Si vous aviez 144 heures devant vous (six jours tout pile), que feriez-vous? Vous partiriez en vacances? Rajoutez à peine plus d'une demi-heure à ce total et Gaëtan Husson vous court les 360 kilomètres du SwissPeaks Trail 2021. Le tout en étant déguisé en soldat romain s'il vous plaît.
Le Français fait partie des centaines de participants à avoir pris part à la cinquième édition de ce trail de l’extrême, qui enchaînent plusieurs cols valaisans avant de rallier les bords du Léman. Les plus fous d’entre eux se mesuraient sur des distances de 100, 170 ou 360 kilomètres, sans parler du dénivelé.
Pour le commun des mortels, une seule question se pose: pourquoi se lancer un tel défi? Blick l’a posée à sept coureurs populaires qui ont rallié l’arrivée bien après les plus rapides.
Clio Bernasconi (100 km, 23h46’32): «Chercher mes limites»
Les larmes coulent sur les joues de Clio à son arrivée. Elles sont très différentes de celles des débuts de la course, lorsqu’elle avait appelé son mari pour lui dire qu’elle ne voulait pas continuer après un coup de mou au 15e kilomètre. Au Bouveret, la place est aux larmes de bonheur, tandis que Clio est entourée de ses proches.
«Il faut être un peu folle pour faire ce genre de défi. J’avais déjà fait plusieurs distances un peu plus petites et j’avais envie d’aller un peu chercher mes limites, voir ce que c’était de passer la nuit dehors. C’est vraiment une aventure extraordinaire, qu’on partage avec les autres. On a besoin de ravitaillement, d’encouragement. C’est vraiment un truc qu’on a vécu tous ensemble, je suis vraiment allée au bout de mes limites et je suis contente d’être arrivée au bout.
Sur 100 kilomètres, on a le temps de passer par toutes les étapes. Tandis que si on en fait 40, on sait que ce sera dur mais en crochant, on va y arriver.»
Martin Maggi (100 km, 29h03’35): «Un défi à la con»
Martin souffre à l’arrivée au Bouveret. Son genou lui fait mal depuis 40 kilomètres mais il est comme chargé d'une mission. Le Valaisan a décidé de passer coûte que coûte la ligne.
«En mars 2020, il n’y avait plus de sport, plus rien. Je me suis donc mis à courir autour de chez moi et j’ai pris goût à ça. Je le faisais trois à quatre fois par semaine.
Et ça a toujours été une envie, un défi à la con de vouloir faire 100 kilomètres. Et pourquoi le faire à plat quand on peut le faire en montagne, à côté de chez moi. J’ai reçu l’inscription comme cadeau de Noël et je n’ai plus eu le choix.»
Stephanie Leach (170 km, 52h14’54): «Des émotions que je n’oublierai jamais»
L’Américaine qui habite à Aubonne était tout sourire. Accompagnée depuis Morgins par une autre coureuse, Stephanie a franchi la ligne d’arrivée avec sa camarade de route.
«C’était dur, douloureux et magnifique. Ce sont pleins d’émotions que je n’oublierai jamais. J’ai déjà couru des trails, jusqu’à 100 kilomètres. Je me suis dit que j’allais tenter quelque chose de différent. J’adore le Valais. J’ai même essayé de courir sur certains bouts.
Le pire endroit était à la «Fenêtre d’Arpette». C’était la nuit, je suis tombée et j’ai cassé mon bol. Mais tout va bien maintenant, je l’ai fait!»
Jonathan Mead (170 km, 51h55’42): «J’ai l’impression qu’on peut tout faire»
Jonathan est venu spécialement de Belgique pour réaliser ce trail. «Vous avez quand même de plus belles montagnes que nous», rigole-t-il une fois la ligne d’arrivée franchie. Bière (pas belge) à la main, il savoure.
«Ça fait cinq ans que j’ai envie de faire une course de 170 kilomètres. Evidemment, j’avais envie de l’UTMB (ndlr: l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, un mythe pour les coureurs) mais l’année dernière je suis venu ici sur le 100 et je me suis dit qu’il fallait y aller.
C’est mon premier 170 mais j’ai adoré. C’était magnifique. C’est long, très long et dur mais j’ai l’impression qu’une fois qu’on a fait celui-ci, on peut tout faire.»
Daniel Rojo (360 km, 144h01’30): «Chez moi, on pense que je suis fou»
Le coureur de Carthagène, en Espagne, boucle tranquillement ses 360 kilomètres. Il va simplement s’asseoir sur un rocher une fois l’arrivée franchie.
«C’était très, très dur mais magnifique. Désolé, j’ai tellement d’images en tête que je dois tout remettre en place. Les glaciers, les montagnes, les rivières… C’est impressionnant.
Chez moi, on pense que je suis fou. Mais j’adore les Alpes et j’apprécie la montagne en général. J’aime venir ici.»
Xiabingqing Wu (360 km, 145h54’47): «La course est très romantique»
Si la plupart des participants ont trouvé l’exercice extrêmement dur, ce n’est pas forcément le cas de Xiabingping. Pour la Chinoise, il s’agissait plutôt d’une jolie balade.
«C’est très romantique. On voit les lampes frontales monter et descendre les montagnes durant la nuit, et, si on éteint la sienne, on voit les étoiles dans le ciel. A certains postes de ravitaillement, ils mettent de la musique et il y a des feux. Oui, c’était romantique… mais un peu difficile.
Je ne sais pas. Je pense qu’on est presque dépendant. À chaque fois qu’on ressent de la douleur, on se dit qu’on ne reviendra plus jamais. Mais on l’oublie très vite. Chaque coureur qu’on croise est si positif et malgré la douleur, tous continuent.»
Gaëtan Husson (360 km, 144h33’03): «C’est ma marque de fabrique»
S’il y a bien un coureur du 360 km qui n’est pas passé inaperçu, c’était Gaëtan. Affublé d’un casque romain et d’une cape retraçant tous ses exploits, il se prête volontiers au jeu des photos avec les autres participants.
«Ce costume, c’est ma marque de fabrique: j’ai toujours couru avec. Aussi bien les marathons dont je suis un mordu, que les trails. Je tente l’aventure avec des courses très longues et ça marche. Et la popularité aussi car tout le monde me reconnaît. C’est super.
En 2018, j’avais déjà fait les 360 kilomètres. Mais on est comme tout le monde: on veut aller toujours plus haut, plus loin, plus fort.»