Chassée par la guerre
La star des échecs russe joue désormais pour la Suisse

Alexandra Kosteniuk est l'une des innombrables athlètes russes qui ont tourné le dos à leur État. Avec le drapeau suisse sur la poitrine, elle veut faire avancer le jeu d'échecs dans notre pays.
Publié: 24.02.2024 à 07:58 heures
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Dernière mise à jour: 24.02.2024 à 10:16 heures
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Plus jeune, la grande championne se faisait appeler Chess Queen (reine des échecs) et faisait du mannequinat en parallèle.
Photo: z.V.g.
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Nina Köpfer

Cela fait exactement deux ans que les forces de Poutine ont envahi l'Ukraine. Deux années de peur, de désolation et de mort pour la population ukrainienne. Pour les sportifs russes, deux années d'incertitude. Nombre d'entre eux ont tourné le dos à leur pays d'origine, manifestant ainsi leur horreur face à la guerre d'agression.

La grande championne d'échecs russe Alexandra Kosteniuk (39 ans) en fait partie. Elle représente la Suisse depuis l'automne. Et ce, bien qu'elle n'ait encore jamais vécu en Suisse. Qui est la nouvelle star de l'équipe nationale d'échecs?

Alexandra Kosteniuk a grandi en Russie dans un environnement pauvre. Sa famille a presque tout sacrifié pour faire avancer sa carrière. Avec succès. A douze ans, elle a remporté le championnat du monde dans sa catégorie d'âge. A vingt ans, elle a gagné le titre de grand maître, la plus haute distinction aux échecs. Quatre ans plus tard, elle a remporté le titre de championne du monde chez les femmes. Avec l'équipe nationale russe, elle a remporté dix médailles d'or, dont trois aux Jeux olympiques d'échecs.

Un monde s'effondre

Lorsque Poutine a ordonné l'invasion de l'Ukraine il y a deux ans, un monde s'est effondré pour la championne du monde. «Cela m'a fait tellement mal. Je ne comprenais pas ce qui se passait», confie-t-elle à Blick. Elle n'a pas trouvé juste que les sportives russes soient soudainement suspendues. Des millions de Russes sont, comme elle, contre la guerre, explique Alexandra Kosteniuk. Mais les déclarations à ce sujet sont délicates. La situation en Russie était effrayante. Elle souhaite que chaque personne puisse prendre des décisions indépendamment de son passeport et des ordres du régime.

Peu après le début de la guerre et juste avant de fêter ses 20 ans dans l'équipe nationale, elle est passée sous le drapeau neutre de la Fédération internationale des échecs (FIDE). A l'époque, un changement de nation semblait encore lointain, car il coûtait normalement 10'000 euros. Mais comme la fédération russe s'est soudain rangée du côté de l'Asie et non plus de l'Europe, les joueuses ont pu changer gratuitement de fédération pendant six mois. Et comme l'ex-mari de Kosteniuk est suisse, sa première avec le drapeau suisse sur la poitrine a eu lieu plus tôt que prévu. En novembre, elle a participé aux championnats d'Europe avec l'équipe nationale d'échecs. Il en a résulté une place dans le top 10. «Un succès historique pour les femmes suisses», dit-elle fièrement.

La Suisse et les échecs ont beaucoup en commun

Alexandra Kosteniuk s'imagine bien échanger son domicile actuel, la France, contre la Suisse, si l'occasion se présente. Elle aimerait faire connaître le jeu des rois dans notre pays. Bien qu'elle n'en ait pas l'air, la Suisse est un pays d'échecs à part entière. «De nombreux tournois historiques ont eu lieu ici. Et les échecs, en tant que sport, conviennent parfaitement à la Suisse». Ce que la Russe entend par là? «Les échecs classiques sont un jeu très lent et conservateur. Il faut s'arrêter, se concentrer. Ces qualités sont appréciées en Suisse».

Autre chose qui impressionne la grande championne suisse d'échecs: l'hymne national suisse. «On y loue la beauté des Alpes suisses. C'est un hymne pacifique». Tout le contraire de nombreux autres hymnes qui mettent souvent en avant les guerres gagnées et les actions personnelles, estime Alexandra Kosteniuk. Et d'ajouter: «Ce n'est pas en conquérant tout qu'un pays devient grand. Mais par la liberté d'expression. Un gouvernement qui accepte la critique. Un bon niveau de vie. Une culture et une nature protégées. Tout cela, à mon avis, se trouve en Suisse».

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