Les attaques des Houthis en mer Rouge et dans le golfe d'Aden et les ripostes occidentales à ces frappes des rebelles yéménites, paralysent les efforts pour mettre fin à la guerre au Yémen et menacent le sort de la population d'un pays déjà à genoux.
Des négociations laborieuses gagnaient du terrain pas plus tard qu'en décembre, les Nations unies annonçant que les belligérants s'était mis d'accord pour oeuvrer à «la reprise d'un processus politique inclusif».
Des centaines de milliers de morts
Pays le plus pauvre de la péninsule arabique, le Yémen est depuis 2014 en proie à une guerre civile opposant le gouvernement, soutenu depuis 2015 par une coalition militaire conduite par l'Arabie saoudite, aux rebelles houthis proches de l'Iran qui contrôlent des pans entiers du pays dont la capitale Sanaa.
La guerre a fait des centaines de milliers de morts, victimes directes et indirectes du conflit, et provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde, selon l'ONU, avec un «taux de malnutrition parmi les plus élevés jamais enregistrés» et «17,6 millions de personnes qui seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en 2024».
Les Houthis ont ravivé les tensions
Le pays connaît une accalmie depuis une trêve négociée en avril 2022 par les Nations unies, mais dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza, les Houthis ont mené en mer Rouge et dans le golfe d'Aden des dizaines d'attaques contre des navires qu'ils estiment liés à Israël, disant agir en solidarité avec les Palestiniens.
En riposte aux attaques qui perturbent fortement le transport mondial de marchandises depuis novembre, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont mené plusieurs frappes au Yémen visant les Houthis, qui ont encore fait état de la mort de 17 rebelles lors de nouvelles frappes le 8 février.
«Le plan de paix n'a plus sa place dans les discussions»
Des analystes avertissent que les tensions croissantes dans la région pourraient faire dérailler les efforts de paix au Yémen, où l'ONU a fait état en décembre de progrès pour parvenir à une feuille de route qui permettrait de résoudre des questions en suspens.
Avec la crise en mer Rouge, «le plan de paix n'a plus sa place sur la table des discussions», estime Majid Al-Madhaji, du Centre d'études stratégiques de Sanaa, pour qui le gouvernement yéménite, soutenu par Ryad, chercherait aujourd'hui une «opportunité pour renverser l'équilibre des pouvoirs» en sa faveur.
«Le chemin vers la guerre était fermé, mais maintenant la porte de l'enfer est rouverte», prévient Farea Al-Muslimi, chercheur du groupe Chatham House, estimant que «la paix au Yémen nécessite des engagements internationaux et régionaux différents de ceux qui existent actuellement».
Surmonter les difficultés
Houssein al-Ezzi, un haut responsable des Houthis, de nouveau qualifiés de groupe «terroriste» par Washington, a fait état récemment d'«obstacles» sur le chemin de la paix, qu'il a imputés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au gouvernement yéménite. Mais «Ryad et Sanaa ont le courage de surmonter ces difficultés», a-t-il assuré.
Un haut responsable du gouvernement yéménite avait appelé en janvier à un soutien étranger pour une opération terrestre appuyant les frappes aériennes américano-britanniques contre les Houthis.
La situation à Gaza reste la priorité
Mais «nous n'allons pas emprunter cette voie», a déclaré à l'AFP Gerald Feierstein, ancien ambassadeur américain au Yémen: les Etats-Unis subissent «de fortes pressions pour ne rien faire qui puisse nuire aux négociations» de paix.
Même son de cloche chez le général à la retraite Joseph Votel, ancien chef du commandement central américain, qui juge «plus important (...) de régler la situation à Gaza et restaurer une certaine forme de dissuasion avec l'Iran.»
L'Arabie saoudite, alliée des Etats-Unis qui cherche à sortir de la guerre du Yémen, n'a pas rejoint la coalition maritime multinationale créée par Washington pour protéger la navigation dans la région, s'engageant dans un exercice d'équilibre délicat. Ryad a exprimé sa «grande inquiétude» après la première série de frappes américaines et britanniques visant les Houthis les 12 janvier, appelant à «la retenue».
L'Arabie saoudite «surveillera de loin jusqu'où ira Washington, mais elle ne s'engagera dans aucune bataille avec les Houthis à moins qu'ils ne visent son territoire», estime le chercheur Farea Al-Muslimi. Mais même si Ryad a choisi de se maintenir en marge des tensions en mer Rouge, «la communauté internationale est moins susceptible de soutenir un plan de paix au Yémen en raison des craintes de récompenser les Houthis pour leurs attaques en mer Rouge», souligne Mohammed al-Basha, du groupe de recherche Navanti basé aux Etats-Unis.
(AFP)