Le retour des sanctions de l’ONU contre l’Iran, liées à son programme nucléaire, semble désormais inévitable. Vendredi, le Conseil de sécurité a rejeté une ultime résolution qui aurait permis de repousser leur rétablissement, prévu dès samedi.
Le Conseil a rejeté vendredi la proposition de la Russie et de la Chine de prolonger de six mois l'accord de 2015 qui contrôlait le programme nucléaire de la République islamique en échange d'une levée des sanctions. La résolution russo-chinoise a été rejetée par 9 Etats membres sur 15.
«Des mensonges»
Par conséquent, «les sanctions (...) seront réimposées ce week-end», a déclaré l'ambassadrice britannique, Barbara Woodward. «A notre grand regret, l'Iran a persisté dans son attitude de refus. Nous attendions des gestes, mais des gestes concrets et précis. L'Iran n'en a produit aucun qui soit vraiment concret et précis», a justifié Jérôme Bonnafont, son homologue français.
«Ce n'est pas de la diplomatie, c'est de la tromperie, des mensonges et le théâtre de l'absurde», a fustigé pour sa part l'ambassadeur russe adjoint, Dmitry Polyanskiy, dénonçant «l'hypocrisie» européenne face à la «sagesse stratégique et flexibilité diplomatique» de l'Iran.
«Il n'y a pas de snapback (le nom du processus de rétablissement des sanctions, ndlr) et il n'y aura pas de snapback. Toute tentative de ressusciter les résolutions anti-iraniennes du Conseil de sécurité en place avant 2015 est nulle et non avenue», a déclaré l'ambassadeur russe adjoint, Dmitry Polyanskiy, suggérant que la Russie n'appliquera pas les sanctions de l'ONU à leur entrée en vigueur samedi.
«Pas l'intention de quitter le TNP»
De leur côté, les ambassadeurs britannique et français ont souligné que le rétablissement des sanctions ne signifiait pas la fin des efforts diplomatiques. «Nous sommes prêts à continuer les discussions avec l'Iran pour une solution diplomatique pour répondre aux inquiétudes internationales sur son programme nucléaire», a ainsi assuré Barbara Woodward. «En retour, cela pourrait permettre la levée des sanctions dans l'avenir», a-t-elle ajouté.
Jérôme Bonnafont a souligné qu'il fallait voir ses sanctions comme «un levier» pour parvenir à «un accord robuste, durable et vérifiable» pour encadrer le programme nucléaire iranien. Avant le vote sur la résolution, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, avait appelé le Conseil «à dire 'non' à la confrontation et 'Oui' à la coopération» dans un message posté sur X.
Le président iranien Massoud Pezeshkian a assuré que son pays ne quitterait pas le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) malgré le retour samedi des sanctions. «Nous n'avons pas l'intention de quitter le TNP», a-t-il déclaré à la presse en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, mettant en garde les puissances étrangères fabriquant «un prétexte superficiel pour enflammer la région».
Feu vert
Sur le terrain, les inspections des sites nucléaires iraniens ont repris «cette semaine», a déclaré à l'AFP l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), confirmant une annonce du chef de la diplomatie iranienne plus tôt au Conseil de sécurité de l'ONU. «Les inspections sont des mesures (...) confidentielles et nous ne pouvons pas confirmer leur emplacement, mais nous pouvons confirmer que des inspections ont repris cette semaine», a indiqué l'AIEA. Ces inspections avaient été suspendues à la suite de la guerre des 12 jours d'Israël en Iran en juin dernier.
La semaine dernière, le Conseil de sécurité avait donné son feu vert au mécanisme de rétablissement des sanctions, dit «snapback», qui interviendra automatiquement samedi à minuit GMT. Cette semaine à New York, c'est une course contre la montre qui s'était engagée pour les diplomates et les dirigeants.
Les réunions au plus haut niveau se sont ainsi multipliées en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avec notamment une rencontre entre le président français, Emmanuel Macron, et son homologue iranien, Massoud Pezeshkian, pour trouver un compromis sur la levée des sanctions.
Obligations de l'Iran violées
Mais dès jeudi soir, les principaux responsables de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni impliqués dans les discussions avaient quitté New York. Les Européens avaient posé trois conditions: reprise des négociations avec les Etats-Unis, acteur incontournable dans ce dossier; accès des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur les sites nucléaires sensibles en particulier Natanz, Fordo et Isfahan; processus pour sécuriser le stock d'uranium enrichi.
«Nous avions demandé des gestes de transparence, permettant de faire la lumière sur l'état et la localisation du stock des matières enrichies, en particulier des 450 kg d'uranium hautement enrichi à 60%», a détaillé l'ambassadeur de France. «C'était une demande minimale. La production par l'Iran de son rapport spécial, étape indispensable à l'agence pour vérifier l'état et la localisation des sites», a-t-il dit. «A ce jour, le rapport n'a pas été produit, là encore en violation des obligations de l'Iran.»
Ce dossier empoisonne depuis des années les relations de Téhéran avec les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et Israël, son ennemi juré, qui soupçonnent le pouvoir iranien de vouloir se doter de la bombe atomique, ce que ce dernier dément.
Netanyahu attaque l'Iran à l'ONU
«Nous ne devons pas permettre à l'Iran de conserver ses capacités nucléaires militaires», les stocks d'uranium enrichi «doivent être éliminés et demain (samedi), les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU contre l'Iran doivent être rétablies», avait demandé vendredi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à la tribune des Nations unies.
«L'Iran n'a jamais cherché et ne cherchera jamais à fabriquer une bombe atomique. Nous ne voulons pas d'armes nucléaires», avait martelé, quelques jours plus tôt, le président iranien à cette même tribune. L'émissaire américain Steve Witkoff, qui négociait avec Téhéran jusqu'à l'attaque d'Israël en juin dernier contre des infrastructures iraniennes, avait également fait part de contacts cette semaine.
Depuis Téhéran, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, avait donné le ton dès mardi affirmant que Téhéran ne céderait pas sur la question de l'enrichissement d'uranium. Or, l'administration Trump veut désormais que l'Iran renonce à tout enrichissement. L'accord de 2015 plafonnait le taux à 3,67% et garantissait en contrepartie à l'Iran une levée des sanctions.