La chronique de Delphine Klopfenstein Broggini
Protéger les troupeaux plutôt que les femmes, le choix de la majorité à Berne

Dans sa nouvelle chronique, la conseillère nationale verte Delphine Klopfenstein Broggini alerte sur les choix budgétaires opérés à Berne, où la rigueur budgétaire sert, selon elle, à sacrifier la solidarité, le climat et la protection des plus vulnérables.
Delphine Klopfenstein Broggini craint l'arrivée d'un climat de polarisation que nous ne connaissions pas en Suisse.
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Delphine Klopfenstein Broggini
Delphine Klopfenstein BrogginiConseillère nationale

Le Conseil national a réduit une nouvelle fois nos engagements internationaux. Les crédits pour la coopération, l’aide humanitaire, la promotion de la paix, l’égalité ou la santé sont taillés à la hache. Ce geste budgétaire, devenu seul motif politique, supplante toute réflexion sur les intérêts de la Suisse et, plus largement, sur le climat et la planète. Ce qui relevait jusqu’ici de la stabilité de notre pays est désormais traité comme une simple variable d’ajustement.

Dans le même temps, le budget de l’armée augmente de plus d’un demi-milliard. L’agriculture, portée par un lobby puissant à Berne, échappe à toute coupe. Et un crédit de 10 millions est voté pour vacciner le bétail contre la maladie de la langue bleue, tandis qu’on refuse un million pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. A l’heure où les féminicides rappellent la violence structurelle subie par les femmes, le manque de moyens alloués à leur protection devient un scandale d’Etat. 

Une logique trumpienne

Ce contraste n’est pas le fruit du hasard. Il s’inscrit dans une logique trumpienne : la majorité de droite coupe là où l’impact est moins visible à court terme (solidarité, prévention, égalité) pour préserver ce qui rassure leur électorat conservateur : l’armée, une agriculture figée, un PIB dopé aux multinationales. 

Les mêmes qui invoquent la rigueur pour sabrer dans le climat ou le social valident sans hésiter des hausses dans l'armée. Celles et ceux qui tournent en dérision les vélos-cargos ou les trains de nuit défendent les budgets agricoles, sans exiger aucune transition vers un système plus durable.

A travers ces choix, une partie de la droite applique un projet politique assumé: l’aide aux personnes précaires devient accessoire. Le climat, superflu. La solidarité, suspecte. Dans ce contexte, la référence à Trump n’est pas une provocation, mais un constat. La majorité de droite ne cherche plus à construire un consensus, mais à imposer une vision: brutale, unilatérale, idéologique.

Vers un violent retour de balancier

Le symbole de la langue bleue le résume. Tandis que la santé humaine est sous-financée et que les familles ploient sous le poids des primes maladie et des soins dentaires non couverts, le Parlement finance sans débat, aucun, un vaccin pour les bovins. Ce n’est pas la mesure elle-même qui interroge, mais son évidence... et son incohérence.

Il faut le dire très clairement: en poursuivant cette logique, la majorité de droite prend le risque d’un violent retour de balancier. A force de piétiner les compromis, d’affaiblir la cohésion sociale et d'utiliser de manière si manifeste le budget contre les plus vulnérables, elle prépare un climat de polarisation que nous ne connaissions pas en Suisse, qui finira par se retourner contre elle, ou pire contre notre pays jusqu'ici épargné par les clivages et ses rapports de force extrêmes. 

Gouverner sans équilibre, sans consensus ni vision partagée, c’est fragiliser la confiance de la population dans nos institutions déjà malmenées.

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