. C’est exceptionnel, inattendu, inimaginable. Si on m’avait dit il y a un an que je serais président d’un club en finale de Coupe, j’aurais dit: «Continue de rêver». Et pourtant, on y est. C’est un moment fantastique.

Qu’est-ce que cette finale représente pour le FC Bienne en tant que club?
C’est une occasion unique de se présenter à toute la Suisse. Et cette finale fait clairement partie des trois événements les plus importants de l’histoire du club: il y a eu le championnat suisse remporté en 1947, la finale de Coupe en 1961 perdue contre La Chaux-de-Fonds, et maintenant celle de 2025. En tant que club de troisième division, se retrouver en finale, c’est quelque chose de fantastique.

Cette finale arrive après la déception du championnat et l'échec de la promotion en Challenge League. Est-ce qu’elle vous a permis de passer rapidement à autre chose?
Bien sûr, c’est une déception, car c'était notre objectif cette saison. On avait tout entre nos mains, mais on n’a pas su concrétiser. Félicitations à Rapperswil. Peut-être que la Coupe nous a coûté cher, aussi, comme ce sont des matchs très intenses. Pour les joueurs, ce sont des moments exceptionnels, des semaines qu’on n’a jamais vécues. Le focus a un peu quitté le championnat, et il y a eu de la fatigue, c’est clair.

En cas de victoire, comment préparez-vous une éventuelle participation européenne?
On cherche déjà un stade pour y jouer. Ici à Bienne, le terrain sera en travaux puisque nous allons passer au synthétique. Et ce ne sera prêt qu’en septembre, probablement à la fin du mois. On étudie donc des alternatives. Financièrement, ce serait naturellement une belle opportunité. Les recettes d’une participation européenne seraient importantes pour un club comme le nôtre. Cela nous permettrait de renforcer l’équipe et de viser à nouveau la montée en Challenge League l’an prochain.

La Tissot Arena changera de revêtement cet été.

Les journées doivent être longues.
Oui, je suis déjà au stade tous les jours, de 6 à 21 heures. C’est vraiment chargé. Mais je le fais avec le sourire et énormément de plaisir. Des moments comme ceux-là, on ne les vit qu’une fois dans une vie. On assume ce que ça demande avec joie et fierté.

Quel a été le moment le plus fort de votre parcours en Coupe?
Il y en a plusieurs, mais battre Young Boys, c’était très spécial. Il faut savoir qu’entre Bienne et Berne, la relation est un peu ambivalente. On a souvent été désavantagés contre eux, donc c’était une sorte de revanche. Le stade était plein, 6000 spectateurs, une ambiance incroyable. On jouait contre le champion suisse en titre, une équipe de Ligue des champions, alors qu’on vient d’en bas. C’est extraordinaire. Déjà contre Lugano, c’était très fort. C’était à ce moment-là la meilleure équipe en Suisse, qui jouait en Coupe d’Europe. On pensait souffrir, mais on a gagné. Battre un poids lourd du foot suisse, c’est une belle récompense. Et ensuite battre les Young Boys, c’était encore deux crans au-dessus. Exceptionnel.

Est-ce que cette qualification a attiré davantage de sponsors ou de partenaires?
Oui, bien sûr. La visibilité et la crédibilité du club ont énormément augmenté. En 2016, le club était en faillite. Il y a eu des moments très difficiles, peu de gens croyaient encore au foot à Bienne. On a reconstruit, étape par étape, jusqu’à la Promotion League. C’est déjà une belle ligue, mais qui n'est pas très attractive pour les sponsors. Ils s’engageaient par soutien local, pas pour un retour publicitaire. Mais cette année, grâce à cette épopée, on a pu offrir une visibilité incroyable à nos partenaires pour un investissement modeste. Maintenant, on est sollicités. Des sponsors nous contactent, le cercle des donateurs s’élargit, la Ville soutient le club. Il y aura un bus spécial aux couleurs du FC Bienne, une réception après la finale, même une édition spéciale du Journal du Jura. Dans la rue, les gens m’arrêtent, me souhaitent bonne chance, même ceux que je ne connais pas. C’est très touchant.

«Battre Young Boys, c’était très spécial», explique Dietmar Faes.

Le plus dur sera de réussir à maintenir cet engouement.
Évidemment. On pourrait dire qu’il vaut mieux ne rien susciter pour éviter les déceptions. Mais ça ne marche pas comme ça. C’est comme séduire quelqu’un: on peut être refusé, mais il faut tenter. Il faut vivre avec ce risque. Les gens savent qu’on joue en Promotion League, ils ne sont pas dupes. Mais on a suscité beaucoup plus d’intérêt pour le club, et pour le football en général ici. Il y aura sans doute plus de sponsors, donc plus de recettes. On l’a vu lors des derniers matches: on attire plus de spectateurs que la majorité des clubs de Challenge League. Je pense que ça va durer. À nous d’y répondre sur le terrain. Si on perd et qu’on échoue à monter, bien sûr, l’intérêt retombera.

Pour dimanche, vous disposez de 12'500 places. Comment s’est passée la vente des billets?
Tout est vendu. Trois trains spéciaux partiront de Bienne. Il y a une vraie solidarité autour du club. Pas seulement la ville, mais de toute la région du Seeland. La situation de Bienne est particulière: pour les Romands, on est des Suisses allemands, pour les Suisses allemands, on est des Romands. On est un peu oubliés. Alors se retrouver en finale, sous les projecteurs, ça donne une grande fierté. Les gens veulent voir comment on se bat, et on espère leur donner du plaisir, même si ce sera très difficile.

Jouer contre le FC Bâle, ça ajoute encore quelque chose à l'expérience?
Bien sûr. J’ai toujours été amateur du FC Bâle. C’est le premier club de Super League que j’ai suivi. Ensuite, en Challenge League, c’était Xamax. Et cette année, en Coupe, on a affronté Xamax, puis Lugano, Young Boys... et maintenant Bâle. C’est fantastique. Pour les joueurs et le staff, c’est une énorme motivation. On ne veut pas juste participer. On veut montrer qui on est.

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