Pour une fois, une décision du Parlement européen est au goût des UDC romands. Ce mercredi 8 octobre à Strasbourg, les eurodéputés des 27 Etats membres ont voté en faveur de l'interdiction d'utiliser des termes comme «steak», «saucisse» ou «hamburger» pour des produits sans viande.
Les «steaks végétaux» ou «de soja» et autres «burger végétariens» ont été désavoués par 355 voix contre 247. Les eurodéputés ont ainsi soutenu une proposition de la droite bannissant visant à éviter une «confusion» avec les produits carnés.
Un «signal fort» de l'Europe pour l'UDC
«Une fois n'est pas coutume, le vote du Parlement européen» est «un signal fort qui va dans le sens de nos démarches entreprises sur plan national et cantonal», se réjouit un communiqué de l'UDC Valais romand. Accepté en juin dernier par le Grand Conseil valaisan, le postulat «Un steak est un steak» – déposé par le président du groupe UDC au Législatif, Grégory Logean – doit être appliqué par le Conseil d'Etat
Il vise à interdire, dans l'espace public, toute publicité «utilisant des termes liés aux produits d'origines animales pour nommer des denrées sans viande». Au niveau européen, le débat est loin d'être clos. La mesure doit encore être négociée avec les 27 Etats européens.
Question de transparence?
Selon la Française Céline Imart (LR), à l'origine du texte adopté mercredi, «il s'agit de transparence et de clarté pour le consommateur et de reconnaissance pour le travail de nos éleveurs». Il n'est «aucunement question d'interdire les alternatives végétales, mais je suis attachée à la valorisation des termes, à leur sens véritable», ajoute l'eurodéputée de droite, également exploitante céréalière.
Des organisations de consommateurs ont à l'inverse fait part de leur «déception» après ce vote. «Près de 70% des consommateurs européens comprennent ces noms tant que les produits sont clairement étiquetés comme véganes ou végétariens», affirme Irina Popescu, une responsable du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).
Du temps perdu pour «une bêtise»
Selon cette organisation, la consommation des produits végétariens imitant la viande a quintuplé depuis 2011. Une évolution portée par le souci de manger sainement, de défendre le bien-être animal ou de réduire son empreinte environnementale, alors que les élevages sont de gros émetteurs de CO2.
Cette loi a provoqué des débats enflammés dans l'hémicycle de Strasbourg. La droite s'est elle-même divisée. L'eurodéputé allemand Peter Liese trouve par exemple «dommage» que le Parlement européen consacre du temps à «une telle bêtise». «Nous ne devons pas prendre les consommateurs pour des imbéciles, a déclaré le libéral. Si un emballage indique 'burger végétarien' ou 'saucisse végétarienne', chacun peut décider s'il veut l'acheter ou non.»
Le «lobby de la viande» accusé
Les écologistes étaient vent debout contre le texte. La Néerlandaise Anna Strolenberg a tancé le «lobby de la viande» qui «tente d'affaiblir ses concurrents innovants dans le domaine alimentaire».
La filière Elevage et Viande française (Interbev) a, au contraire, salué le vote. Les alternatives végétales «brouillent les repères et affaiblissent la reconnaissance d'un produit brut et 100% naturel», en «s'appropriant les dénominations de la viande à des fins marketing», critique Interbev.
En 2020, les eurodéputés avaient rejeté une loi sur le même sujet. Mais les élections européennes de 2024 ont changé l'équilibre des partis, accordant plus de places aux députés de droite et d'extrême droite, qui revendiquent leur proximité avec le secteur agricole.
Des industriels en désaccord
Pour Nicolas Schweitzer, PDG de la marque française La Vie, qui fournit Burger King en «bacon végétal», l'adoption de ce texte est «une vraie déception». «Il s'agit uniquement d'une tentative de déstabilisation de la progression des alternatives végétales», assure-t-il à l'AFP. Selon lui, ces alternatives «répondent à une vraie demande des consommateurs, de plus en plus préoccupés par les enjeux environnementaux, éthiques et de santé soulevés par l'élevage intensif».
En Allemagne, le sujet inquiète les supermarchés, dont Lidl et Aldi, qui considèrent qu'exclure des «termes familiers» permettant aux «consommateurs de faire un choix éclairé», rendrait «beaucoup plus difficile pour les entreprises la vente de leurs produits». Cela «affecterait particulièrement l'Allemagne», le plus large marché pour les alternatives végétales en Europe, assurent les enseignes.
Outre la Suisse romande et l'Europe, le dossier agite aussi les passions en France. Un décret proposant d'interdire ce type d'appellation avait été pris en 2024, pour apaiser la colère des agriculteurs. Il avait été annulé par le Conseil d'Etat fin janvier 2025, dans la foulée d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne.