En forme pour les JO 2024
Tadesse Abraham: «Ça ne peut que bien se passer à Paris»

À une centaine de jours des JO de Paris 2024, Blick a pu s'entretenir avec un Tadesse Abraham dans une forme... olympique. Interview.
Publié: 28.04.2024 à 15:25 heures
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Dernière mise à jour: 04.12.2024 à 11:05 heures
Tadesse Abraham lors du marathon de Barcelone, en mars. Il y a battu son propre record de Suisse.
Photo: keystone-sda.ch
Thomas Freiburghaus
Tadesse Abraham lors du marathon de Barcelone, en mars. Il y a battu son propre record de Suisse.

Tadesse Abraham est dans la forme de sa vie. À 41 ans, le coureur suisse vient de battre son propre record de Suisse sur la distance marathon (2h05'01''). De bon augure à l'approche des Jeux olympiques de Paris 2024, ses derniers. Interview avec le coureur suisse à l'occasion d'une soirée organisée à Vésenaz par Hofstetter Sports, son partenaire. Au programme, course avec des clients du magasin et discussion à l'heure de l'apéro. L'opportunité d'évoquer la dernière ligne droite jusqu'aux JO, où le marathon se tiendra dans un peu plus de 100 jours.

Tadesse Abraham, à Barcelone, tu as battu en mars ton propre record de Suisse sur la distance du marathon. À 41 ans, comment peux-tu être dans la forme de ta vie?
Pourquoi ne pourrais-je pas l'être (rires)? C'est parce que je travaille dur, additionné à l'expérience. Je suis quelqu'un qui croit au travail. Si on travaille, peut-être qu'aujourd'hui ça ne va pas marcher, ni demain, ni après-demain, mais ça paiera un jour.

Justement, ta façon de travailler a-t-elle changé par rapport à tes débuts?
Il n'y a pas eu de gros changements. Le seul changement, c'est d'avoir confiance et de rester consistant. Si ça ne marche pas, je ne vais pas tout changer. Je reste à ma place et je continue à travailler.

À Barcelone, tu as certes battu ton record, mais tu as aussi déclaré que tu aurais pu faire mieux. Vraiment?
Oui, j'aurais pu faire mieux. Je veux toujours voir où est ma limite. Ma carrière va se terminer dans quelque temps. J'ai déjà battu quatre fois le record de Suisse, j'essaye encore de gratter petit à petit. C'est une fierté de battre des records, pour laisser une trace. Ce n'est pas seulement pour moi. C'est aussi pour montrer aux gens qui croient que c'est fini que ce n'est pas le cas. On peut toujours aller plus loin.

Malgré cela, tu as annoncé en fin d'année dernière que tu allais mettre un terme à ta carrière en 2024. Tu n'as donc plus envie de continuer à gratter?
J'ai envie d'arrêter par moi-même, que ce ne soit pas le sport qui me stoppe. Beaucoup de grands sportifs ont une fin de carrière un peu pourrie, parce qu'il y a des blessures ou de la fatigue. Certains sont obligés d'arrêter, c'est le sport qui les arrête, pas eux. Moi, j'ai envie de m'arrêter moi-même, tout seul.

Tu ne sens pas que tu peux faire encore mieux dans les prochaines années?
Si, mais ça ne me donne pas envie de continuer pour autant. Ça fait plus de vingt ans que je cours, je suis arrivé où je veux. Même si je sens que je peux encore gratter, j'ai envie d'arrêter au top niveau et de faire d'autres choses, pour le sport, pour les jeunes. Même pour moi, de changer un peu, avoir plus de temps pour ma famille

Cette année, tu représenteras la Suisse aux Jeux olympiques 2024, à Paris. Qu'est-ce que cela représente pour toi?
Arriver à se qualifier, c'est déjà un rêve. C'est dû à la consistance, au travail. Après, représenter la Suisse, j'habite ici depuis plus de 20 ans maintenant, je veux redonner. La Suisse m'a permis de rester, m'a intégré, m'a permis de gagner ma vie et de courir aux JO. C'est un peu pour remercier.

Tadesse Abraham à Rio, où il a terminé septième pour ses premiers Jeux Olympiques.
Photo: ADRIAN DENNIS

Auras-tu aussi une partie de toi qui court pour l'Erythrée, ton pays d'origine?
Les Érythréens sont fiers de moi et je suis moi-même fier de représenter deux pays. J'ai déjà représenté mon pays d'origine et j'ai une bonne relation avec la fédération, qui me félicite à chaque course où je fais une bonne performance. Je suis toujours très fier de mes origines érythréennes. Et je suis très fier d'être Suisse.

Ça va être tes troisièmes Jeux olympiques, après Rio 2016 et Tokyo 2021. En quoi ces deux expériences peuvent te servir pour Paris?
Avoir terminé septième à Rio, pour mes premiers Jeux olympiques, me donne beaucoup de motivation. Ça montre que tout est possible. Mon abandon au Japon était particulier car je n'ai pas envie d'abandonner aux JO. Mais j'ai eu beaucoup de difficultés à Tokyo, j'ai été enfermé plus de quatre heures à l'aéroport, parce qu'ils ont dit que j'étais positif au Covid. Du coup, je n'étais pas bien mentalement pour mon marathon. Ces expériences vont faire que cela va bien se passer à Paris. On est à côté de la maison, il y aura plus de public, ça donne encore plus de motivation. Ça ne peut que bien se passer.

Du coup, quel est ton objectif pour Paris 2024?
Les Jeux olympiques, c'est le summum pour un sportif de haut niveau. C'est déjà un grand effort d'y participer. Donc pour moi, c'est toujours de donner tout ce qui est possible, de ne pas faire d'erreur pendant la course. C'est égal la performance, je veux avoir du plaisir et avoir la banane à l'arrivée. C'est le plus important.

Le parcours du marathon aux JO de Paris s'annonce difficile. Cela peut-il t'avantager? Comment t'y prépares-tu?
J'ai été reconnaître le parcours il y a quelques jours. Je vais préparer cette course par rapport au parcours. Normalement, on court sur le plat, mais Paris a un parcours différent, donc on va se préparer pour le dénivelé. On est obligé. Ça sera plutôt un avantage. La plupart des meilleurs athlètes aiment les marathons rapides. Celui-là ne va pas l'être. Du coup, ce sera surtout tactique et mental.

Quel est ton programme jusqu'aux JO?
Je suis en pleine préparation. C'est très axé sur le mental et sur la vitesse, pour le parcours particulier de Paris. Après, je vais aussi faire quelques courses, je veux rester mentalement dans le sentiment de la course. Je vais enchaîner trois courses: le 28 avril le semi-marathon d'Istanbul, le 5 mai celui de Genève et le 18 avril le Grand Prix de Berne. Après, on aura le Championnat d'Europe de semi-marathon. C'est le programme jusqu'aux JO.

Tu es arrivé en Suisse en 2004. Tu es devenu citoyen suisse en 2014. Vas-tu rapporter une médaille à la Suisse en 2024 ?
C'est une jolie phrase, on va croiser les doigts. Moi, je n'ai pas de pression. Je suis très content d'être sur la ligne de départ, je me réjouis et je suis prêt pour tout donner. Je veux prendre du plaisir, bien profiter de mes derniers Jeux olympiques.

Tu ne fais pas que les grandes courses internationales, tu participes aussi à de nombreuses courses populaires en Suisse. Ça participe à ce plaisir?
Oui. S'il n'y a pas de bénévoles, par exemple, il n'y a pas de course. C'est un symbole, mais on ne pourrait pas être professionnels sans les bénévoles. Du coup, il faut connaître les bases. Grâce aux bénévoles, on peut organiser la course. J'ai un grand respect pour eux. Pour les gens qui nous regardent aussi. J'ai envie de participer un maximum possible, surtout en Suisse, où j'habite. Après ma carrière, je vais vivre avec tous ces gens. J'ai envie de garder du lien, de l'amitié, de la relation. La vie continuera après la fin de ma carrière professionnelle.

Le coureur ne néglige pas les courses populaires, dans son pays, la Suisse.
Photo: keystone-sda.ch

Ce genre d'événements, comme celui de ce soir, ça te permet de garder ce lien?
La vie de professionnel est un peu comme une prison. C'est trop calculé, trop carré. Quand tu sors de prison, si tu ne connais personne, tu es perdu. C'est là que la plupart des athlètes ne savent pas quoi faire. Moi, je n'ai pas envie d'être comme ça. C'est pour cela que j'essaye de garder, le plus possible, des amis. Je n'ai pas envie d'être trop carré, trop professionnel. Des moments comme ce soir, on n'en a pas tous les jours. Du coup, ça fait du bien, ça change. Ça me fait plaisir de partager des moments avec des gens hors du sport. Si je peux motiver à faire du sport, aussi, c'est quelque chose de positif.

C'est une idée pour l'après? Faire le lien entre athlète et personne lambda?
Oui, j'aime bien travailler avec les gens. Je n'ai pas de diplôme professionnel, mais j'ai des pieds professionnels (rires).

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