Le camouflet infligé par Donald Trump sur les droits de douane et sur l’achat des F35-A est une attaque directe contre la prospérité et la sécurité de notre pays. Le président américain agit à l'encontre de tous les principes défendus par les démocraties occidentales, à savoir la stabilité, le libre-échange et un ordre mondial fondé sur des règles. Il fait régner la loi du plus fort. Si par sa taille, la Suisse est considérée comme un petit Etat, elle n’est pas pour autant un vassal de Washington. Au nom de sa souveraineté, elle doit tenir bon et ne pas renier ses valeurs.
Nous sommes entrés dans un nouveau monde où le deal est érigé en dogme. La méthode de Donald Trump s’apparente à des méthodes «mafieuses», qui bouleversent nos principes et nos certitudes. Une démarche indigne de la première puissance mondiale. Toutefois, notre colère doit être mise en perspective avec la collaboration que nous avons développée avec les USA pendant des décennies. Le locataire de la Maison Blanche n’est pas tous les Américains. Et il ne sera pas toujours président.
Nous devons aussi nous souvenir que, dans les relations internationales, nous n'avons pas d’amis mais uniquement des intérêts à défendre. Même si notre confiance est aujourd’hui ébranlée à l’égard du gouvernement américain, mieux vaut demeurer prudents mais fermes. Cet exercice d’équilibrisme exclut en principe toute mesure de rétorsion. Des pressions pourraient entraîner de graves conséquences sur le plan économique comme sécuritaire.
Renoncer aux F-35? Un pari risqué
Vouloir, par exemple, renoncer à l’achat du F-35 serait, dans le chaos géopolitique actuel, une réaction compréhensible mais extrêmement risquée. L’instabilité qui règne en Europe et dans le monde rend notre environnement sécuritaire volatile, imprévisible et dangereux. Le sommet Poutine-Trump en Alaska a montré une fois de plus que le chemin de la paix en Ukraine est encore semé d’embûches. Il est donc de notre devoir de renforcer nos capacités de défense, notamment en matière de souveraineté aérienne.
Renoncer au nouvel avion de combat n’est pas réaliste. Le remplacer par le prolongement de vie des FA 18 ou l’achat d’autres avions comme le proposent les socialistes et les verts, non plus. Je rappelle d’abord que le camp rose-vert ne veut ni avion, ni armée. Ensuite, nous avons déjà dépensé plus d’un milliard. Il n’est pas question de perdre cet argent. Et les listes d’attentes pour d’autres avions sont longues.
Enfin, les tribunaux américains nous plumeront si nous rompons le contrat. D’autres alternatives existent. Il appartient à présent au Conseil fédéral de faire des propositions et le Parlement tranchera.
Préserver notre prospérité
Néanmoins, la Suisse doit tirer les enseignements de cette nouvelle crise avec le gouvernement américain. Notre pays a toujours privilégié le dialogue. C’est notre force. Aussi la voie de la négociation en matière de droits de douane ou de l’achat des F-35A est certainement plus appropriée et plus fructueuse qu’une guerre de représailles. Elle ne ferait qu’accroître l’ire du président américain, sans pour autant obtenir des résultats.
Nous devons aussi nous remettre en question, comme l’a fait le Conseil fédéral après le refus de l’EEE en 1992. Etre moins naïfs. Plus offensifs. Faire preuve d’audace. Bref, mieux se préparer aux nouvelles conditions de ce 21ème siècle.
Et surtout faire valoir nos atouts. Dans le domaine diplomatique, la Suisse propose d’accueillir la rencontre Poutine-Zelensky. Elle représente aussi les intérêts américains en Iran. Et sur le plan économique, notre pays reste tout de même le sixième investisseur étranger aux Etats-Unis, avec plus de 352 milliards de dollars d'investissements cumulés.
Nous avons connu d’autres crises importantes avec les Etats-Unis: les fonds en déshérence et le secret bancaire pour ne citer qu’eux. Et nous les avons surmontées. La Suisse a été fondée en 1291 pour résister aux attaques des forces étrangères qui nous entouraient. Aujourd’hui nous devons nous battre pour préserver notre prospérité, notre sécurité et notre souveraineté.