La tension monte dans les Caraïbes. L'USS Gerald R. Ford, le plus grand porte-avions du monde «est là pour lutter contre les cartels de la drogue», déclare le président américain Donald Trump. Mais en réalité, l'intervention vise un tout autre objectif.
Depuis début septembre, l'armée américaine mène des attaques contre des bateaux présumés de contrebande dans les Caraïbes et le Pacifique. Selon CNN, plus de 40 personnes ont été tuées jusqu'à présent durant ces opérations et dix bateaux ont été détruits. Cela ne devrait pas aller en s'arrangeant, car Donald Trump a annoncé qu'il «étendrait bientôt le combat sur la terre ferme».
Dans le même temps, la marine américaine déploie toute une escadre d'intervention en direction des Caraïbes, dont justement l'USS Gerald R. Ford. A son bord: 90 avions de combat et des centaines de missiles de croisière.
Ce qui se cache sous la parole officielle
L'administration Trump décrit ces opérations comme faisant partie d'un programme anti-drogue à grande échelle. Selon elle, le Venezuela est devenu un «narco-Etat» et le président Nicolás Maduro le chef d'un cartel international. Le ministre des Affaires étrangères Marco Rubio souligne qu'il faut impérativement «défendre la sécurité de l'Amérique à la source».
Mais selon la BBC, le Venezuela ne joue en réalité qu'un rôle secondaire dans le trafic de drogue mondial. Les principales routes de transit passent par la Colombie, le Mexique et les eaux du Pacifique. Les analystes militaires estiment donc que ce déploiement massif est complètement disproportionné. «Ces armes possèdent une puissance de feu largement disproportionnée pour une simple opération antidrogue», prévient l'ancien ambassadeur américain à Caracas, James Story. Que prévoit donc réellement Trump?
Semer la peur au Venezuela
Derrière cette rhétorique américaine se cache un calcul politique. Selon CNN, Trump prévoit des frappes ciblées contre des usines de cocaïne présumées et des routes de contrebande sur le sol vénézuélien. Mais est-ce tout? Le sénateur démocrate Mark Kelly écrit sur X: «On ne déplace pas un groupe de combat entier dans les Caraïbes si on n'a pas l'intention d'intimider – ou de faire la guerre – à quelqu'un.»
«Il s'agit ici d'un changement de régime», a déclaré à la BBC Christopher Sabatini, spécialiste américain de l’Amérique latine. Il a fait valoir que le réarmement militaire visait à semer la peur dans le cœur des militaires vénézuéliens et du cercle interne du président Maduro, afin qu'ils se retournent contre lui. Son gouvernement doit ainsi être indirectement renversé.
Donald Trump utilise pour cela une zone grise juridique: le War Powers Act, une loi adoptée en 1973 qui lui permet de recourir à la force militaire pendant 60 jours avant que le Congrès ne donne son accord. Ce délai expire début novembre. Mais malgré cela, selon CNN, le président a déjà autorisé la CIA à mener des opérations secrètes au Venezuela.
Trump joue à un jeu dangereux
Pour les partisans de Trump, cette opération s'inscrit parfaitement dans un scénario politique bien ficelé. A leurs yeux, la chute de Nicolás Maduro permettrait d'endiguer la migration, de garantir les intérêts pétroliers de l'Amérique et de cimenter Donald Trump comme leader charismatique. Mais la politique musclée de Trump est un jeu dangereux: «Aucun des critères de la légitime défense n'est rempli», prévient Ryan Goodman, spécialiste du droit international à l'université de New York, sur CNN.
Sans l'accord du Congrès, de nouvelles attaques seraient anticonstitutionnelles. Même certains républicains comme Rand Paul critiquent le fait que le président outrepasse ses droits. De plus, une attaque sur le sol vénézuélien pourrait rapidement rendre ce conflit incontrôlable, avec des conséquences graves pour la région.
Le pari de Trump pourrait en réalité se retourner contre lui: une attaque américaine, perçue comme brutale et injustifiée, risquerait de renforcer la position de Nicolás Maduro en unissant la population vénézuélienne contre un ennemi extérieur.
Une «pure provocation»
A Caracas, Maduro parle déjà d'une «guerre perpétuelle fabriquée» et accuse les Etats-Unis de créer un prétexte pour une invasion. Son gouvernement affirme que des mercenaires proches de la CIA ont planifié des «attaques sous faux drapeau». Dans le même temps, le Venezuela a condamné la présence militaire américaine dans la région, la qualifiant de «pure provocation».
Malgré tout, la pression continue de grimper. L'USS Gerald R. Ford doit arriver dans les eaux caribéennes dans les prochains jours.