Mal élu et contesté
L'Allemagne de Friedrich Merz est blessée (et l'Europe avec)

L'élection difficile au second tour du nouveau chancelier allemand démontre les difficultés à venir pour son gouvernement de coalition. Malgré un accord obtenu rapidement, les fractures sont en embuscade. Et les Européens vont en payer le prix, estime Richard Werly.
Publié: 06.05.2025 à 18:37 heures
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Le nouveau chancelier allemand a finalement été élu au second tour par une majorité de députés au Bundestag.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il existe un scénario du pire pour l’Allemagne et pour l’Europe, dont la Suisse ferait inévitablement les frais. Et l’échec de Friedrich Merz à se faire élire chancelier fédéral au premier tour par le Bundestag vient de nous en donner l’avant-goût.


Ce scénario est celui de nos démocraties paralysées, écartelées par les fractures politiques et par leur incapacité à contenir la vague nationale-populiste symbolisée, en Allemagne, par la forte ascension de l’Afd (Alternative für Deutschland), ce parti désormais officiellement classé à l’extrême-droite par les services de renseignement. Ce qui pose de réelles questions, compte tenu de sa force électorale (avec 20,8% des suffrages) et de sa place désormais incontestée de second parti allemand.

Un homme d’action, mais…

Friedrich Merz est le symbole de cette Allemagne et de cette Europe blessée. Le leader du parti Chrétien-démocrate CDU avait réussi à nouer une alliance rapide avec les sociaux-démocrates du SPD. Il s’est aussi, dès le lendemain des législatives du 23 février remportées de justesse par sa formation, positionné comme un leader en matière de souveraineté européenne face aux Etats-Unis de Donald Trump.

Cet ancien patron pour l’Europe du fonds américain BlackRock, homme d’action qui pilote son jet privé, voulait démontrer sa volonté d’en finir avec la parenthèse d’inaction des années Merkel, cette chancelière avec laquelle il était en désaccord, au point de quitter un temps la politique. Et il voulait aussi en finir avec la transition d’Olaf Scholz, chancelier sans charisme, devenu l’incarnation d’une Allemagne attentiste.

Façade craquelée

Le problème est que cette façade s’est craquelée en quelques semaines. Friedrich Merz a des idées. Il est volontariste. Mais il n’a pas le soutien d’une majorité solide dans la population allemande, et le risque de confrontation commerciale avec les Etats-Unis ne fait que renforcer l’inquiétude d’un pays ligoté par ses exportations. En clair: la première puissance économique européenne peut mettre beaucoup d’argent sur la table, comme l’a prouvé en mars l’accord sur un paquet d’investissements de 500 milliards d’euros. Mais elle manque d’un cap clair, prise en étau entre ses liens historiques avec les Etats-Unis et son addiction passée au gaz russe bon marché.

Le calendrier est encore plus symbolique. Ce 8 mai, l’Europe occidentale commémorera le 80e anniversaire de la reddition de l’Allemagne nazie. Le 9 mai, la traditionnelle parade militaire aura lieu à Moscou, où Vladimir Poutine recevra une vingtaine de chefs d’Etat, dont le chinois Xi Jinping. Le monde tel qu’il est s'affichera devant nos yeux: l’Europe demeure un champ de bataille.

L’Ukraine en feu

L’Ukraine reste en feu. Les démocraties européennes sont bousculées par l’émergence de candidats nationaux-populistes qui ont un fort vent en poupe, comme on vient de le voir au premier tour de la présidentielle en Roumanie, où le nationaliste Georges Simion est arrivé en tête avec 40%. La Pologne, qui votera pour son président le 18 mai, est traversée par une campagne électorale dominée par le patriotisme exacerbé.


L’Allemagne de Friedrich Merz est blessée comme l’Europe. Et la Suisse, qui retrouvera ses voisins le 16 mai en Albanie, au sommet de la Communauté politique européenne, est évidemment impactée. Une Europe blessée veut dire, si les remèdes ne sont pas vites trouvés face à Washington et à Pékin, qu’elle va souffrir économiquement et politiquement. Le bouclier allemand n’existe pas.

Berlin est aujourd’hui le talon d’Achille d’un continent qui redoute de se retrouver à genoux.

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