Fin septembre, «Le Figaro» révélait qu’une procédure judiciaire était en cours contre le navigateur suisse Yvan Bourgnon. Le quotidien français rapportait que le Neuchâtelois était poursuivi pour «mensonge par omission» par le documentariste Pierre Guyot. Ce dernier avait filmé ses aventures et l’accuse d’avoir menti sur le récit d’une traversée de l’Atlantique qu’il a menée sur son catamaran «Ma Louloute», en 2017.
Un procès pour «droits d’auteur»
Mais après la parution de l’information, le skipper s’est défendu sur ses réseaux sociaux. S’il confirme qu’un procès aura bien lieu le 6 octobre au Tribunal judiciaire de Paris, celui-ci concernera d’après lui «des questions de droits d’auteur et d’exploitation sur des images tournées lors du défi du passage Nord-Ouest, images que j’ai filmées moi-même. Le procès ne porte donc en aucune manière sur les conditions de cette traversée.»
Il n’empêche que la véracité des propos d’Yvan Bourgnon sur son expédition est remise en question par son opposant au Tribunal.
Le navigateur avoue être «resté estomaqué» après la parution de l’article du Figaro, auquel Blick a également fait écho. Il faut dire que l’image d’un Yvan Bourgnon intrépide, bravant vents et marée par le seul goût de l’aventure et de la défense du climat en prenait un sacré coup. Remorquage par un autre bateau, histoire inventée d’un ours qui s’invite sur le catamaran, nuits passées à l’hôtel sous la couette alors que tout le monde le croyait dans un froid glacial… L’entourloupe semblait bien ficelée.
Rendre le récit «vivant»
Le Chaux-de-fonnier se défend toutefois en affirmant que les éléments figurant dans l’article sont connus depuis longtemps et qu’il ne les a jamais cachés, puisqu’il les évoquait même dans son livre «Conquérant des glaces», paru en 2018: «On dit que je fais du storytelling… N’est-ce pas le propre de tout aventurier qui décrit son périple? Raconter, rendre le récit vivant pour le partager, lui donner du sens, faire ressentir l’instant, c’est la nature même du récit d’aventure et en aucun cas cela ne mérite d’être accusé de tricherie et de mensonge», se défend le navigateur sur ses réseaux sociaux.
Concernant les faits qui lui sont reprochés – comme la perte de signal de son traqueur alors qu’il était remorqué, tout en tentant l’établissement d’un record – le Suisse est catégorique: «L’opportunité d’un record avait été évoquée avec mon équipe si toutes les conditions étaient remplies. J’ai sollicité la WSSRC (organisme qui officialise les records à la voile) pour avoir un traqueur à bord avant le départ. Mais en aucun cas je ne leur ai demandé d’officialiser un quelconque record après la réalisation du défi puisque les conditions n’ont pas pu être remplies.»
Le skipper poursuit: «Je n’ai pas bénéficié d’un 'remorquage au long cours' sur près de 100 milles marins (environ 170 km) durant une semaine comme cela est décrit dans l’article, ni des neuf nuits passées 'bien au chaud dans un lit'. Au vu des conditions auxquelles j’ai été confronté pendant de longues semaines, tout cela me paraît plutôt anecdotique.»
Concernant la visite non vérifiée d’un ours sur son catamaran, Yvan Bourgnon manie l’ironie: «Il est vrai que j’aurais pu lui demander de prendre la pose, le temps de sortir un appareil photo.» Il explique que ces animaux sont «aussi agiles que les chats» et qu’aucune trace n’était visible sur le bateau parce qu’ils n’ont pas besoin d’y planter leurs griffes pour facilement s’y hisser.
«Droit dans mes bottes»
Interrogé par «L’Equipe», Yvan Bourgnon assure aussi se tenir droit dans ses bottes et affirme au sujet des diverses «casseroles» qu’il traîne (notamment un dépôt de bilan qui a laissé ses fournisseurs impayés en 2007): «Je n’ai jamais été condamné, mais je suis devenu, soi-disant, un escroc. Ça me suit à la trace. Je ne suis pas comme les autres, je ne suis pas le mouvement, je ne suis pas le bon élève […] Moi, je vis des aventures, je raconte des histoires, je transmets du rêve.»
En matière de transmission de rêve, il est certain que les récits du navigateur font le job, personne ne le niera. Mais enjoliver la réalité ne fait-il pas tomber à l’eau certains exploits du marin? Chacun aura sa petite idée.