Il fait lourd à Chicago. Pourtant, on aperçoit plusieurs chasse-neige aux carrefours. Les plus grands et plus lourds véhicules de la ville n'ont pas été déployés pour des raisons météorologiques. Leur mission pour les cinq prochains jours: bloquer l'accès aux voitures.
Cette scène insolite s'explique par le fait que Chicago accueille dès aujourd'hui la convention du Parti démocrate. Pour affronter ce grand événement, la ville semble se transformer en véritable forteresse: des policiers de différents États américains patrouillent dans les rues, des quartiers entiers sont barricadés de clôtures en acier, des blocs de béton bloquent les principaux axes de la Ville.
Les mesures de sécurité à Chicago paraissent plus massives qu'il y a un mois à Milwaukee, chez les Républicains. Cela s'explique d'une part par la récente tentative d'assassinat du candidat à la présidentielle, Donald Trump. Mais surtout parce que les rues de Chicago seront remplies de dizaines de milliers de manifestants pour protester contre la politique israélienne du gouvernement Biden (et par extension de la vice-présidente actuelle, Kamala Harris). On s'attend ainsi aux plus grandes manifestations en marge d'une convention du Parti démocrate depuis les années 1960, lorsque la guerre du Vietnam avait déclenché des mobilisations massives.
Miser sur les jeunes
Roslyn Kashkooli, 80 ans, a fait le voyage depuis San Francisco. Cette ancienne travailleuse sociale est «enfin ravie d'être à nouveau une démocrate». Membre du parti depuis plus de 60 ans, elle a souvent donné de son temps de façon bénévole pour les campagnes électorales. Elle s'est rendue dans le Colorado pour Barack Obama, en Floride pour Hillary Clinton et en Arizona pour Joe Biden. Elle a frappé aux portes pour convaincre les gens de donner leur voix aux candidats démocrates.
C'est ce même rituel qu'elle appliquera cette année dans le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie, les swing states très disputés du Midwest. «Ma mission est d'amener le plus grand nombre possible de jeunes à voter», déclare l'aînée. «C'est leur vote qui déterminera si c'est Harris ou cette alternative insupportable qui entrera à la Maison-Blanche.» Elle affirme avoir été une fervente admiratrice de Biden. «Comme j'ai son âge, je sais que nous avons besoin de quelqu'un de plus énergique. Kamala peut le faire.»
L'heure de vérité
Pour Kamala Harris, la convention du parti à Chicago représente un vrai tournant. Depuis qu'elle a annoncé sa candidature le 21 juillet passé, les médias américains la traitent avec précaution. Jusqu'à présent, elle n'a pas accordé d'interview ni formulé concrètement ses intentions politiques. Elle a réussi à déclencher une euphorie qui la donne favorite dans les sondages, avant Trump.
Des critiques discrètes ont toutefois été formulées à l'encontre de son programme économique. La candidate a proposé de lutter contre l'inflation en interdisant les prix exorbitants des produits alimentaires et souhaite accorder une aide à l'acompte de 25'000 dollars prévus pour les propriétaires qui cherchent à acquérir une maison.
Sans surprise, les Républicains se sont moqués d'elle, lui collant l'étiquette de «communiste». Au contraire de Roslyn Kashkooli, qui salue ces propositions. Elle soutient que l'État doit s'engager en faveur des pauvres, «pour des salaires décents, pour des conditions de vie décentes».
Travailler dur pour obtenir des voix
Pour Nourbese Flint, 40 ans, le droit à l'avortement est le thème phare de ces élections. La militante souhaite qu'il reste abordable et accessible. Kamela Harris en est la garante, selon elle. «C'est vraiment génial de voir quelqu'un qui se sent si à l'aise pour en parler.»
Le fait que Kamela Harris n'ait pas été désignée comme candidate dans le cadre d'un processus démocratique, mais par la direction du parti, ne la dérange pas. «Biden a fait un travail formidable et passe maintenant le relais à sa vice-présidente, qui continuera le combat.»
Mais la Californienne reste pragmatique. «Pour l'instant, nous sommes tous enthousiastes, mais nous savons que cet enthousiasme doit être transformé en votes. Pour cela, nous devons tous travailler dur.»
La cible des élections: les chrétiens
Doug Pagitt est directeur de l'organisation Vote Common Good. Ce cinquantenaire du Minnesota s'est fixé une tâche difficile: il tente de convaincre les chrétiens évangéliques de ne pas voter pour Donald Trump, mais de donner leur voix pour Kamela Harris. Les évangéliques sont la clé de ces élections. «Si Trump obtient le vote de moins de 80% des évangéliques, il ne sera pas président.»
Il y a quatre ans, Biden aurait obtenu environ 25% des voix chrétiennes. «Nous pouvons faire monter le chiffre à 30 ou 35%.» Pour y parvenir, il se rendra dans les Swing States pour montrer à tout le monde que «Trump incarne à tous égards le contraire des valeurs que les gens enseignent à leurs enfants et de ce que les chrétiens veulent». Car selon Doug Pagitt, il n'a ni compassion ni amour du prochain.
Mais Kamela Harris devra miser sur d'autres thématiques que l'avortement pour convaincre cette couche de la population. «Elle s'engage pour les immigrés, l'environnement et les enfants – cela passe bien chez les évangéliques.»