Le gouvernement de Donald Trump s'apprête à renverser la décision qui sert de fondation à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre aux Etats-Unis, deuxième plus gros émetteur mondial.
Qu'est-ce que cette décision de 2009? Pourquoi Washington veut-il l'annuler? Cela est-il juridiquement viable...? Ce changement pourrait avoir d'immenses conséquences sur la lutte contre le changement climatique.
Le Clean Air Act
En 1970, le Congrès américain a donné, via le Clean Air Act, le pouvoir à l'Agence de protection de l'environnement (EPA) de réguler «la pollution de l'air qui peut raisonnablement mettre en danger la santé publique». Pendant des décennies, l'EPA a donc eu l'autorité de réguler les polluants toxiques, comme l'ozone, mais pas forcément les gaz à effet de serre (GES).
Cependant, au fil de l'accumulation des connaissances scientifiques sur la responsabilité des GES sur le réchauffement de la planète, l'EPA a fait face à une pression croissante pour les inclure. L'affaire est remontée jusqu'à la Cour suprême, qui, en 2007, tranche: les gaz à effet de serre sont des polluants, et l'EPA doit prendre cela en compte.
Une année capitale: 2009
En conséquence, l'EPA déclare en 2009 les gaz à effet de serre dangereux pour la santé publique, ce qui lui permet de les réguler. La décision, connue sous le nom anglais de «Endangerment Finding» ("Constat de mise en danger"), constitue ainsi la base légale de très nombreuses régulations fédérales visant à lutter contre le réchauffement climatique.
Des règles sur les pots d'échappement des voitures à celles sur les centrales à gaz ou à charbon, «toutes ces règles individuelles remontent au constat de 2009», explique à l'AFP Meredith Hankins de l'ONG Natural Resources Defense Council.
Trump n'en veut plus
L'«Endangerment Finding» a résisté aux tribunaux et au premier mandat de Donald Trump. Mais il est directement dans la ligne de mire du républicain depuis son retour au pouvoir.
«L'administration Trump ne va pas sacrifier la prospérité du pays, la sécurité énergétique et la liberté de notre peuple pour un programme qui étrangle nos industries, notre mobilité et la liberté de choix des consommateurs», a déclaré en mars Lee Zeldin, le nouveau patron de l'EPA version Trump, en annonçant un réexamen du constat de 2009.
Sa proposition a été envoyée à la Maison Blanche le 30 juin pour approbation, selon un porte-parole, et une annonce officielle est attendue prochainement. Le gouvernement devrait soutenir que le coût économique des différentes régulations a été sous-estimé, tout en assurant que la pollution des véhicules américains représente une portion négligeable des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Les véhicules américains polluent trop
Les transports sont pourtant la source la plus importante d'émissions aux Etats-Unis. «Si les émissions de véhicules ne sont pas considérées comme une contribution au changement climatique, j'ai du mal à imaginer ce qui pourrait l'être», alerte Dena Adler, professeure de droit à la New York University.
Depuis 1970, les émissions des véhicules américains dépassent le total de celles des neufs pays qui suivent les Etats-Unis dans la liste des plus polluants, selon une analyse de l'Institute for Policy Integrity.
Une longue bataille judiciaire en vue
Si l'administration Trump renverse effectivement l'"Endangerment Finding» de 2009, elle fera très probablement face à des contestations en justice. En mars, l'EPA prévoyait de s'appuyer sur une décision de la Cour suprême de 2024 réduisant le champ d'action de régulations fédérales.
Mais pour de nombreux juristes, cela ne garantit pas un succès devant la Cour. «Ca va prendre des années» à remonter jusqu'à la Cour suprême, explique Dena Adler, spécialiste du droit de l'environnement. Et donner raison à l'administration Trump reviendrait à un revirement de jurisprudence: c'est sa décision de 2007 qui est à l'origine même de l'"Endangerment Finding».
Là, rien d'impossible: la plus haute juridiction du pays, à majorité conservatrice, est revenue en 2022 sur le droit fédéral à l'avortement, un revirement à 180° sur une décision de 1973. Si l'administration Trump y parvient et supprime des régulations, les industries ne vont cependant pas forcément changer leurs pratiques du jour au lendemain.