Donald Trump se rêve en «président de la fertilité». Mais la tâche s’annonce ardue alors que les Etats-Unis connaissent une chute historique de leur taux de fécondité: en 2024, il est tombé à moins de 1,6 enfant par femme, bien en dessous du seuil de renouvellement des générations fixé à 2,1.
Pour inverser cette tendance, le président américain pourrait s’appuyer sur un allié de longue date: la Heritage Foundation, think tank conservateur déjà à l’origine du controversé Project 2025. L’organisation propose un plan pronataliste radical, proposant d’utiliser l’appareil d’Etat pour façonner la vie privée et imposer un modèle unique de famille hétérosexuelle mariée, révèle le «Washington Post» mercredi 3 septembre.
Ce projet, résumé dans un document de cinq pages consulté par le média américain, est déjà contesté en interne. Certains y voient un véritable retour en arrière.
«Nous devons sauver la famille américaine»
Le document intitulé «Nous devons sauver la famille américaine» propose un véritable «Manhattan Project pour restaurer la famille nucléaire» (nom de code du programme secret qui a permis de développer la première bombe atomique). Ses mesures phares incluent:
- la création de comptes d’épargne réservés aux couples mariés;
- Le détournement des fonds des services de garde d'enfants au profit d'aides publiques pour les familles, afin d'encourager les parents à rester au foyer
- l’obligation pour toute nouvelle politique de mesurer son impact sur le mariage et la famille, avec la suppression des programmes jugés nocifs.
Cette orientation marque un virage pour la Heritage Foundation, longtemps défenseuse du libre marché et d’un Etat minimal, qui prône désormais une intervention directe du gouvernement dans la sphère familiale et reproductive. Le texte désigne comme responsables du déclin démographique des évolutions sociales acquises depuis plusieurs décennies comme le divorce, la contraception, l’avortement, les relations homosexuelles ou encore le «carriérisme» des femmes. Les mesures proposées visent à rétablir un modèle très traditionnel et exclusif de la famille, en marginalisant les autres formes.
J.D. Vance, le pronataliste
La démarche s’inscrit dans un mouvement pronataliste qui prend de l’ampleur au sein du Parti républicain. Le vice-président J.D. Vance, considéré comme le principal porte-voix de cette mouvance, avait déclaré lors de son investiture: «Je veux plus de bébés aux Etats-Unis.» Le président de la Chambre, Mike Johnson, ainsi que des figures comme Elon Musk, partagent cette vision.
Pourtant, d’autres analyses soulignent que la baisse de la fécondité est avant tout liée à des raisons économiques. Selon le «Washington Post», un couple doit augmenter ses revenus annuels de près de 27'000 dollars pour maintenir son niveau de vie après la naissance d’un premier enfant. A l’inverse, les zones où la garde d’enfants est mieux subventionnée affichent des taux de natalité plus élevés.
Des critiques à l'interne
Le document de la fondation Heritage exclut toute aide à la congélation d’ovocytes, à la fécondation in vitro, à la gestation pour autrui ou encore au dépistage génétique. La réponse, affirme-t-il, doit passer par le mariage. Mais ces propositions divisent jusqu’au sein du think tank. Certains parlent de «génie social», d’autres d’«eugénisme», dénonçant un retour en arrière de 50 ans et une menace pour l’égalité des genres. D’autres encore y voient une tentative de renforcer durablement l’image des Républicains comme parti des «valeurs familiales», dans la lignée du conservatisme évangélique.
En parallèle, Donald Trump a tenté de donner des gages politiques: en mai, il a annoncé un «baby bonus» de 5000 dollars par enfant, versés sur un compte accessible à la majorité. Il avait aussi promis la gratuité des fécondations in vitro, avant de faire machine arrière.
Mais ce débat sur la natalité ne peut être dissocié d’un autre enjeu majeur aux Etats-Unis: l’immigration. Alors que le pays connaît un déficit de naissances, une partie du monde politique, notamment démocrate, plaide pour que l’immigration compense ce manque et soutienne la croissance économique. Une solution que rejettent les partisans du pronatalisme conservateur, qui entendent miser avant tout sur le renforcement de la famille américaine traditionnelle.