Le mont Everest est actuellement le théâtre d’un duel sans précédent. Deux sportifs de l’extrême veulent gravir – et redescendre – la plus haute montagne du monde, depuis le camp de base à 5364 mètres jusqu’au sommet à 8848 mètres, en moins de 20 heures. Sans oxygène supplémentaire. Uniquement à l’aide des cordes fixes.
Les deux protagonistes s’appellent Karl Egloff, 44 ans, alpiniste suisse-équatorien, et Tyler Andrews, 35 ans, Américain et ancien coureur de fond. Chacun mène son ascension de manière indépendante, mais c’est bel et bien une course l’un contre l’autre que les deux hommes mènent. Une équipe de tournage suit leur défi et on murmure déjà que Netflix pourrait diffuser le documentaire. «Ce sont aussi des montagnards. Je suis pratiquement toujours avec eux au camp, nous mangeons et rions ensemble», confie Karl Egloff.
L'alpiniste et l'athlète
Le contraste est frappant entre les deux hommes. Tyler Andrews, adepte des records en short et t-shirt, aborde l’Everest avec un style minimaliste, inspiré de l’athlétisme. Il s’est tourné vers l’alpinisme récemment. Karl Egloff, quant à lui, est un montagnard pur souche, formé très jeune par son père en Equateur. A 15 ans déjà, il était guide de montagne. Il a appris à lire la météo et à respecter la montagne.
Pas de dopage, pas d’oxygène
Cette semaine, les deux pourraient commencer leurs essais. Le record actuel date de 1988: le Français Marc Batard avait réalisé le parcours en 22 heures et 29 minutes. En 2008, le Népalais Kazi Sherpa avait certes abaissé ce temps à 20 heures et 24 minutes, mais il avait eu recours à l'oxygène en bouteille lors de la descente. Tyler Andrews et Karl Egloff veulent faire mieux dans les deux cas: être plus rapides et renoncer complètement à l'oxygène. Karl Egloff insiste d'ailleurs pour effectuer un test antidopage avant le départ et directement après le retour au camp de base. L'éthique dans le sport est très importante pour lui, explique-t-il.
Le plus grand obstacle pourrait être les touristes qui affluent sur le mont Everest au printemps. En mai, l'affluence est très importante, ce qui peut même provoquer des embouteillages devant le sommet. Il s'agit d'éviter d'être ralenti par des colonnes de grimpeurs pour les deux sportifs en quête de vitesse.
Fin de la carrière de Karl Egloff
La préparation que le Suisse a derrière lui est méticuleuse. Karl Egloff s'est entraîné chez lui à Höri, dans le canton de Zurich, dans des conditions d'hypoxie jusqu’à l’équivalent de 7000 mètres d'altitude. Il a fait du vélo avec un masque qui diminue la teneur en oxygène de l'air qu'il respire et a dormi dans une tente à faible teneur en oxygène dans la cave pour s'habituer aux conditions réelles.
En effet, il sait ce que le manque d'oxygène peut déclencher chez lui, grâce aux records de vitesse qu'il a établis jusqu'à présent sur le Kilimandjaro, le Denali et l'Elbrouz. Il a dû faire face à des hallucinations et à des crampes d'estomac. L'expérience l'a rendu prudent. C'est pourquoi il est désormais accompagné de son ami et collègue guide de montagne Nico Miranda, qui a emporté des bouteilles d'oxygène en cas d'urgence.
Pour Karl Egloff, cette tentative pourrait bien être l’apogée – et la fin – de sa carrière de «speed alpiniste». Sa femme et leurs deux enfants l'attendent à la maison. L'alpiniste en est bien conscient, c'est pourquoi il porte toujours sur lui une photo de sa famille. Car même s’il se sent libre là où la vie est la plus menacée, il n’oublie jamais ce à quoi il tient le plus.