Théorie du complot aux Etats-Unis
«Maladie X»: les conspirationnistes se font de l'argent à coup de désinformation

La «maladie X», terme inventé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour désigner une hypothétique future pandémie, est au centre d'un ouragan de désinformation amplifié par les théoriciens américains du complot, qui en tirent profit.
Publié: 04.03.2024 à 12:21 heures
Alex Jones, fondateur du média complotiste Infowars lors d'un ralliement pro-Trump.
Photo: keystone-sda.ch

Pour nommer une hypothétique future pandémie, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a un nom: la «maladie X». Assez pour les théoriciens américains du complot, qui n'ont pas manqué l'occasion de lancer une immense vague de fake news à ce sujet.

Les fausses informations, en particulier celle attribuant à un complot élitiste la création d'un agent pathogène inconnu visant à dépeupler la planète, semblent provenir des États-Unis, mais se sont répandues en Asie dans de nombreuses langues régionales, selon les vérificateurs de faits de l'AFP.

La désinformation qui se propage rapidement et qui, selon les experts, illustre les dangers d'une faible modération des contenus sur les réseaux sociaux, pourrait accroître la méfiance vis-à-vis des vaccins et compromettre la préparation aux urgences de santé publique, quatre ans après l'apparition de la pandémie de Covid-19.

Des kits anti-Covid

En attisant les craintes concernant la maladie X, les influenceurs de droite aux États-Unis profitent également de ces fausses informations pour vendre des kits médicaux contenant un traitement du Covid-19 qui, selon les experts de la santé, n'a pas fait ses preuves.

«Les diffuseurs de fake news tentent d'exploiter cette théorie du complot pour vendre des produits», explique à l'AFP Timothy Caulfield, de l'université d'Alberta, au Canada.

«C'est souvent leur principale source de revenus. Le conflit est profond. Sans les discours alarmistes et sans preuves sur les vaccins et les conspirations gouvernementales, cela ne serait que peu ou pas du tout lucratif», ajoute-t-il.

Les théories du complot ont pullulé dès que le Forum économique mondial de Davos – qui suscite toujours de la désinformation – a organisé en janvier une table ronde intitulée «Se préparer à la maladie X», axée sur une éventuelle pandémie future.

Une «arme de mort génocidaire»

Alex Jones, le fondateur du site InfoWars qui a gagné des millions de dollars en diffusant des théories du complot sur les fusillades de masse et le Covid-19, a prétendu sur les médias sociaux qu'il existait un plan à l'échelle mondiale pour déployer la maladie X en tant qu'«arme de mort génocidaire».

Lorsque la conspiration s'est étendue à la Chine, des messages partagés sur TikTok et X (anciennement Twitter) ont affirmé que le gouvernement chinois mettait en place des fours crématoires mobiles pour faire face à des «décès massifs».

Mais grâce à la recherche d'image inversée, les vérificateurs de faits de l'AFP ont découvert que les vidéos de ces messages montraient en réalité des services de crémation d'animaux.

En octobre, les vérificateurs de faits de l'AFP ont démenti des messages en ligne en Malaisie qui affirmaient que les infirmières étaient forcées de se faire injecter un vaccin contre la maladie X, qui n'existe pas.

Un but clair de profit

Le cardiologue américain Peter McCullough, connu pour diffuser des informations erronées sur le Covid-19, a affirmé sans fournir de preuves que la maladie X «devrait être créée dans un laboratoire biologique».

Il a fait cette déclaration sur le site web de The Wellness Company, un fournisseur de compléments alimentaires basé aux États-Unis, dont il est le directeur scientifique.

Incitant à «se tenir prêt» pour la maladie X, le site web propose un «kit d'urgence médicale» pour environ 300 dollars, qui contient des médicaments, dont l'ivermectine, un traitement qui n'a aucune efficacité prouvée contre le Covid-19.

Le Gateway Pundit, un site internet de droite connu pour propager des théories du complot, a également fait la promotion de ces kits dans un message sponsorisé intitulé «Maladie X: les mondialistes préparent-ils une autre pandémie?».

«Ne soyez pas pris au dépourvu», disait le message, renvoyant à un lien pour commander les kits.

Un mécanisme récurrent de la droite

«Répandre des théories du complot pour gagner de l'argent est une pratique établie depuis longtemps à droite», a déclaré à l'AFP Julie Millican, vice-présidente de l'organisation de gauche spécialisée dans la surveillance des médias Media Matters.

«Ceux qui sont les plus susceptibles de répandre des théories du complot sur des sujets tels que la maladie X», a-t-elle ajouté, «cherchent également un moyen de profiter de leur audience pour en tirer des bénéfices», a-t-elle expliqué.

Ni Wellness Company ni Gateway Pundit n'ont répondu aux sollicitations de l'AFP.

Nombre d'informations erronées ne sont pas contestées, car les plateformes telles que X, en quête d'économies, ont sabré dans les effectifs en charge de surveiller la sécurité et la fiabilité de leurs contenus.

Un obstacle majeur pour la société

Les théories du complot s'appuient sur les réticences croissantes à l'égard des vaccins depuis la pandémie de Covid-19, qui est susceptible d'avoir des effets «considérables» sur la santé publique, a déclaré Jennifer Reich, sociologue à l'université du Colorado à Denver.

«Depuis le Covid, nous avons constaté une moindre acceptation des vaccins pour les enfants et une approbation croissante, dans les sondages, du droit de refuser de vacciner ses enfants», a déclaré Jennifer Reich à l'AFP.

Certains adeptes des conspirations nées autour de la maladie X jurent de rejeter les futurs vaccins, selon les messages publiés sur les médias sociaux et suivis par l'AFP, une position qui pourrait compliquer la prise en charge de véritables urgences sanitaires.

«La désinformation peut également conduire certains pans de la population à prendre des mesures inefficaces, voire nuisibles, pendant une épidémie», a déclaré à l'AFP Chunhuei Chi, professeur de santé mondiale à l'université d'État de l'Oregon.

«Cela peut devenir un obstacle majeur pour une société qui veut être proactive dans la prévention et la préparation à une maladie contagieuse émergente», a-t-il estimé.

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