A Washington, l'horloge tourne – et tout porte à croire que Donald Trump veut cette fois pousser les aiguilles jusqu'à minuit. Si le Congrès ne parvient pas à un accord avant mardi soir (06h00 en Suisse), le gouvernement américain se retrouvera sans argent. Les Etats-Unis plongeraient alors dans un «shutdown»: seules les missions jugées «essentielles» – armée, contrôle des frontières, sécurité aérienne – continueraient. Tous les autres services s’arrêteraient.
Mais contrairement aux shutdowns précédents, la Maison Blanche ne veut pas cette fois-ci simplement appuyer sur pause. Elle veut profiter de ce moment pour transformer radicalement l'appareil d'Etat – et ce de manière durable.
L'homme derrière le plan
L'homme derrière ce plan s'appelle Russell Vought. Le puissant directeur du budget de la Maison Blanche est l'architecte du «Project 2025», un plan directeur ultraconservateur pour le deuxième mandat de Trump. Pour Russell Vought, la menace du shutdown n'est pas une crise, mais une chance historique «d'étrangler la bête», comme le cite un stratège budgétaire républicain. Sa consigne aux autorités: préparez-vous à des licenciements massifs – non pas des pauses forcées temporaires comme par le passé, mais des licenciements définitifs.
Normalement, après un shutdown, les employés reprennent leur travail dès que le Congrès débloque à nouveau le financement. Mais c'est justement là que Russell Vought intervient: il a demandé aux autorités de se préparer non seulement à des pauses forcées temporaires, mais aussi à des licenciements collectifs définitifs. En utilisant l'état d'urgence administratif, il peut supprimer des postes, fermer des programmes entiers et réorganiser les effectifs en fonction des priorités de Trump – sans que le Congrès ne vote.
Une coupe claire annoncée
L'ampleur serait historique: plus de 114'000 postes pourraient être supprimés selon le «Washington Post». Cinq agences fédérales – dont celles qui aident les sans-abri, surveillent la sécurité des produits ou enquêtent sur les accidents chimiques – seraient complètement supprimées. Quatorze autres ministères devraient licencier un tiers de leur personnel.
Seuls les départements financés par le «One Big Beautiful Bill» de Trump – en particulier la défense et la sécurité intérieure – sont exclus de la coupe prévue. L'objectif semble être le suivant: un gouvernement fédéral qui s'occupe avant tout de l'armée, de l'immigration et de la sécurité intérieure – et nettement moins des programmes sociaux, de l'éducation ou de la réglementation. Certains observateurs politiques affirment même que Trump veut délibérément forcer le shutdown.
Pression sur les démocrates
En bref: ceux qui ne correspondent pas aux priorités de Trump doivent rester en dehors. Pour Trump et ses alliés, c'est une double victoire. D'une part, ils économisent de l'argent et affaiblissent d'autre partdes institutions qu'ils présentent depuis des années comme des ennemis – du ministère du Travail aux autorités de protection de l'environnement et des consommateurs. L'ex-speaker Newt Gingrich parle auprès des médias américains d'une «chance historique de démanteler l'Etat hypertrophié».
Parallèlement, la pression sur les démocrates augmente: soit ils acceptent le budget de transition de Trump, soit ils risquent de voir l'Etat administratif démantelé.
Bluff ou réel danger?
Mais même les observateurs conservateurs se demandent si la ligne dure de Russell Vought est plus qu'un simple coup de bluff. Au printemps que la fameuse autorité Doge a licencié des milliers d'employés – pour en réembaucher une partie quelques mois plus tard, car des tâches importantes seraient sinon restées en suspens. «Pourquoi vire-t-on des gens pour les réembaucher ensuite – et planifier ensuite une autre vague de licenciements?», demande un ex-fonctionnaire du gouvernement.
On saura dans les jours à venir si Trump et Russell Vought iront vraiment jusqu'au bout de cette coupe claire ou s'ils ne font que mettre la pression sur les démocrates. Une chose est sûre: ce shutdown n'est pas un conflit budgétaire normal. Il s'agit d'une épreuve de force pour l'avenir de l'Etat américain. Il pourrait conduire au remaniement le plus radical du gouvernement américain depuis des décennies.