Le rapport accablant publié la semaine dernière par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme parle de possibles crimes contre l'humanité au Xinjiang. Plus d'un million de Ouïghours et membres d'autres minorités musulmanes seraient retenus dans des camps d'internement et victimes de graves violations. La Chine affirme elle que ce dispositif fait partie de la lutte contre le terrorisme.
Le document, dévoilé quelques minutes avant la fin du mandat de quatre ans de la désormais ex-Haute commissaire Michelle Bachelet, demande au Conseil de se saisir du dossier. Mais après leur pression énorme sur la Chilienne pour le publier, la partie ne s'annonce pas facile pour les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou les Etats européens.
Impossible encore de savoir si une action concrète pourra être lancée dès cette session, selon des sources diplomatiques convergentes. Mais elles admettent que l'erreur n'est pas permise, sous peine de décrédibiliser le Conseil et de perdre la lutte pour les droits humains dans le monde au profit de l'approche chinoise. Et de redouter un vote qui ne serait acquis. «Si une majorité au Conseil des droits de l'homme décide qu'il ne faut pas engager une action après les violations dénoncées dans le rapport, cela veut dire que la vision universaliste des droits de l'homme est en cause», met en garde un diplomate occidental. Et que «l'ordre juridique est fragilisé».
«Nous ne pouvons ignorer le rapport»
Mais, dans le même temps, le rapport est la première dénonciation factuelle par l'ONU des violations au Xinjiang, attendue depuis longtemps, et une inaction aurait un impact sur le Haut-Commissariat. «Il est dense, solide et pertinent. Nous ne pouvons l'ignorer», dit le diplomate occidental. «Le Conseil doit préserver la capacité du Haut-Commissariat à publier des rapports similaires à l'avenir».
De son côté, la Suisse «souhaite un suivi», affirme à Keystone-ATS l'ambassadeur suisse à l'ONU à Genève Jürg Lauber. Après un rapport «solide, objectif, mesuré», «il ne faut pas seulement un geste politique, mais quelque chose qui ait un impact pour les gens concernés», a-t-il insisté, souhaitant une attitude «constructive» de la Chine.
Mais à quelques mois du Congrès du Parti communiste chinois (PCC), Pékin fait tout pour éviter que le rapport ne donne lieu à un suivi. Des pressions sont menées auprès des capitales. Et Pékin pourrait chercher à faire voter une résolution qui torpillerait toute tentative d'une investigation internationale mandatée par l'instance onusienne contre elle, selon certains. «Nous ne provoquerons rien» proactivement, a affirmé vendredi l'ambassadeur chinois à l'ONU à Genève Chen Xu aux correspondants accrédités à l'ONU à Genève (ACANU). «Mais nous devons être prêts à nous défendre», a-t-il insisté.
Beaucoup d'incertitudes
Le scénario le plus probable semble être une décision pour demander que le Conseil se saisisse du rapport plus tard. Tout pourrait dépendre des pays musulmans, dont certains soutiennent Pékin pour ne ne pas être exposés à une surveillance onusienne chez eux. Des dizaines d'Etats, dont la Suisse, ont déjà dénoncé par le passé dans des déclarations les crimes au Xinjiang. Pékin les avait menacés de représailles. De leur côté, les ONG semblent ne pas se faire d'illusions sur la possibilité d'une investigation internationale.
Plusieurs autres incertitudes règnent avant cette session, notamment le lancement possible d'une résolution pour condamner la répression des droits humains en Russie. Et, peut-être, établir un rapporteur spécial sur cette question. Alors que Moscou semblait avoir été lâchée par la Chine à l'ONU après l'invasion de l'Ukraine, certains redoutent une coalition d'oppositions si ces situations devaient aboutir à des résolutions. D'autres estiment au contraire que l'attention de chacun des deux acteurs serait alors mise seulement sur leur propre dossier.
La guerre en Ukraine sera à nouveau abordée devant le Conseil des droits de l'homme. Un premier dialogue est prévu avec la Commission d'enquête internationale liée au conflit. Toutes ces situations explosives seront discutées alors que le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a nommé l'un de ses proches, l'Autrichien Volker Türk, pour remplacer Michelle Bachelet.
La numéro deux, la Jordanienne Nada al-Nashif, est en charge de l'intérim avant son arrivée. Au total, des dizaines de débats sont au menu, dont celui pour le renouvellement du mandat du rapporteur spécial sur l'Afghanistan.
(ATS)