Quelques heures après le meurtre de l’influenceur d’extrême droite Charlie Kirk, Donald Trump accusait déjà la «gauche radicale» d’en être responsable. A ce moment-là, ni le suspect ni le mobile n’avaient encore été identifiés. Lundi, dans un discours, il a promis de traquer «chacun de ceux qui ont contribué à cette atrocité» et annoncé vouloir classer des groupes antifascistes comme «organisations terroristes nationales».
Le président américain martèle que la quasi-totalité des violences politiques aux Etats-Unis seraient le fait de cette «gauche radicale», sans apporter de preuves. Seulement que les données racontent une autre histoire. Selon une étude, publiée le 11 septembre, par le Cato Institute, un think thank libertarien américain, la majorité des violences politiques de ces cinq dernières années sont imputables à... l’extrême droite.
Trump contredit
Depuis 2020, 81 personnes ont été tuées dans le cadre de violences politiques aux Etats-Unis. Un peu plus de la moitié, soit 54% sont imputables à la droite, tandis que plus de deux fois moins (22%) à la gauche. Les islamistes représentent, eux, 21%.
L’étude a aussi analysé les 3599 homicides politiques depuis 1975. Sans surprise, les attentats du 11 septembre (3122 victimes) gonflent les chiffres liés à l’islamisme, responsable de 87% des décès sur cette période.
Mais en excluant cet événement tragique, l’extrême droite est à l’origine de 63% des morts, contre seulement 10% pour la gauche (391 victimes contre 65). «Il ne fait aucun doute que, si l’on examine les chiffres de mortalité, c’est l’extrême droite qui a été la plus meurtrière», résume au «Time» Colin Clarke, spécialiste du terrorisme intérieur. Selon lui, ces attaques sont le plus souvent motivées par des idéologies extrémistes et suprémacistes blanches.
Une réalité minimisée
Colin Clarke souligne que Trump met en avant certains cas marquants de violences commises par la gauche, mais passe sous silence celles venues de la droite. Le président ne s’attaque donc pas à la menace la plus meurtrière.
Alex Nowrasteh, l’auteur de l’étude, insiste toutefois sur un autre point: la violence politique reste «très rare aux Etats-Unis». «La rhétorique ne correspond pas aux faits. Tout le monde est, à juste titre, consterné par ce meurtre, mais un acte isolé, aussi horrible soit-il, ne reflète pas une tendance de société», affirme-t-il.
Une menace amplifiée
Même si elle part d'un niveau très faible, les experts constatent tout de même une légère hausse récente des violences politiques, avec des événements marquants: l’assaut du Capitole en janvier 2021 par des partisans pro-Trump, plus de 9600 menaces contre des élus, l’agression de Paul Pelosi ou encore deux tentatives d’assassinat contre Trump en 2023.
Pour le politologue Benjamin Radd (UCLA), cette évolution ne confirme par une explosion de la violence, mais reste marginale. Ce qui change, dit-il, c’est «la tempête médiatique» qui entoure ces événements, amplifiée par le président américain «de manière très efficace». Résultat: une impression de crise majeure qui ne correspond pas à la réalité des chiffres. Et si Donald Trump voulait vraiment s’attaquer à la menace la plus meurtrière, il devrait avant tout regarder du côté de son propre camp.