Ils et elles fabriquent des jouets en bois, des bougies, des savons, du papier toilettes, des produits de nettoyage... C'est dans des «ateliers protégés», dits aussi «adaptés», que des personnes handicapées peuvent exercer une activité professionnelle correspondant à leurs capacités.
Souvent, ces ateliers exécutent des commandes que des entreprises normales en Suisse ne pourraient guère réaliser au même prix en couvrant leurs coûts. Cela s'explique par un soutien spécial, mais aussi par les bas salaires. Selon un rapport de 2019, le revenu horaire le plus bas dans ces ateliers est en effet... de un centime. Personne n'est payé plus de 9,99 francs - c'est environ trois fois moins que le salaire horaire moyen.
Pas de salaire minimum
Il n'existe pas de salaire minimum pour les travailleurs dans les ateliers protégés. Et celui-ci n'est pas non plus à l'ordre du jour dans notre pays - du moins, pas encore.
En Allemagne, par exemple, une réflexion a été entamée en ce sens, depuis que le salaire minimum est passé à douze euros début octobre. On se demande s'il ne faudrait pas l'introduire également dans les ateliers pour personnes handicapées. Les personnes qui y travaillent touchent pour l'instant en moyenne 1,46 euro de l'heure. Des voix s'élèvent toutefois contre cette mesure.
En Suisse aussi, on se demande s'il est admissible de ne verser qu'un salaire symbolique aux personnes handicapées. «C'est surtout dans les cantons où il existe des salaires minimums que l'on peut se demander s'ils devraient aussi être introduits dans les ateliers», pense Thomas Geiser, spécialiste du droit du travail.
Les obligations de la Suisse à l'international
La Confédération a signé en 2014 la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées. Mais jusqu'à présent, celle-ci n'est pas appliquée de manière conséquente, comme le déplore Inclusion Handicap. Cela ne doit plus être accepté, estime l'association faîtière des organisations suisses de personnes handicapées. Cette année, un comité de l'ONU est également arrivé à la conclusion qu'il y avait encore un potentiel d'amélioration en matière de droits des personnes handicapées et a recommandé à la Suisse d'élaborer un plan d'action.
Dans ce contexte, tant l'ONU qu'Inclusion Handicap critiquent le fait que la mise à l'écart des personnes handicapées sur le marché du travail protégé entraîne des «salaires très bas». «Un travail est un travail», affirme Matthias Kuert Killer, d'Inclusion Handicap.
Si cela ne tenait qu'à l'association faîtière des personnes handicapées, le marché du travail ordinaire et le marché du travail protégé devraient être progressivement réunis. Les personnes handicapées devraient en outre recevoir un salaire minimum pour leur travail, au lieu de dépendre d'une rente AI et de prestations complémentaires (PC) en raison des salaires très bas des ateliers. D'autant plus que même le salaire d'atelier, la rente AI et les PC représentent ensemble moins que les salaires minimums des conventions collectives de travail.
Diverses solutions proposées
«Avec un salaire minimum, les travailleurs seraient en outre mieux valorisés pour leur travail», selon Kuert Killer. Les employeurs devraient recevoir une subvention salariale à cet effet. Il donne un exemple: «Si un employé ne gagne que 400 francs par mois en étant présent à plein temps, il devrait recevoir un salaire de 4000 francs - l'entreprise recevrait 3600 francs de subvention.»
Thomas Geiser, professeur émérite de droit du travail à l'université de Saint-Gall, estime qu'il est judicieux, du moins en partie, de réunir le premier marché du travail (régulier) et le deuxième (protégé). «Surtout lorsque des produits sont fabriqués dans des ateliers à des salaires très bas et qu'ils sont également fabriqués sur le marché du travail régulier.» Un salaire équitable serait alors également garanti.
La séparation du travail «ordinaire» et «protégé» n'a pas de sens
Pour Annina Studer d'Insos, l'association sectorielle des prestataires de services pour les personnes handicapées, la subdivision en un premier et un deuxième marché du travail n'a pas non plus de sens.
Les ateliers et les entreprises d'intégration font tout autant partie du marché du travail - mais leurs emplois s'adressent à des personnes bénéficiant d'une rente AI. Elle ne voit pas de problème avec les bas salaires, ceux-ci étant un revenu complémentaire à l'AI et aux PC. Un problème se pose toutefois lorsque des personnes handicapées performantes qui ne trouvent pas d'emploi sur le marché du travail ordinaire se retrouvent dans des ateliers.
De plus, les aides sociales peuvent être réduites si le salaire des personnes travaillant en atelier est trop élevé. Andrea Caroni, spécialiste du droit public et conseiller aux États, est certes «fondamentalement opposé à l'introduction de salaires minimaux». Mais il ne serait pas souhaitable que les aides sociales soient réduites de manière excessive si le salaire des collaborateurs handicapés dépassait un certain niveau. «Cela crée de mauvaises incitations. Il n'est pas acceptable que les personnes qui travaillent plus reçoivent moins à la fin.»
La Confédération élaborerait des mesures de politique du handicap pour les années à venir - celles-ci doivent également tenir compte des recommandations du Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU. Le Conseil fédéral décidera probablement à la fin de l'année de la forme exacte que prendront ces mesures. On saura alors ainsi si un salaire horaire d'un centime reste légal.