Porte-parole à 27 ans
Qui est Karoline Leavitt, figure de la «GenZ» trumpiste?

Avec ses phrases chocs et son admiration sans faille pour son patron, la porte-parole de Donald Trump à la Maison-Blanche, la plus jeune à occuper ce poste depuis qu’il existe, incarne la frange radicale de la jeunesse américaine républicaine.
Publié: 29.03.2025 à 09:03 heures
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Dernière mise à jour: 29.03.2025 à 09:04 heures
La porte-parole de Trump coche toutes les cases: une républicaine traditionnelle, mais avec des codes modernes.
Photo: keystone-sda.ch
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Cheveux blonds impeccablement lissés, grands yeux bleus alourdis par le maquillage et la fatigue, elle est devenue le visage qu’on associe inévitablement à un pupitre gris et un gros logo bleu et blanc. Depuis le 28 janvier dernier, Karoline Leavitt, 27 ans, est la porte-parole de la Maison-Blanche. Sa nomination fin 2024, juste après l’élection de Donald Trump, en a fait la plus jeune personne à occuper ce poste depuis qu’il existe.

Pourtant, elle n’a surpris personne. Parce que la Républicaine a fait ses armes pendant la campagne en tant que responsable de la communication du candidat, que ce dernier n’a jamais caché adorer son travail et que sa loyauté n’a d’égale que son efficacité. Karoline Leavitt est aujourd’hui devenue le symbole de cette génération Z, née entre le milieu des années 1990 et 2010, qui embrasse le trumpisme sans le moindre doute.

Un pur produit trumpiste

Pour comprendre le fonctionnement de la porte-parole de la Maison-Blanche, il suffit de regarder le point presse de mercredi dernier. Celui-ci intervient alors que l’administration Trump s’englue dans un énième scandale: lundi, le rédacteur en chef du média «The Altantic», Jeffrey Goldberg, a révélé dans un article avoir été ajouté par erreur à une boucle de messages sur l’application Signal. Dans cette boucle figurent de hauts responsables américains, dont le secrétaire d’État à la Défense, qui partagent des informations confidentielles sur des attaques contre des terroristes houthis au Yemen.

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Pendant près de cinq minutes, Karoline Leavitt liste les avancées de l’administration Trump, avant de regretter que tout cela soit ignoré au profit du «SignalGate». Puis, elle tire à vue sur tout et tout le monde: Jeffrey Goldberg, «un anti-Trump adhérent du parti démocrate», l’épouse de celui-ci et, bien entendu, les médias traditionnels. «Si cette histoire doit prouver quelque chose, c’est que les démocrates et leur propagande dans les médias mainstream savent plutôt bien lancer des campagnes de désinformation», lance la jeune femme sans jamais se départir de son calme ni de sa fermeté.

Voilà la marque de fabrique de la porte-parole, qui épouse en tous points le discours trumpiste: cibler les journalistes pour en faire des opposants politiques et défendre bec et ongle l’Amérique MAGA, triomphante, ultralibérale et ultra-conservatrice. Quitte à prendre quelques libertés avec les faits. «Ces deux premiers mois ont été les plus réussis de tous les gouvernements américains qui se sont succédé depuis toujours», affirme-t-elle ainsi avec aplomb lors de ce point presse, avant de refuser la question d’une journaliste de CNN qui souhaite revenir sur le «SignalGate».

Bourreau de travail

Qu’ils l’aiment ou la détestent, tous ceux qui l’ont côtoyée sont d’accord sur une chose: Karoline Leavitt est une bosseuse. Quand elle prend son poste de responsable presse sur la campagne de Donald Trump en janvier 2024, la jeune femme est enceinte. Très vite, elle s’impose un rythme effréné. Levée à 4h du matin, elle a déjà fait le tour des chaînes d’info en continu avant 8h. Attrape un sandwich chez MacDonald’s entre les briefings, retouche son maquillage dans un taxi qui l’emmène d’un studio à l’autre. Le 13 juillet 2024, trois jours après avoir accouché, elle regarde à la télévision le meeting durant lequel Donald Trump est victime d’une tentative d’assassinat. Le lendemain, elle est de nouveau sur les plateaux pour défendre son champion.

«
J’ai su dès le premier jour après avoir embauché Karoline qu’elle aurait un brillant avenir
Elise Stefanik, députée de New-York
»

Sa foi en Donald Trump ne date pas d’hier. En septembre 2017, alors qu’elle étudie au Saint Anselm College, université catholique du New Hampshire réputée pour former des personnalités politiques, Karoline Leavitt envoie une lettre excédée au journal des étudiants. Motif: un professeur a osé critiquer Donald Trump. Un an plus tard, l’étudiante accède au graal en décrochant un stage au service courrier de la Maison-Blanche. Débrouillarde, elle le transforme après la fin de ses études en emploi à plein temps au service de presse. 

Après l’attaque du Capitole, en 2021, Karoline Leavitt fait partie des personnalités républicaines qui soutiennent, envers et contre une bonne partie de son propre camp, le président récemment battu dans les urnes par Joe Biden. Elle travaille à l’époque pour Elise Stefanik, députée de New-York, qui ne tarit pas d’éloges dans «L’Opinion»: «J’ai su dès le premier jour après avoir embauché Karoline qu’elle aurait un brillant avenir et connaîtrait une ascension fulgurante.»

Fake news et phrases chocs

Le principal atout de Karoline Leavitt est de parler la même langue que son patron. Et de savoir occuper l’espace sans attirer trop de lumière. Dès sa première conférence de presse, elle le rappelle: Donald Trump reste «le meilleur porte-parole de cette Maison-Blanche». Pour le satisfaire, il lui faut donc se glisser dans ses chaussures, c’est-à-dire passer des heures dans le bureau ovale pour s’imprégner de chaque élément de langage. «La meilleure façon de réussir mon travail est de l’écouter autant que possible et d’entendre chaque mot qu’il prononce en public», explique-t-elle à «L’Opinion».

Karoline Leavitt incarne la parfaite républicaine, mais avec une touche de modernité.
Photo: keystone-sda.ch

Régulièrement, cela implique de répéter sans hésiter des fausses informations. Comme lorsque Karoline Leavitt affirme que les Etats-Unis fournissent pour 50 millions de dollars de préservatifs à Gaza – un chiffre depuis démenti – ou explique que «c’est un fait que l’étendue d’eau au large de la Louisiane s’appelle le golfe d’Amérique» – en réalité le golfe du Mexique, que Donald Trump a voulu renommer. Et plus souvent encore, il s’agit de se montrer aussi sévère que le président américain face à ses détracteurs. Lorsqu’elle est interpellée, il y a deux semaines, sur les propos tenus par le député européen français Raphaël Glucksmann, qui considère que les États-Unis ne «représentent plus les valeurs de la Statue de la Liberté», la porte-parole se montre cinglante. Et conseille à «ce politicien de seconde zone de se souvenir que c’est seulement grâce aux États-Unis (ndlr: intervenus pendant la Seconde Guerre mondiale) que les Français ne parlent pas allemand aujourd’hui».

Derrière son pupitre, Karoline Leavitt s’attaque aussi aux journalistes. En commençant par inviter des influenceurs à se joindre aux points presse de la Maison-Blanche, tout en bannissant des médias plus traditionnels. Elle fait ainsi la pluie et le beau temps dans le choix des reporters qui pourront faire partie du «pool», le groupe amené à suivre Donald Trump dans ses déplacements. Evidemment, Donald Trump admire celle qu’il qualifie lui même de «star» ayant accompli un «travail phénoménal» lors de sa campagne en 2024. Elle est «intelligente, solide et s’est avérée être une communicante très efficace», déclare-t-il dans un communiqué lors de sa nomination.»

Des prières avant les points presse

Son aplomb extraordinaire, Karoline Leavitt dit le tenir de son éducation, de son passé d’athlète – elle a obtenu une bourse sportive en pratiquant le softball – et de sa foi catholique. Celle qui s’affiche souvent avec une énorme croix en pendentif autour du cou a l’habitude, avant chaque point presse, de réunir ses équipes pour prier. «Elle demande à Dieu de la confiance, la capacité à choisir ses mots, et un bon briefing au nom du président, de l’administration et du peuple américain», raconte la journaliste Kara Voght dans le «Washington Post».

Avant chaque point presse, elle a l'habitude de réunir ses équipes pour prier.
Photo: AFP

La jeune femme coche ainsi toutes les cases de la femme républicaine: un look strict mais coloré, une blondeur savamment entretenue et une vie conjugale des plus balisées. En 2022, alors qu’elle tente sa chance pour être élue à la Chambre des représentants dans le New Hampshire, elle rencontre Nicholas Riccio, homme d’affaires dans l’immobilier, de 32 ans son aîné. Un an plus tard, ils se marient. Encore un an plus tard, elle accouche de leur premier enfant. Le storytelling est parfait, surtout quand il s’ajoute à celui sur les origines sociales de Karoline Leavitt. Ses parents, des petits entrepreneurs à la tête d’un commerce de glace et d’une concession automobile, ne sont jamais allés à l’université. Et ont eu du mal, raconte-t-elle souvent, à joindre les deux bouts. Dans leur maison d’Atkinson, toujours dans le New Hampshire, la télévision était constamment allumée sur la chaîne réactionnaire Fox News.

La prochaine génération MAGA

La jeune femme est donc à elle seule l’incarnation du mythe de la réussite à l’Américaine, du travail acharné qui paie toujours. Mais elle est aussi désormais le symbole de la «GenZ» trumpiste. Celle qui a grandi avec l’idéologie MAGA et écrit dès 2016, dans le journal étudiant de son université, que les médias sont «malhonnêtes», «crooked» en anglais, soit exactement l’adjectif préféré de Donald Trump pour qualifier son adversaire d’alors, Hillary Clinton.

Contrairement aux générations plus âgées, qui ont pu connaître d’autres courants chez les Républicains, Karoline Leavitt a été biberonnée au trumpisme. «Elle a appris que les électeurs du mouvement MAGA vous récompensent et vous soutiennent quand vous prenez des positions radicales», analyse dans le «Washington Post» Alex deGrasse, conseiller de la députée Elise Stefanik pour laquelle Karoline Leavitt a travaillé. «Elle incarne la prochaine génération de la démocratisation de l’information à la Trump», abonde Kellyanne Conway, ancienne conseillère du président.

Karoline Leavitt a été biberonnée au trumpisme.
Photo: keystone-sda.ch

Car Karoline Leavitt est loin d’être la seule. Pendant des décennies, les jeunes Américains ont préféré le camp démocrate. C’était encore le cas en 2016: Hillary Clinton a fait 18 points de plus que Donald Trump chez les 18-29 ans. Quatre ans plus tard, Joe Biden creuse encore l’écart, avec 24 points supplémentaires sur la même tranche d’âge. En 2024, dans plusieurs sondages différents, les moins de 30 ans ont autant choisi le candidat républicain que la démocrate Kamala Harris. Parce qu’il s’est adressé à leur anxiété, notamment celle des jeunes hommes blancs sans diplômes – la cible sur laquelle il fait ses meilleurs scores – Donald Trump a su capter ce vote et ce soutien. Karoline Leavitt est là pour le faire durer.

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