Ils sont nombreux. Et je l’avoue: j’en fais encore partie. Le Paris Saint-Germain (PSG)? Pas le genre de club de foot qui vous fait frissonner. Trop d’argent. Trop de polémiques liées à son propriétaire, le Qatar, ce très riche Emirat gazier. Et trop de joueurs qui se comportent comme des Empereurs: Zlatan Ibrahimovic, Neymar, et plus récemment Kylian Mbappé, alias Kiki.
Non, décidément, le PSG ne semblait jamais pouvoir rivaliser, au Panthéon des clubs tricolores mythiques, avec le Stade de Reims des années 50, l’AS Saint-Etienne des années 70, et l’Olympique de Marseille des années 90! Puis le miracle est arrivé. Et il pourrait, ce samedi soir, se transformer en consécration populaire.
Au sommet de l’Europe?
Voilà que Paris, cette capitale à la fois admirée, redoutée et détestée des «Provinciaux», peut se hisser au sommet de l’Europe du football si le PSG l’emporte face à l’Inter de Milan, à l’Allianz Arena de Munich. 46% d’opinions favorables sur le club parisien selon un sondage Odoxa tout juste diffusé. 69% chez les amateurs de foot! Paris serait donc une «fête» comme l’écrivait le romancier américain Ernest Hemingway?
Vous avez détesté le Paris Saint-Germain? Il y avait de bonnes raisons à cela. Lorsque le couturier Daniel Hechter reprend en 1973 le club crée trois ans plus tôt, et qu’il dessine le premier maillot des joueurs, une partie de son nom porte sur ses épaules le dédain envers les parisiens: Saint-Germain… pour Saint-Germain en Laye, cette ville cossue de la banlieue ouest de la capitale, aux antipodes des quartiers ouvriers du Red Star, le club mythique de Saint-Ouen, ville populaire et longtemps communiste.
Grosse artillerie
D’autant que, très vite, le PSG sort la grosse artillerie en matière de communication. Il s’approprie l’image de la tour Eiffel. Il s’installe au parc des Princes, ce stade que la mairie de Paris refuse toujours de vendre aux Qataris en 2025. Voir le PSG, c’est se rendre Porte de Saint-Cloud, en bordure des quartiers les plus chics du 16e arrondissement. Rien à voir avec le Vélodrome marseillais ou le «chaudron» stéphanois de Geoffroy Guichard…
Une parenthèse a tout de même rapproché le PSG des fans de foot: celle des années 80-90. Son joueur vedette est l’Algérien Mustapha Dalheb. «L’Ange vert» Dominique Rocheteau, ex-ailier de l’ASSE, atterrit au parc des Princes. Le président du PSG est Francis Borelli, un publicitaire d’origine tunisienne qui veut réconcilier son club avec Paris et avec la France.
Bien vu! Bien joué! Et puisqu’il faut impressionner les médias, un duel s’installe avec Marseille, prise d’assaut par le très charismatique entrepreneur-politicien Bernard Tapie. PSG-OM devient l’affiche à ne pas rater. Mais la balance populaire penche alors du côté du Vieux Port: en 1993, Marseille remporte la coupe d’Europe face à l’AC Milan. Le club rival de l’Inter est battu 1-0 à Munich, en Allemagne. Un heureux présage?
Le Qatar détesté
Disons les choses: la véritable détestation du PSG démarre en 2011, lorsque le Qatar rachète 70% du club. Nicolas Sarkozy, un grand fan, est alors président de la République. Il se comporte en VRP de l’Emirat. L’argent coule à flots. Le Paris Saint-Germain devient une marque plus qu’un club. Zlatan Ibrahimovic est son emblème. Le Brésilien Neymar est supposé enflammer le Parc des Princes. Messi prend la relève. On connaît la suite… avec l’arrivée, en 2017, de Kylian Mbappé, alors âgé de 18 ans.
Un carré d’as sur le terrain. Une finale de coupe d’Europe perdue en 2020 face au Bayern de Munich, dans un stade de Lisbonne vide pour cause de pandémie de Covid. Trois ans après le traumatisme jamais effacé de la «remontada» du FC Barcelone. 6-1 après avoir perdu 4-0 à l’aller: Le Barça est au paradis et son dieu est son entraîneur, Luis Enrique.
Dieu a changé de camp
Or voilà que Dieu a changé de camp. Luis Enrique est aujourd’hui la «star» d’un Paris Saint-Germain salué pour la qualité de son jeu collectif, et pour l’alignement de stars qui «ne se la jouent pas» façon Zlatan, Neymar ou Mbappé (parti au Real Madrid). Mais surtout, la capitale française s’est réconciliée avec le foot. Pour la première fois depuis des décennies, un second club, le Paris FC, jouera l’année prochaine en Ligue 1.
Paris contre Paris: l’affiche aura de quoi ravir. Jusque-là, le Paris FC jouait à Charlety, un stade très politique connu pour avoir abrité un grand rassemblement de la gauche durant la révolte étudiante de mai 1968. Cette enceinte (que le club devrait néanmoins abandonner) est au sud de Paris, pas trop loin de son cœur intellectuel battant de Saint-Germain… des-Prés. Rien à voir avec le déluge de millions de dollars qataris.
Une nouvelle marque PSG
Gare aux clichés réducteurs toutefois: le PSG n’est pas devenu populaire. C’est sa marque qui s’est transformée. Moins élitiste. Moins mondialisée. Plus parisienne et française à un moment où le Paris FC rêve d’incarner une nouvelle ambition tricolore, avec un propriétaire bien placé pour cela: le roi du luxe Bernard Arnault. Le PSG a aussi tenu à l’écart ses «ultras», ce Kop de supporters très fortement marqué à l’extrême droite. Bref, le club a muté. Le Qatar et le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, se font plus discrets. Luis Enrique, l’Espagnol qui évite de parler en français à la presse, est une sorte d’Aimé Jacquet ibérique: taiseux, humain, simple, colérique.
Aimé Jacquet, justement, avait joué avec Saint-Etienne, avant d’entraîner Lyon, puis Bordeaux, et de porter la France au sommet du monde en 1998. On pense aussi, à propos de Luis Enrique, à l’actuel sélectionneur des Bleus Didier Deschamps. Un entraîneur qui a remis d’aplomb un collectif et une équipe: soit exactement ce qui manque à la France, dominée politiquement par Paris, cette capitale élitiste tournée sur elle-même qui incarne bien plus les fractures que les forces et les ambitions de la nation tout entière.