L’émotion est immense: une deuxième couronne pour le lutteur gruérien Benjamin Gapany! Une de plus, après celle conquise à Zoug en 2019. La seule, cet été à Glaris, à orner la tête d’un Romand. Il tient sa revanche sur la Fête fédérale de 2022, enfin! Malgré les blessures, malgré les frustrations, le trentenaire a fait preuve de patience et de persévérance pour signer un retour triomphal. Et tandis que certains évoquent déjà la Fête fédérale de 2028 à Thoune,
Benjamin Gapany, lui, se projette plus loin encore, vers celle de 2031, qui aura lieu dans un canton romand encore inconnu. Le regard pétille, la flamme est intacte. Et pourquoi n’y participerait-il pas? Après tout, rien ne semble capable de le laisser au tapis, lui qui, en tant que lutteur et agriculteur, n’a pas toujours fini sur les épaules.
Jusqu’à ses 15 ans, Benjamin mène de front judo et lutte. Mais au début de son apprentissage, il doit choisir. Les deux disciplines, qu’il décrit comme «complémentaires», l’attirent. Pourtant, ce sont «la bonne équipe de copains à la lutte» et le lien fort avec le monde agricole qui font pencher la balance. «Je refais parfois encore du judo par passion, ou je donne un coup de main lors des compétitions par équipe», confie-t-il, preuve que le cœur n’a jamais tranché totalement.
Il a appris la patience
Peu de temps après ce choix décisif, il subit la première blessure de sa carrière de lutteur, aux cervicales. Opération, rééducation, apprentissage interrompu durant presque deux mois. De quoi décourager plus d’un adolescent. Mais pas Benjamin Gapany! Au contraire, il veut reprendre trop vite les entraînements, animé par la fougue et l’insouciance de son âge. «Depuis, j’ai appris à mettre mon poing dans la poche. J’ai compris qu’il fallait être patient et qu’avec les blessures, ce n’est jamais bon d’aller plus vite que la nature. On peut me donner tout ce qu’il faut pour me réparer, mais le temps, lui, reste incompressible. Je n’essaie plus de le repousser.»
Il n’a jamais cessé de persister. Et c’est bien cette ténacité qui lui a permis de garder intacte sa flamme pour la lutte. «Revenir m’a demandé de la prudence et de la préparation, mais surtout de la passion», insiste-t-il. Ce qui l’attire particulièrement dans ce sport ? «Les valeurs, la tradition suisse, le respect, le fait que le résultat ne dépende que de moi, et l’ambiance unique des fêtes de lutte, sans sifflets ni injures.»
Les blessures, pourtant, ne l’ont pas épargné. À la nuque se sont ajoutées une rupture des ligaments croisés, une luxation d’épaule et d’autres pépins. De quoi sérieusement remettre en question une carrière. Mais là encore, Benjamin n’a pas flanché. «Mes blessures m’ont empêché de lutter, mais rarement de travailler. Mon activité agricole m’a même permis de garder du mouvement et d’accélérer ma convalescence, d’après mon physiothérapeute.»
Debout à 5h du matin pour les vaches
Quand il doit s’absenter de l’exploitation laitière familiale, il peut compter sur ses patrons – son père et un associé – pour assurer en son absence. «Au printemps et en été, il y a quasiment une fête de lutte chaque week-end. Mes entraînements sont le soir. Il m’arrive de rentrer à 23h, alors que je dois me lever à 5h le lendemain. Dans ces moments-là, j’ai la chance de pouvoir commencer plus tard. Mais c’est parfois compliqué et source de tensions.» Certains pourraient croire à des passe-droits. Lui nuance : «C’est sûr que c’est plus simple que si j’avais un autre patron. Tout le monde est conciliant, on trouve des arrangements. Mais pas de passe-droits, je n’irais pas jusque-là.»
Tous ces efforts, ces sacrifices et ces compromis finissent par payer en 2019. À Zoug, Benjamin décroche sa première couronne fédérale. Le graal ! Un succès qui change son état d’esprit au moment d’aborder la Fête fédérale suivante, à Pratteln. «J’avais moins de pression, parce que j’avais déjà atteint mon objectif une fois. Tout le reste ne serait que du bonus.» Mais le rêve tourne court. Une blessure à la cheville le contraint à abandonner une compétition qu’il attendait depuis trois ans. Une immense frustration, compréhensible. Mais l’heure de la revanche finirait par sonner.
La couronne est de retour sur sa tête
Fin août, à Mollis, Benjamin se distingue une nouvelle fois. La couronne est de retour sur sa tête, et elle brille encore plus fort. Pourtant, trois mois plus tôt, une blessure au genou menaçait de tout remettre en cause. Une fois de plus, il a forcé le destin par sa détermination. «Mon genou a tenu, c’est l’essentiel. Je suis très satisfait de ce week-end, vu les circonstances. J’étais tellement concentré que j’ai vécu la fête uniquement à travers la performance. Mais je suis très content, je n’aurais pas pu rêver mieux.»
Et la suite? Côté agricole, les certitudes dominent : «Je vais reprendre l’exploitation familiale, 80 hectares et 70 vaches laitières. Selon les opportunités, je me lancerai dans des projets d’agrandissement.» Côté sport, en revanche, les certitudes laissent place aux rêves. «Si un jour ma flamme pour la lutte venait à s’éteindre, je resterais dans ce milieu. Je me verrais devenir arbitre, jury ou entraîneur. Je suis déjà chef technique de mon club, j’encadre les plus jeunes. Mais je veux continuer à lutter, au moins à une prochaine Fête fédérale ou deux.»
Alors rendez-vous en 2028, pour des émotions qui pourraient bien être encore plus intenses.