Lausanne veut désarmer sa police. Elle réclame un moratoire sur les courses-poursuites policières. La victime n’est plus le lésé mais le voleur en fuite. Le coupable n’est plus le délinquant mais l’agent qui cherche à l’arrêter. Certains milieux veulent affaiblir la police, cherchent à la discréditer, l’insultent, voire la menacent. Les temps sont durs pour les gendarmes. Et même la sûreté vaudoise avoue être au bout du rouleau. Qui veut encore se dévouer pour faire ce métier, passionnant mais tellement ingrat, dans ces conditions?
Au niveau fédéral, ce n’est pas mieux. Fedpol ne peut plus mentionner la couleur de peau lorsqu’elle recherche un criminel. Viasecura empêche les véhicules policiers et d’urgence d’arriver à temps sur les lieux d’intervention, en raison des limitations de vitesse. La police fédérale a dû réduire ses effectifs pour des raisons d’économie. Avec pour conséquence que certains dossiers restent en rade.
Pendant ce temps, la criminalité progresse de manière alarmante. La multiplication des braquages des bancomats et des armureries illustre la montée du crime organisé dans notre pays. Des réseaux criminels internationaux en provenance de France, d’Italie, de Belgique, des Pays-Bas, d'Europe de l'Est, des Balkans, de Turquie, de Chine ou encore d’Afrique utilisent notre territoire comme terrain d’opérations ou de zone de repli. Ils s’adonnent notamment au trafic de stupéfiants, d'armes et à la traite d'êtres humains.
Elle s’efforce de passer sous les radars, mais la mafia est bien présente chez nous. Pour elle, la Suisse demeure un lieu attrayant, en raison de sa stabilité et de sa prospérité. Elle lui permet de conquérir de nouveaux marchés ou encore se soustraire à des poursuites étrangères.
Fedpol manque d'enquêteurs
Mais c’est la cybercriminalité qui connaît la hausse la plus spectaculaire. Les affaires de «phishing» ont bondi de 70% et les fraudes à l'investissement en ligne de 43%. Plus personne n’est à l’abri des activités des criminels en ligne. Ni les citoyens ni les entreprises. Ni les hôpitaux ni les réseaux électriques.
Pendant que l’insécurité augmente, de plus en plus d’enquêtes doivent être abandonnées faute de personnel: la Suisse présente en effet l'une des densités policières les plus faibles d'Europe. Avec seulement 214 policiers pour 100'000 habitants, elle se classe au 31e rang sur 34 Etats européens. Un héritage de temps plus paisibles.
Il y a deux ans déjà, le Ministère public avait tiré la sonnette d’alarme. Il confirmait l’estimation de Fedpol qu’il manque environ 200 enquêteurs pour remplir leurs missions. Car sans enquêteur, impossible d’amener les criminels devant la justice.
Constat partagé par le Contrôle fédéral des finances: il constate que les ressources affectées aux enquêtes à la Police judiciaire fédéral sont insuffisantes pour mener des investigations dans le cadre du terrorisme, de la criminalité organisée, de la criminalité économique et de la cybercriminalité. Ce qui entraîne inévitablement des retards dans les procédures pénales, voire l’impossibilité d’en ouvrir de nouvelles. Alors que les affaires deviennent de plus en plus nombreuses et complexes.
Manque de moyens à tous les niveaux
En 2024, une vingtaine de procédures pénales dans le domaine des organisations criminelles sont restées en suspens. Depuis le début de cette année 2025, 40 cas n'ont pas pu être menés à terme et ont été inscrits sur une «liste de renonciation». Une telle impunité fait froid dans le dos et encourage les auteurs à récidiver.
Le Contrôle fédéral des finances pointe aussi du doigt l’insuffisance de ressources dans la lutte contre le blanchiment d’argent, qui joue pourtant un rôle clé dans la lutte contre la criminalité organisée et la protection de l’intégrité de notre place financière. Le nombre de communications de soupçons a triplé au cours des cinq dernières années. Et ce nombre devrait continuer d’augmenter dans les années à venir.
Face à cette montée des menaces, il est temps de prendre les mesures qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le Conseil national. Contre l’avis du Conseil fédéral, il a accepté ma motion, – reprise par la commission de politique de sécurité –, qui demande au Conseil fédéral d’augmenter progressivement les effectifs de Fedpol.
Il s’agit de créer 10 à 20 postes supplémentaires par année pendant 10 ans, soit un total de 100 à 200 postes additionnels d'ici 2035. Des spécialistes pour faire face aux nouvelles menaces.
La Suisse n'est plus à l'abri
Cette proposition est à la fois nécessaire et raisonnable. Surtout que ces postes seront autofinancés, grâce aux créances compensatoires que le Ministère public retire des affaires criminelles résolues, qui se sont élevées à 211 millions rien qu’en 2024. Avec un record de 700 millions en 2021 !
La Suisse a longtemps pensé être un îlot de sécurité. Nous nous sommes crus à l’abri. Nous avons eu tort. Il est urgent de donner sans plus tarder à nos forces de l’ordre les moyens nécessaires pour combattre la montée de la criminalité. Si nous ne voulons pas que la Suisse ressemble à certains Etats voisins, qui se sont fait déborder par le crime et ne savent plus comment le freiner.
D’où ma question: qui a intérêt à affaiblir notre police?