«Le dernier été en paix»
La Pologne est en première ligne face au risque d’une attaque russe

La Pologne se prépare à une attaque potentielle de la Russie. Selon le chef de la sécurité, le pays pourrait se défendre pas plus de deux semaines sans l'aide de l'OTAN. Marcel Berni, expert militaire, analyse les risques.
Publié: 30.03.2025 à 06:07 heures
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Dernière mise à jour: 30.03.2025 à 10:23 heures
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Vladimir Poutine se prépare à l'idée d'attaquer l'OTAN.
Photo: Getty Images
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Marian Nadler

Les signaux d’alerte se succèdent. Ces dernières semaines, plusieurs experts ont mis en garde contre un basculement géopolitique majeur en Europe. Dans «Bild», l’historien militaire allemand Sönke Neitzel a évoqué «le dernier été en paix», l’ancien commandant britannique de l’OTAN Richard Shirreff redoute une «guerre totale» de la Russie contre l’Occident, et les services secrets danois envisagent une «grande attaque russe sur l’Europe» dans un délai de cinq ans. Pour de nombreux experts en sécurité, l’Europe entre dans une zone de turbulences sérieuses.

Parmi les cibles potentielles: la Pologne. Le nouveau secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutt, a adressé mercredi un message direct à Vladimir Poutine. Selon l’agence de presse polonaise PAP, il a affirmé après une rencontre avec le Premier ministre polonais Donald Tusk: «Celui qui pense pouvoir attaquer sans conséquence la Pologne, ou un autre membre de l'OTAN, fait de mauvais calculs.» Et d’ajouter: «Cela doit être clair pour Monsieur Vladimir Vladimirovitch Poutine et tous ceux qui veulent nous attaquer.» Sa mise en garde est sans équivoque: «Notre réponse sera destructrice.»

Deux semaines de défense

A Varsovie et dans les pays baltes – sur le flanc est de l'OTAN –, le spectre d’un conflit s’installe. Si la Russie sort victorieuse en Ukraine, une nouvelle expansion militaire sur le continent n’est pas impossible. Mais la Pologne se prépare. «Avec le niveau d'approvisionnement actuel, la défense pourrait être maintenue pendant une à deux semaines», a estimé Dariusz Lukowski, chef de la sécurité nationale, sur Polsat News. Ici, il fait référence à la capacité qu'a la Pologne à se défendre sans aide extérieure. 

Doit-on pour autant redouter un conflit imminent? L’expert militaire Marcel Berni, de l’EPFZ, nous apporte des éléments de contexte pour Blick: «Je considère ce danger comme possible, mais je doute qu'une attaque russe contre la Pologne ait lieu cette année.» Il estime que «les Russes sont actuellement absorbés par l'Ukraine», ce qui rend peu probable une guerre sur deux fronts.

Où Poutine pourrait-il frapper?

Mais la situation pourrait évoluer. En cas de cessez-le-feu, ou pire, de victoire totale de la Russie en Ukraine, les lignes de front pourraient se déplacer. Dans ce cas, où le Kremlin frapperait-il? 

«L'OTAN craint une attaque russe par la brèche de Suwalki entre la Lituanie et la Pologne, explique Marcel Berni. C'est là qu'une poussée russe sur l'enclave de Kaliningrad pourrait couper les pays baltes de la Pologne et ainsi diviser l'OTAN.» Ce corridor d’à peine une centaine de kilomètres relie la Lituanie au reste du continent, tout en étant proche à la fois de Kaliningrad et de la Biélorussie.

Selon Marcel Berni, «pour obtenir un effet de choc, la Russie utiliserait probablement dans un premier temps des missiles, des drones et de l'artillerie en combinaison avec la guerre électronique.» Une offensive terrestre suivrait, menée par des blindés et des troupes au sol.

«Souffrances, destruction, occupation»

Sans soutien de l’OTAN, l’issue serait incertaine pour Varsovie et Vilnius. «Ils sont dépendants des systèmes de défense aérienne, de la défense antichars, de l'artillerie ainsi que des forces aériennes et terrestres de l'OTAN», souligne l’expert. Une telle attaque activerait l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, entraînant la mobilisation des alliés.

D’ici là, la Pologne mise sur son projet stratégique «Bouclier de l’Est». Ce dispositif, en cours de construction à la frontière avec Kaliningrad et la Biélorussie, devrait être opérationnel en 2028. Il comprendra des positions antichars, des dispositifs antidrones et des obstacles physiques comme des blocs de béton.

Mais pour Marcel Berni, une hypothèse reste sur la table: «Dans le pire des cas, la population civile en Pologne et dans les pays baltes risque de subir beaucoup de souffrances, de destructions et une occupation russe de son propre territoire.»

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